Lorsque les réfugiés "crèvent" sous nos yeux

17 April 2015 | 1519 vue(s)
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Actualité
Le 10 janvier 2023, Yonathan Arfi, Président du Crif, s'est rendu à la cérémonie en hommage aux victimes de la rafle de Libourne du 10 janvier 1944. Il a prononcé un discours dans la cour de l'école Myriam Errera, arrêtée à Libourne et déportée sans retour à Auschwitz-Birkeneau, en présence notamment de Josette Mélinon, rescapée et cousine de Myriam Errera.  
 

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"Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants, c'est l'indifférence des bons" (Martin Luther King)

Tribune de marc Knobel publié dans le Huffinghton Post 

INTERNATIONAL - Ne devrions-nous pas avoir honte? De taire (souvent)? D'ignorer (le plus souvent)? D'être indifférent (presque toujours)? Quoi de pire (peut-être) que le silence des êtres, tout comme l'indifférence? Il me plaît ici de citer le chanteur Gilbert Bécaud, lorsqu'il disait: "L'indifférence, elle te tue à petits coups". Ajoutons qu'elle (te) tue deux fois.

Indifférence?
Soumises à de violentes guerres civiles et aux massacres, aux viols, à la sécheresse ou à la faim, les réfugiés qui sont déchirés par la guerre, effrayés par tant de terreur et les destructions massives causées ici ou là par des bombardements incessants fuient (Yémen, Syrie, Irak, Somalie, Libye...)

Fuient-ils pour le plaisir? Fuient-ils parce que c'est fun? Parce que ce serait... tendance?
En vérité, ils fuient les pays de désert et de cailloux, sous une chaleur de four; ils fuient les villes anéanties et lorsqu'ils montent et s'entassent comme des "bêtes" sur de petits ou grands bateaux de misère, rafistolés de partout -piteux rafiots affrétés par les pires mafieux, les pires négriers et les esclavagistes des temps modernes- savent-ils seulement s'ils arriveront à bon port?
Pour entreprendre cette traversée, certaines personnes ont vendu terrains, maisons ou boutiques, avant de pouvoir se permettre ce voyage, qui n'est pas ni ne sera jamais un voyage d'agrément. Ils veulent survivre, tout simplement.
Abandonnés par des équipages dans le froid, ils sont livrés à la tempête, au mal de mer et à l'angoisse. Les passagers d'infortune fuient le conflit syrien, Daech, les fous de Dieu, les guerres dans des conditions épouvantables, avec l'espoir que ce "voyage de la mort" (ce dernier voyage, leur dernier voyage) leur offre un avenir meilleur en Europe, la dignité, peut-être?

A titre personnel, comment pourrais-je les blâmer?
Comment pourrais-je être insensible, moi, dont les grands-parents, Juifs d'Ukraine et de Pologne, ont fui eux-aussi dans les années 1910: les pogroms, l'antisémitisme et la misère, cherchant à être "heureux comme Dieu en France?" Devrais-je oublier ce que je suis et d'où je viens?
Mais, là (en 2015), d'autres miséreux, sur les bateaux, sont allongés ou assis par dizaines en rangs serrés dans un amas de couvertures au fond de cales rouillées où la lumière traverse des ponts délabrés. Il apparait également que ces bateaux (ou autres embarcations) sont souvent plus que surchargés, avec des cas de personnes qui meurent d'asphyxie ou qui voyagent sans gilet de sauvetage...

Cela porte un nom: dévastation
Sur les bateaux il y a beaucoup de bébés, d'enfants et de femmes. Et beaucoup de bébés, d'enfants et de femmes mourront lors de la traversée dans les pires conditions.
Pas loin de là, sur la même mer (Méditerranée), de gros navires très propres, si élégants, si chics et/ou luxueux proposent des atmosphères uniques. A bord de ces bateaux, excellence du service et convivialité pour des touristes heureux qui flânent sur les ponts. A leur disposition? Piscines, gymnases, espace thermal, salles de soin, sauna, hammam, solarium UVA, terrain de sport polyvalent, Cinéma 4D, casino, boutiques, restaurants innombrables, bars, Cigar Lounge, théâtre, discothèques ...

L'excellence, je vous dis
Mais, quelle que puisse être ma plume (irritée dans ce texte), on ne doit pas leur reprocher de voyager, de flâner, de prendre la vie à cœur et de profiter. Comme Ils ne doivent porter sur leurs (frêles) épaules toute la misère du monde.
On peut par contre s'interroger sur les disparités qui existent d'un point à un autre des deux rives de la méditerranée. La chance sourie aux uns (peut-être) puisqu'ils sont nés dans des pays développés, riches, puissants, les plus puissants qui soient; dans des pays où l'on jette ou gaspille à flot la nourriture, où l'on ne manque pas d'eau, où l'on n'entend point le son du canon, où l'on ne risque pas d'être décapité ou violé ou même vendu sur un marché, comme on vendrait des poules ou des moutons.
La malchance (si tant est que ce mot est un sens) s'acharne sur les autres, qui vivent dans des conditions dramatiques.
C'est pour cette raison, qu'ils fuient un pays en guerre ou une dictature, en quête d'asile ou pour migrer.

S'attaquer aux causes
"Il faut s'attaquer aux vraies causes profondes, c'est-à-dire examiner les raisons pour lesquelles les personnes fuient, ce qui les empêche de chercher asile par des moyens plus sûrs, et ce qui peut être fait pour sévir contre les réseaux criminels qui prospèrent dans ce contexte, tout en protégeant les victimes. Cela signifie également disposer de systèmes adéquats pour gérer les arrivées et distinguer les vrais réfugiés de ceux qui ne le sont pas", affirme à juste titre, António Guterres, le Haut-Commissaire pour les réfugiés.
Au fond, une réponse européenne commune est nécessaire pour assurer des installations supplémentaires d'accueil à l'arrivée, une assistance dans l'examen des dossiers de demande d'asile ainsi qu'une identification de solutions pour les personnes ayant besoin d'une protection internationale. Finalement, le monde est à deux vitesses, devons-nous accentuer les disparités? Continuer d'être indifférent? Faire comme si de rien n'était?

"Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants, c'est l'indifférence des bons" (Martin Luther King)

 

Marc Knobel