Tribune
|
Published on 3 May 2013

Référendum ou pas ?

 

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

 

Une fois encore, des voix discordantes se font entendre au sein du gouvernement israélien, à peine issu des dernières élections. Alors qu’un léger « frémissement » se dessine dans le camp arabe, qui dispose, certainement, de moyens efficaces pour faire plier les jusqu’auboutistes palestiniens, dans le camp israélien en en est déjà à imaginer l’aboutissement des négociations. 

 

C’est peut-être prématuré, mais il n’est pas inutile d’y penser. Comme on le sait, ce « frémissement » est dû à l’idée émise par le représentant du Qatar à la Ligue arabe envisageant des échanges de territoires avec les Israéliens, à la suite d’une reprise (ou plutôt) d’une négociation sur la question… 20 ans après les « accords d’ « Oslo ».

 

Certes, on est loin d’un aboutissement d’une négociation, qui n’a pas encore commencé, mais après tout pourquoi ne pas voir à plus long terme ?

 

Au risque de surprendre un certain nombre d’internautes, nous estimons qu’à prendre, au premier degré, certaines déclarations du Premier ministre israélien, nous pensons que Benjamin Netanyahu n’a pas tort tant lorsqu’il estime que le conflit israélo-palestinien n’est pas d’ordre territorial et d’autre part, lorsqu’il estime que le résultat de la négociation devra être soumis à referendum.

 

En ce qui concerne, tout d’abord, la nature du conflit, il est tout à fait exact que la délimitation des frontières, sans être un sujet mineur, n’est pas l’élément essentiel du conflit.

 

L’acharnement de la partie palestinienne à réclamer un pseudo droit de retour des « réfugiés » (sic) palestiniens dans les limites actuelles de l’État d’Israël constitue, effectivement, le nœud du problème.

 

Sans doute, peut-on estimer grotesque de demander à des musulmans de reconnaître que l’État d’Israël est un État juif, mais, en réalité, soulever cette incongruité ne sert qu’à masquer le vrai refus d’une majorité de Palestiniens, voire d’Arabes, à savoir leur refus d’admettre la légitimité de l’État d’Israël.

 

Non seulement, sur le plan des principes, il n’existe pas en droit international de droit au retour (surtout s’agissant d’une quasi-totalité de gens qui n’ont jamais vécu en Palestine sous mandat) et une telle pratique n’a jamais été admise, ni au lendemain de seconde guerre mondiale, ni au lendemain du partage de l’Inde en deux États.

 

Il paraît, pourtant, évident que le camp arabo-palestinien essaye de réparer la grave erreur commise en 1947 lorsqu’il a refusé le partage de la « Palestine » en deux États, l’un « juif », l’autre « arabe » pour reprendre la formule de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies recommandant cette double création.

 

Donc, à vouloir, plus de 65 ans après, se replacer à l’époque du partage implique qu’on accepte non seulement la lettre de ce texte, mais également son esprit, à savoir la coexistence d’un « État juif » à côté d’un « État arabe » (en fait un énième « État arabe », mais pourquoi pas ?).

 

De plus on ne peut même pas imaginer que d’un seul trait de plume on oublierait 65 ans d’existence de cet État et les milliers de personnes qui donné leur vie pour en assurer l’existence.

 

Or, c’est inévitablement ce à quoi aboutirait cette innovation que constituerait un tel « droit à l’immigration », car on ne peut pas raisonnablement parler de « retour » pour des gens qui n’ont jamais vécu dans le pays.

 

Donc, le Premier ministre israélien a raison de ne pas mettre l’accent sur la seule question de la délimitation de deux États voisins.

 

Benyamin Netanyahou a, également, raison de vouloir que le résultat de la négociation soit soumis à un référendum.

 

Le fait que ce type de consultation populaire ne soit pas prévu par les lois fondamentales de l’État d’Israël n’est pas un obstacle.

 

Il y a peu de temps, l’idée d’un referendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne a bien été émise par le Premier ministre britannique, alors que le referendum n’est pas non plus prévu par un texte, dans ce pays, qui, pas plus qu’Israël, n’est d’ailleurs doté d’une constitution formelle.

 

Mais, nous dira-t-on, Tsipi Livni, ministre de la Justice estime qu’un referendum est inutile, car la Knesseth serait compétente pour se prononcer sur cette question.

 

Certes, c’est elle, qui aurait la responsabilité principale de la négociation et on peut, légitimement, penser qu’elle est favorable à la recherche d’une solution, même au prix de certaines concessions.

 

Malheureusement, une fois de plus, lors des dernières élections législatives, le corps électoral israélien n’a pas été invité à se prononcer clairement sur les bases d’un règlement de paix.

 

Cette question n’a pas été au cœur des débats au cours de la campagne.

 

Et au gouvernement, les choses ne sont pas plus claires pour autant.

 

Nous nous permettrons de dire que la question de la paix constitue la « quadrature du cercle », dans cette enceinte.

 

Il n’y a guère que les 6 députés de Tenouah.(Le Mouvement) de Tsipi Livni qui est favorable à des concessions sur les implantations et sur Jérusalem.

 

Le Bloc Likoud-Israël Beteinou du Premier ministre et de son ancien ministre des Affaires étrangères (au purgatoire, en attendant un éventuel retour au gouvernement), n’est guère disposé qu’à de maigres concessions et encore pas sur Jérusalem. Et ce bloc compte 31 députés.

Le parti de Yair Lapid, Yesh Atid ("Il y a un futur"), qui, à la surprise générale, a obtenu, à lui seul, 19 sièges, est, certes, prêt à faire des concessions sur les implantations, mais pas sur Jérusalem.

 

Enfin, Habayit Ha Yehoudi (la Maison juive) fort de 11 sièges en est encore à imaginer l’établissement de la souveraineté d’Israël sur la Cisjordanie et son maintien sur tout Jérusalem.

 

Cherchez une majorité dans tout cela, qui compte, quand même, 67 membres…

 

Quant aux partis d’opposition, en mettant à part, les partis arabes (12 sièges), guère favorables à une solution raisonnable, on compte, à gauche et au centre gauche, une vingtaine de partisans de concessions, tandis que les partis religieux traditionnels, pour une fois exclus de la coalition gouvernementale, et qui comptent moins d’une vingtaine de membres, ne sont guère favorables à des concessions.

 

Donc, même l’opposition n’a pas de position uniforme sur une question essentielle pour l’avenir d’Israël.

 

Une fois de plus, on ne peut que regretter que le Premier ministre et l’un des ministres, qui compte, ne parlent pas d’une même voix, de telle sorte qu’on peut se demander quelle est la position du gouvernement tout entier.

 

Comme nous l’avons vu, à la Knesset, il n’y a pas davantage de majorités.

 

Alors quoi de plus démocratique que de demander au corps électoral de se prononcer, le moment venu.