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Publié le 2 Septembre 2015

Bible Chouraqui entête. Berechit volume 1 (*)

C'est une excellente idée de publier à nouveau l'étonnante traduction de la Bible par André Chouraqui.

Par Jean-Pierre Allali
Natif d'Aïn-Témouchent, en Algérie, où il vit le jour en 1917, grand résistant membre du Réseau Garel de l'OSE, avocat et juge, Nathan André Chouraqui fut maire-adjoint de Jérusalem où il s'est éteint en 2007. Il fut surtout un grand érudit qui n'hésita pas à traduire à sa façon, originale et révolutionnaire, la Bible hébraïque, le Nouveau Testament et le Coran.
Dans son introduction particulièrement savante, où les citations et les références en hébreu, en arabe, en espagnol, en allemand ou en grec sont omniprésentes, le professeur Cyril Aslanov, n'hésite pas, pour présenter la méthode Chouraqui, à parler de décapage de la langue afin de permettre aux écrits de faire peau neuve.
« Cette extraordinaire jonglerie sémantique, qui fait intervenir quatre langues, ne doit pas nous étonner de la part d'une personnalité aussi multiculturelle qu'André Chouraqui, né dans un pays arabe, immergé depuis son jeune âge dans l'atmosphère ibérique que les nombreux pieds-noirs originaires d'Andalousie faisaient régner sur tout l' Oranais, rompu à la langue sainte et au demeurant, pur produit de l'enseignement français ».
Chouraqui avait la volonté affirmée de traduire les mots de la Bible d'après leur acception moderne, n'hésitant pas, à l'occasion, à créer des vocables de toutes pièces. Il avait aussi le souci perpétuel de rajeunissement de l'hébreu biblique. C'était un médiateur qui « non content d'assurer le lien entre le passé et le présent de la langue hébraïque, entre le texte source et le texte cible », a voulu réconcilier « le sens des mots avec leur force expressive et avec l'impression que ce sens et cette expressivité produisent sur des êtres de chair et de sang ». Il ne faut surtout pas voir, dans cette façon de faire, nous dit Aslanov, une quelconque coquetterie de traducteur ou une lubie d'esthète.
Tour à tour, dans cette magistrale présentation, Chouraqui est comparé à de grands maîtres de la traduction : les Septante, Aquila, Jérôme, Ulfila, apôtre des Goths, le slave Cyrille, Clément Marot, Martin Luther, Buber, Rosenzweig, Henri Meschonnic et d'autres encore.
Pour donner au lecteur un avant-goût de cette traduction exceptionnelle, voici les premiers mots de « Berechit » dits par Chouraqui :
Entête Elohîms créait les ciels et la terre
La terre était tohu-et-bohu
une ténèbre sur les faces de l'abîme,
mais le souffle d'Elohîms planait sur les faces des eaux.
Elohîms dit : « Une lumière sera. »
Et c'est une lumière.
Elohîms voit la lumière : quel bien !
Elohîms sépare la lumière de la ténèbre.
Elohîms crie à la lumière : « Jour. »
Àla ténèbre il avait crié : « Nuit. »
Et c'est un soir et c'est un matin : jour un.
Et pour bien mesurer l'écart avec les textes généralement admis, voici le même passage tiré de la Traduction Œcuménique de la Bible (Livre de Poche) :
Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l'abîme, le souffle de Dieu planait à la surface des eaux, et Dieu dit : « Que la lumière soit ! » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. Dieu appela la lumière « jour » et la ténèbre il l'appela « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.
Les éditions Elkana et Biblieurope prévoient de poursuivre l'ensemble de la traduction de la Bible Chouraqui au cours des mois. Une belle initiative qui mérite d'être encouragée.
Note:
(*) Éditions Elkana, Jérusalem et Biblieurope. Premier semestre 2015. 278 pages grand format. 20 euros-100 shekels. Présentation et annotations par Francis Meïr et Cyril Aslanov. Préface d'Alain Michel.
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