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Published on 5 July 2010

Je t’aime ma fille, je t’abandonne, par Ariela Palacz (*)

Comme le titre l’indique clairement, le récit d’Ariela Palacz raconte l’histoire d’une enfant que ses parents, pour la sauver d’une mort annoncée, aux heures sombres de la Shoah, choisissent d’abandonner. Un sort que le docteur Boris Cyrulnik, qui préface l’ouvrage, a connu lui-aussi : « Je pensais lire l’autobiographie d’Ariela Palacz et je découvre avec stupéfaction que c’est la mienne qu’elle a écrite ! ».




Jérusalem, janvier 1998. Un froid intense. Vent et gel. Bien calfeutrée chez elle, dans son appartement perché sur une des plus charmantes collines de la ville, entre le tombeau du prophète Samuel et le quartier de Ramot, celle qui fut la petite Payèlè va avoir 64 ans. Elle est née à Paris au sein d’une famille juive polonaise, les Szenker. Ses amis Moshé Roth et Rina Neher l’ont poussée à écrire sa vie. Elle hésite puis finit par prendre sa plume. Devant elle, la feuille de papier, enfin, n’est plus blanche. Et elle en a des choses, à raconter, Payèlè !



Papa était tailleur et maman l’aidait tout en chantant en yiddish et en russe. Son grand frère, Isaac les accompagnait parfois au piano tandis que papa se mettait à l’harmonica. À l’école, rue de la Folie-Méricourt, Payèlè devient Paulette, c’est plus français. Et quand une petite sœur vient au foyer, on l’appelle Nicole. Avec Claude, le petit frère, cela fait une belle famille. Une vie simple, mais si heureuse. Pas pour longtemps, hélas. La narratrice a six ans quand son père , au retour d’une promenade, lui annonce que la Guerre est déclarée. Dès lors, au fil des semaines, tout va changer, l’univers de Payèlè va s’écrouler. Car à partir de maintenant, il ne faudra plus appeler son grand frère Isaac, mais Jacques. Nous sommes en 1942. Les enfants sont réveillés en pleine nuit, séparés et, Payèlè le comprendra plus tard, confiés, par prudence, à des « dames » de l’Assistance Publique du côté de Denfert-Rochereau. Adieu maman, adieu papa, adieu frères et sœur.



Ariela Palacz alterne le récit des souvenirs en écriture droite avec des réflexions sur le présent, en italique, sur Jérusalem, sur les cafés animés de la rue piétonnière Ben Yéhouda, sur le marché de Mahané Yéhouda et sur Israël en général.



Après Denfert-Rochereau, voici Cosne sur Loire qu’on gagne en train. Puis, à vingt kilomètres de là, Saint-Amand en Puysaie. À la ferme. Rencontre avec la nourrice, Mémère et son mari, Pépère. Dans cette nouvelle vie, il faut aller au catéchisme. « Ma vie à Saint-Amand a commencé. Je pense que, pour moi, ça ne sera plus jamais comme avant, mais je reste persuadée qu’il s’agit d’une grande erreur. Papa viendra me chercher un jour ». En attendant, il faut glaner et chasser les doryphores, fabriquer des fromages et cueillir des cerises. Et madame Auger qui n’arrête pas de lui réclamer son certificat de baptême ! Comment va-t-elle préparer sa première communion dont elle a tellement envie !! C’est bientôt Noël. À l’église, Jésus tout nu sur la paille a froid, c’est sûr. C’est la faute aux Juifs. « La haine m’envahit. Je déteste les Juifs. Je les déteste. Je les déteste ».



Trois ans déjà et voilà qu’un jour les Américains sont là. La Guerre est finie. Et puis, soudain, le miracle : Papa est là. Ce n’est pas un rêve. Retour à Paris. Ce qui devait être un grand bonheur s’avère être un cauchemar. Payèlè découvre que tout le monde a été assassiné. « Il reste un seul frère à papa. Il reste une seule sœur de maman. Tous les autres : ASSASSINÉS. ASSASSINÉS. Ça n’est pas vrai. Ça ne se peut pas ». Payèlè n’a pas encore douze ans et, dit-elle, « LA SHOAH ENTRE EN MOI ».



Plus tard, Payèlè, devenu profondément sioniste, va fonder une famille et choisira de vivre en Israël. Cela nous vaut des pages très engagées et très fortes.



Un sympathique cahier-photos central agrémente cet ouvrage sensible et plein d’émotion.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Elkana. Jérusalem. 2ème semestre 2009. Préface de Boris Cyrulnik. Postface du Dr Michel Caire. 298 pages.18,90 euros


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