Tribune
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Published on 9 March 2012

Iran : après l'AIPAC

 

Par Hélène Keller-Lind

 

Au lendemain de la Conférence du lobby pro-israélien américain AIPAC, compte tenu de nouvelles déclarations, des lignes plus claires se dessinent quant à ce  que privilégient certains dirigeants face à la menace iranienne. Avec convergences mais aussi divergences. Et un message quelque peu brouillé de Barack Obama.

 

 

L'analyse est la même pour le Président Obama, le Premier ministre israélien, les candidats républicains à la présidentielle US ou le ministre des Affaires étrangères français : s'il se dote du nucléaire, l'Iran représentera un danger pour le monde. Par lui-même ou par son soutien à un terrorisme nucléaire.

 

Quant aux offres récentes faites par le régime des mollahs de reprendre un dialogue sur le nucléaire, pour répondre, apparemment, aux effets qu'ont les sanctions décidées au niveau mondial sur son économie, si elles ont été acceptées par la voix de Catherine Ashton, elles sont prises avec une grande circonspection, l'Iran ayant déjà cherché à gagner du temps par le passé et y étant parvenu. Ce qui lui a permis de poursuivre ses travaux en vue d'acquérir l'arme nucléaire dans un avenir qui n'est pas si lointain. Or, justement, à Washington, Benjamin Netanyahou soulignait que « le temps presse »....

 

Il ne s'agit plus de se borner à « contenir » la volonté du régime de Téhéran, mais de l'empêcher de parvenir à ses fins, s'accordent à dire les dirigeants occidentaux et israéliens. Et pour l'heure, les dirigeants occidentaux privilégient le dialogue. Israël aussi, tout en étant beaucoup plus réticent au vu du comportement de Téhéran jusqu'ici. Benjamin Netanyahou rappelait d'ailleurs à Washington pendant la Conférence de l'AIPAC, le principal lobby pro-israélien américain, qui s'est tenu du 4 au 6 mars derniers, que cela fait quinze ans qu'il tire la sonnette d'alarme et qu'il n'a pas été entendu pendant des années.

 

Toujours devant l'AIPAC, Barack Obama réaffirmait, pour sa part, que les États-Unis aideraient Israël à maintenir sa sécurité et l'avait déjà fait en développant une coopération militaire sans précédent avec l’État hébreu. On note qu'Alain Juppé, lors d'un panorama global dans l'interview matinale de Christophe Barbier le 7 mars sur Itélé, tenait le même langage, citant la position du Président de la République pour qui « la sécurité d'Israël est un point absolument essentiel », ajoutant : « Nous serons toujours aux côtés d'Israël si sa sécurité était menacée ». Quant à l'Iran, le ministre d’État parlait de « la farce »  qu'ont été les récentes élections en Iran et du « double langage » iranien...

 

Divergences: option militaire ou pas. Les doutes de Barack Obama et les certitudes d'Alain Juppé ou de Benjamin Netanyahou pour qui le temps presse

 

Mais, au-delà de cette unité, les divergences commencent. Il est clair qu'Israël estime qu'une frappe ou des frappes sont ou seront nécessaires très probablement pour stopper cette marche vers le nucléaire militaire iranien, même si Benjamin Netanyahou se refusait à donner le moindre détail sur le sujet et a demandé à ses ministres de ne pas l'évoquer. Or, même si le Président Obama et son Secrétaire d’État à la Défense, Leon Panetta, qui s'exprimait aussi devant l'AIPAC, disent clairement que « toutes les options sont sur la table », l'option militaire n'est apparemment pas envisagée pour l'heure et ils y préfèrent actuellement que des sanctions plus efficaces soient prises. Le 6 mars, lors de sa première conférence de presse de 2012, Barack Obama déclarait d'ailleurs : « nous allons continuer à appliquer des pressions tout en laissant une porte ouverte pour que le régime iranien puisse entrer pour rejoindre les nations en donnant des assurances à la communauté internationale garantissant qu'il respectera ses obligations et ne cherchera pas à se doter d'armes nucléaires ».

 

Or, lors de la Conférence de l'AIPAC, devant quelque 13.000 personnes, dont nombre de personnalités démocrates ou républicaines Benjamin Netanyahou avait souligné « qu'il est temps que le monde appelle un chat un chat »et que « personne ne peut attendre plus longtemps ». Et si rien d'officiel n'a filtré de sa rencontre avec le Président américain du 5 mars dans le Bureau Ovale, certaines déclarations de Benjamin Netanyahou prennent tous leur sens au vu de ce qui semble être aujourd'hui une relative tiédeur américaine. En effet, le Premier ministre israélien a déclaré à plusieurs reprises qu'Israël peut se défendre seul. Documents à l'appui, il rappelait que les États-Unis n'avaient pas voulu bombarder Auschwitz  à l'époque, ajoutant que « 1944 n'est pas 2012 ». Quant à Barack Obama, il a reconnu à Israël le droit de se défendre, à plusieurs reprises également.

 

Juste avant sa rencontre en tête à tête avec le Président américain le 5 mars, évoquant justement ce point, Benjamin Netanyahou avait déclaré : « Après tout, c'est le but même de l’État juif, rendre au peuple juif le contrôle de notre destinée. Et c'est mon ultime responsabilité en tant que Premier ministre d'Israël d'assurer qu'Israël reste maître de son destin ». Des propos qui prendront tout leur relief le lendemain, lorsque Barack Obama sera interrogé au cours d'une conférence de presse sur des propos tenus par le candidat républicain à la présidence, Mitt Romney.

 

En effet, trois des candidats restant encore en lice pour la nomination à la candidature républicaine pour les élections présidentielles, se sont exprimés devant l'AIPAC le 6 mars. Tous trois ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme un soutien insuffisant de l'Administration Obama à Israël sur le dossier iranien. Mitt Romney, qui est actuellement en tête, décrivant ce qu'il ferait aujourd'hui, à savoir adresser un ultimatum à l'Iran et menacer de démanteler ses installations nucléaires si cela n'est pas fait. En appuyant ces menaces par une présence renouvelée de porte-avions en Méditerranée et dans le Golfe persique.

 

Réponse de Barack Obama le 6 mars : ce sont des propos politiques de campagne électorale qui ne sont pas destinés à résoudre un problème. « Des gens qui n'ont pas beaucoup de responsabilités, ils ne sont pas commandant-en-chef. Quand je vois la désinvolture avec laquelle ils parlent de guerre, cela me rappelle le coût qu'implique la guerre. Cela me rappelle les décisions que je dois prendre pour envoyer nos hommes et nos femmes au combat et l'impact que cela a sur leur vie, l'impact que cela a sur notre sécurité nationale, l'impact que cela a sur notre économie. Ce n'est pas un jeu et cela n'a rien de bon enfant... » 

 

« Maintenant, s'il y a une chose que nous n'avons pas faite, nous n'avons pas déclaré de guerre. Si certains d'entre eux pensent que le moment est venu de déclarer la guerre, qu'ils le disent. Et ils devraient expliquer au peuple américain exactement pourquoi ils le feraient et ce qu'en seraient les conséquences. Tout le reste n'est que parlote ».

 

Que penser de ce nouveau signal envoyé à l'Iran ?

 

Côté français les choses sont dites d'une manière beaucoup plus crue. En effet, Alain Juppé déclarait, toujours dans cette même interview sur Itélé qu'il « faut rester extrêmement ferme sur  les sanctions qui sont la meilleure manière d'éviter une action militaire qui pourrait avoir des conséquences incalculables ».

 

A son retour en Israël le 7 mars, Benjamin Netanyahou résumait ainsi son voyage : « Je rentre d'une visite très importante aux USA et au Canada. J'ai été reçu chaleureusement, nous avons beaucoup d'amis courageux. Nous rentrons pour Pourim et ce soir nous lirons le Livre d'Esther qui parle de cette époque où les Juifs n'étaient pas maîtres de leur destin et ne pouvaient pas se défendre. Aujourd'hui nous sommes dans un monde différent et une époque différente ; nous avons un État et une armée forts. Les menaces n'ont pas disparu mais nous pouvons nous défendre. Nous avons beaucoup d'amis qui se tiennent à nos côtés et s'y tiendront toujours ».