Tribune
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Published on 15 October 2012

Vers un nouveau non-évènement

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

 

Sans vouloir jouer aux Cassandre, il est pratiquement acquis qu’à l’occasion de la journée de la Palestine, le 29 novembre prochain (date anniversaire de la résolution 181-2 de l’Assemblée générale recommandant, en 1947, le partage de la Palestine pour donner naissance à deux États) ce même organe reconnaîtra la Palestine comme État observateur.

On relèvera, au passage, que Mahmoud Abbas a laissé entendre qu’immédiatement après cette reconnaissance, il était prêt à reprendre des négociations, ne faisant plus allusion à la condition préalable de l’arrêt des constructions israéliennes dans les Territoires.

En tout état de cause, le camp arabo-musulman aidé par ce qu’on appelait, autrefois, le bloc des États non-alignés dispose, déjà, en effet, d’une majorité automatique au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies…

 

Et nombre d’autres États, y compris ceux de l’Union européenne, ne manqueront pas de voler au secours de la victoire du camp palestinien.

 

Et alors ?

 

L’isolement d’Israël sur la scène internationale et, notamment, à l’ONU est déjà – malheureusement - un fait acquis.

 

Certes, cette reconnaissance en tant qu’État n’ira – certainement pas, quel que soit l’issue des élections présidentielles aux États-Unis – jusqu’à admettre ce nouvel « État » comme membre de l’Organisation mondiale.

 

Car, en admettant même, ce qui n’avait pas été le cas, en 2011, lorsque la question s’était déjà posée, qu’une majorité de 9 voix – statutairement requise – soit, cette année, atteinte au Conseil de sécurité, les États-Unis ne manqueraient pas de faire usage de leur droit de veto.

 

Le fait que la « Palestine » se verrait reconnaître la qualité que s’étaient vu reconnaître, par le passé, certains futurs États membres, tels la Suisse, ne modifierait pas sensiblement la situation de cette entité.

 

Déjà en tant qu’observateur, la « Palestine », comme le Vatican, qui n’est, d’ailleurs, contrairement à ce que l’on croit généralement, pas un État, dispose d’un certain nombre de prérogatives : accès aux séances, à la documentation, etc.

 

Sans doute, seuls les États membres, et non les observateurs, ont un droit de vote, mais en l’espèce, les « intérêts » de la Palestine sont déjà largement défendus au sein de l’Organisation.

 

La « Palestine » ne pourra pas davantage être élue comme membre d’organes principaux ou secondaires.

 

Mais Israël, comme nous l’avons déjà relevé ici même, bien qu’État membre n’est pas traité à l’égal d’autres États membres.

 

Contrairement à ce qui a pu être écrit, cette reconnaissance en tant qu’État, même si elle permettrait à l’entité palestinienne de reconnaître la compétence de la Cour internationale de justice (CIJ), ne lui permettra pas, pour autant, d’y assigner Israël.

 

En effet, la compétence de la CIJ est subordonnée à son acceptation par les deux Parties concernées.

 

Or, mis à part le cas de certaines conventions multilatérales (ex. la convention sur les relations diplomatiques de 1961), qui prévoient une compétence automatique de la Cour en cas de différends portant sur leur interprétation ou leur contenu, Israël, à notre connaissance, n’est soumis à aucune clause de juridiction obligatoire.

 

D’autre part – et sur ce point nous précision ce que nous avons écrit précédemment - Israël ne pourrait être mis en cause devant la Cour pénale internationale (CPI) que si une situation était déférée à la Cour par le procureur, à l’initiative du Conseil de sécurité.

 

Or, à nouveau – heureusement - le veto des États-Unis permettrait de faire obstacle à une telle initiative.

 

De sorte que parmi les rares avantages – mis à part le plan psychologique – dont pourrait se prévaloir ce nouvel « État » figurerait la possibilité éventuelle – mais non pas automatique, du fait qu’elle n’aurait pas la qualité d’État membre de l’ONU – de devenir membre de la famille des Nations Unies, constituée par une quinzaine d’organisations internationales (Institutions spécialisées), visant à réaliser les objectifs de l’ONU, chacune dans un secteur déterminé (santé, agriculture, télécommunications, etc.).

 

Déjà par un vote hautement contestable, car, ainsi que nous l’avons déjà relevé à plusieurs reprises ici même, la « Palestine » ne présente pas tous les éléments constitutifs d’un État, et notamment elle ne peut se prévaloir d’un territoire délimité par des frontières, l’UNESCO a, à l’automne dernier admis la « Palestine » en son sein en tant qu’État membre.

 

Les mêmes défauts devraient, normalement, empêcher une majorité d’États membres de l’ONU de reconnaître comme « État » l’entité palestinienne.

 

Mais s’il est vrai que selon une boutade largement répandue, la Chambre des Communes britannique peut tout faire, sauf changer un homme en femme, il n’est pas certain qu’une majorité s’arrêterait devant une telle impossibilité à l’ONU.

 

Après tout cela ne sera qu’un non-événement de plus au passif de l’Organisation mondiale.

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