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Publié le 28 Juillet 2015

La corvée des enterrements était réservée au Kolenkommando

"Souvent, je regardais partir ce train avec nostalgie, il aurait pu m’emmener loin de cet enfer, mais comment mettre en pratique un tel projet?"

Par Théo Zilberberg, publié dans le Times of Israel le 27 juillet 2015
 
Mon nouveau travail consistait à décharger des grands wagons de chemin de fer de 20 tonnes de charbon, qui était amené et qui se présentait sous la forme de « schlam »; un aggloméré de poussière.
 
C’était tout un cérémonial quand un convoi de ce charbon se pointait. Le temps du déchargement était chronométré pour perdre le moins de minutes possibles. Il ne fallait pas outre-passer la durée réglementaire et libérer les wagons proprement, pour qu’ils puissent repartir sans délai.
 
Il y avait une technique, pour vider ces wagons, et l’idéal consistait à avoir des équipes avec des gauchers et droitiers, travaillant ensemble. Ainsi, on ne se gênait pas avec les manches des pelles. J’étais fort demandé, puisque je suis gaucher.
 
Quand la locomotive rappliquait, après avoir fait le plein d’eau (et de schnaps pour le mécanicien) on devait sauter en bas du train sur un coup de sifflet donné par un garde, et gare à l’équipe qui n’avait pas vidé entièrement « son » wagon…
 
Souvent, je regardais partir ce train avec nostalgie, il aurait pu m’emmener loin de cet enfer, mais comment mettre en pratique un tel projet, sans préparation et sans aide extérieure.
 
Ce travail en plein air était plus dur, mais la poussière de charbon se lave et ne colle pas à la peau comme la poudre d’explosifs, et surtout, nous ne sortions travailler qu’avec les équipes du matin, de 6h à 14h. Il y avait aussi d’autres avantages qui, parfois, nous permettaient de « trouver » une patate, qui « tombait » du camion alimentant la cuisine aryenne.
 
La punition pour ce genre de « vol » était de 25 coups de bâton, mais cela ne nous empêchait pas d’essayer d’en ramasser.
 
Notre groupe de Kolenkommando devenait tout doucement un kommando d’élite, dans le sens que certains d’entre nous recevaient des propositions d’autres détenus pour faire l’échange de groupe. A tel point, que des hommes n’hésitaient pas à offrir plusieurs rations de pain, pour prendre la place d’un de nous. Evidemment, la tentation de travailler tous les jours, avec l’équipe du matin, et hors de cette poudre nocive, créa des envies et des jalousies parmi les autres prisonniers. Personne du groupe n’accepta ces propositions et nous restions bien homogènes.
 
Une corvée qui était spécialement réservée au Kolenkommando, était les enterrements. Dans ce camp, il n’y avait pas de four crématoire. Tous les dimanches, jour de repos à l’usine, étaient consacrés à l’enterrement des morts de la semaine écoulée. Comme nous ne travaillions que le matin, nous avions cette corvée très pénible. Physiquement et moralement... Lire l'intégralité.
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