Tribune
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Published on 16 January 2013

Toujours deux poids et deux mesures aux dépens d’Israël

 

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

 

Dans son édition de mercredi 16 janvier 2013, le journal Le Monde écrit, à propos de l’opération Serval actuellement menée, par la France, au Mali et que vient d’approuver, unanimement, le Conseil de sécurité de l’ONU : « Sur le plan juridique, le fait que Paris s’abrite derrière l’article 51 de la charte des Nations unies. – qui prévoit « le droit de légitime défense, individuelle ou collective » en cas d’agression armée contre un État membre de l’ONU – ne fait pas l’objet de la moindre contestation au sein du Conseil ».

 

C’est là une analyse juridique parfaitement correcte des dispositions de la Charte à propos de l’agression subie par le Mali de la part de bandes de terroristes, qui tentent de s’emparer de son territoire.

 

Mais alors pourquoi le 9 juillet 2004 les juges de la Cour internationale de justice (CIJ) ont-ils, à propos de la « barrière de sécurité » construite par Israël pour se protéger contre les attaques terroristes dirigées contre lui, adopté une autre interprétation du même texte ?

 

En effet, dans le §139 de cet avis (Recueil p. 194), la CIJ a, notamment, contesté à Israël le droit d’invoquer la légitime défense au motif qu’ « Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un État étranger ».

 

Quelle est la différence avec la situation du Mali, à l’heure actuelle ?

 

Aucune…

 

Qu’il s’agisse d’Israël ou du Mali, qui a fait appel à la France, dans le cadre de l’exercice de la légitime défense individuelle ou collective reconnue par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, il s’agit de faire face à des atteintes portées à la souveraineté d’un État membre de l’ONU par des « acteurs non étatiques » (suivant l’expression couramment utilisée de nos jours).

 

Le Mali n’a jamais prétendu qu’il avait été attaqué par un État étranger, pas plus qu’Israël n’accusait tel ou tel État de porter atteinte à son intégrité.

 

Alors pourquoi ce « double langage » ?

 

Sans vergogne, la France de 2013 adopte une interprétation de la Charte des Nations Unies qu’elle écartait en 2004, devant la Cour…

 

Voilà un bel exemple d’hypocrisie.

 

On nous répondra qu’en 2004 il s’agissait d’une prise de position d’un organe juridique et, hier, d’un organe politique.

 

La belle affaire et que l’on ne vienne surtout pas nous dire que ce sont les juristes, qui ont généralement raison et non pas les politiques !

 

Les juges – sensés mieux connaître le droit – n’en sont pas moins des êtres humains, susceptibles de se tromper et il n’y a aucune raison – bien au contraire – de critiquer l’interprétation de la Charte, sur laquelle viennent de s’appuyer les membres du Conseil de sécurité pour approuver l’action de la France.

 

Simplement, en 2004, même des juges cherchaient, à tout prix, à critiquer Israël (ne parlons pas de condamnation, car en l’occurrence il ne s’agissait que d’un avis consultatif et non d’une décision ayant force contraignante).

 

Et nous n’avons pas manqué de critiquer, à l’époque (v. ici-même notre point de vue le 9 juillet 2004 – Assemblée générale des Nations Unies : nième résolution anti-israélienne) et par la suite (v. en dernier lieu , D. Ruzié et G. Teboul, Droit international public, 21e éd., 2012, éd. Dalloz, pp. ; 294-296), la position des juges de La Haye.

 

Avec la récente interprétation d’un même texte de la Charte par le Conseil de sécurité par rapport à celle de la CIJ, en 2004, nous avons là un « bel exemple » d’une discrimination juridique à l’égard d’Israël.