Extrême droite et néonazisme dans les pays baltes : le danger.

18 May 2016 | 1091 vue(s)
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Là-bas, la crainte d'une menace russe est la principale raison qui exacerbe les passions identitaires.

Comme toujours, le terme d’ « extrême droite » désigne des phénomènes très hétérogènes, regroupant différents courants : populismes, xénophobie, antisystème, national-populisme, etc. Dans l’Europe des années 2016, il y a peu de pays européens où l'extrême droite ne se soit pas encore installée. Prenons justement l’exemple des pays baltes. Là-bas, la crainte d'une menace russe est la principale raison qui exacerbe les passions identitaires.[1] .Une longue tradition d’anti-russification anime l’extrême droite balte au sortir de l'indépendance, menant certaines factions des anciens partis politiques à se radicaliser. Bien évidemment, d’autres paramètres permettent d’expliquer ce qu’est l’extrême droite en Estonie, Lettonie, Lituanie. Cependant certains politologues, plus prudents, estiment que dans les pays Baltes, les formations politiques qui réussissent sont désormais des droites radicales. Justement, ces derniers hésitent quelquefois à les classer comme extrémistes[2]. N’empêche que… Enfin, en Lettonie, au moins, les néonazis paradent même tranquillement.

Décryptage. Extrême droite ou droite radicale ?

L'extrême droite lettone était formée du Parti pour la constitution, l'aile droite du feu Front populaire, qui a mené à l'indépendance et du Parti de la patrie et de la liberté. Extrêmement patriote et totalement russophobe, il était le plus important du pays, rapporte Jade Bilodeau, dans une étude minutieuse [3]-[4]. Il a été fondé en 1993. C'est un mouvement radical national indépendantiste. Il prône un contrôle strict des naturalisations et la glorification de la culture lettone. En 1997, il fusionne avec le Mouvement pour l'indépendance nationale de la Lettonie (LNNK) et se concentre plus sur des thèmes économiques. L'appellation deviendra alors le TB/LNNK. Puis, en 2011, le TB/LNNK fusionne avec le parti ultranationaliste Tout pour la Lettonie, rapporte Jade Bilodeau. Ses membres affirment que le pays a une évolution démographique inquiétante en raison de l'immigration (russe et autre). C'est, entre autres, en raison de cette fusion que la presse lettone le qualifie d'extrême droite[5] (et non de droite radicale).

Depuis peu, l’Alliance nationale est un parti politique nationaliste letton membre de l’Alliance des conservateurs et réformistes européens auxquels appartiennent également le Parti conservateur britannique et le Parti droit et justice polonais. Créée en 2010 comme une alliance électorale entre le parti Pour la patrie et la liberté (national-conservateur) et le parti Tout pour la Lettonie! (nationaliste), elle a été transformée en parti politique en juillet 2011[6], résume Jade Bilodeau. L’Alliance nationale a fortement progressé lors des élections législatives de septembre 2011 et est désormais la quatrième force électorale du pays. Elle participe à la coalition gouvernementale du parti Unité.[7] Aux dernières élections législatives, ce parti obtient 16,6% des suffrages et aux dernières élections européennes, 14,3%[8].

En Lituanie, le Premier ministre Algirdas Butkevicius a formé son gouvernement en décembre 2012 après plus de cinq semaines de négociation, rassemblant autour de lui une coalition comptant son parti social-démocrate, associé à deux partis populistes, celui de gauche du Parti du Travail et de droite Ordre et Justice[9], avec l’appoint du Parti d’Action pour les Polonais de Lituanie. Lors des élections européennes de 2014, le parti Ordre et Justice réalise son meilleur score lors d'un scrutin européen, remportant plus de 14,25 % des voix et faisant ainsi élire deux députés. Néanmoins au printemps 2015, l'un de ces deux élus, Valentinas Mazuronis quitte le parti et rejoint le Parti du travail, situé au centre de l’échiquier politique.

Le néonazisme dans les pays baltes

Depuis 1998, la Lettonie laisse s'organiser tous les 16 mars une marche annuelle de l'unité des Waffen-SS lettons pour rendre hommage aux officiers qui ont servi la patrie contre l'envahisseur russe[10]. C’est ainsi que des dizaines de nazis lettons d'un certain âge, mais bien valides, défilent solennellement en grand uniforme sous les drapeaux à croix gammée du centre de la ville vers le monument de la Liberté avec de jeunes militants. Les marches du 16 mars se déroulent traditionnellement dans la capitale lettone,  réunissant plusieurs centaines de personnes. Leurs organisateurs affirment cependant que le nombre de participants augmente d'année en année, si bien que le défilé de 2015 aura pu rassembler jusqu'à 2.000 personnes[11]. Ces cortèges des 16 mars donnent même lieu à des débats qui sont organisés et diffusés en direct à la télévision. Pis, en 2012, dans un discours, un prêtre luthérien, Guntis Kalhné, a placé les combattants lettons des légions SS au même niveau que les combattants de la Libération[12].

En Lettonie, les mouvements nationalistes radicaux bénéficieraient selon le site Internet russe Sputnik du soutien d’élites politiques lettones. Pis, les responsables du pays n'hésitent pas à propager cette pratique à d'autres Etats, rapporte Sputnik, qui cite cet exemple, selon lui, symptomatique : en 2015, le député letton Janis Dombrava a assimilé les militaires ukrainiens aux légionnaires des Waffen SS… 

Mais, d’où vient l’idée du défilé ? 

Cette idée appartenait aux chefs de l'organisation d'extrême droite « Club 415 ». Tout le monde connaît les actions de la Waffen SS pendant les années de guerre. Ces hommes massacraient tous les non-Allemands et les non-Lettons, ils ont construit des camps de concentration où ils ont assassiné les Russes, les Polonais, et les Juifs. Justement, concernant les Juifs, sur les 85.000 Juifs qui vivaient dans ce pays, quelques centaines ont survécu après la guerre. La localité de Rumbola, par exemple, est devenue le symbole de l'histoire tragique de la Lettonie : en deux semaines, 30.000 Juifs y ont été transférés du ghetto de Riga, placés devant les tranchées et fauchés par les mitrailleuses[13]. Certains de ceux qui sont considérés aujourd'hui en Lettonie comme des héros se trouvaient donc peut-être parmi les bourreaux. Enfin, en Estonie, l’extrême droite présente les alliés d'Hitler comme des libérateurs du pays.

Il importe donc aujourd’hui de tirer la sonnette d’alarme. Comment peut-on tolérer que des défilés d’anciens Waffen SS aient lieu et que des militants néonazis puissent parader tranquillement dans quelques villes de l’Union européenne ? 

 

Photographie pour illustrer l'article : Un véteran de la Légion lettonne, armée commandée par la Waffen SS 

[1] Henri Deleersnijder, « La dérive populiste en Europe centrale et orientale », Hermès, La Revue, Cairn, 2005, n° 42, p. 181-186, cité par Jade Bilodeau, La persistance de l'extrême droite dans les pays baltes, Perspective Monde, Université de Sherbrooke, 3 décembre 2013.

[2] Entretien avec Jean-Yves Camus, TV5monde, 3 janvier 2012. 

[3] Jade Bilodeau est analyste en formation, à l’École de politique appliquée de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke.[4] Jade Bilodeau, La persistance de l'extrême droite dans les pays baltes, Idem.

[4] Jade Bilodeau, La persistance de l'extrême droite dans les pays baltes, Idem.

[5] Jade Bilodeau, La persistance de l'extrême droite dans les pays baltes, Idem

[6] Jade Bilodeau, idem.

[7] http://elections-en-europe.net/partis-politiques/partis-politiques-lettons/

[8] Elise Koutnouyan, Le tour d’Europe de l’extrême droite, L’Obs, 05 mai 2016.

[9] Pour Jean-Yves Camus, spécialiste des extrêmes-droites en Europe, cité par Libération, le 12 juin 2014, Ordre et Justice est «incontestablement national-conservateur», mais son leader est avant tout un «caméléon politique» «tour à tour affilié au parti ex-communiste, puis à une formation chrétienne conservatrice et enfin à un parti libéral».

[10] Joël Rubinfield. « La marche des Waffen-SS lettons », le 26 mars 2012, http://www.rubinfeld.be/blog/272-la-marche-des-waf...[11] Sputnik, les autorités encouragent le néonazisme, 12 mars 2015.

[12] Voir à ce sujet l’article de Rouslan Kostiouk, Pays baltes : espace réactionnaire en Europe, Démocratie et socialisme, 20 juin 2012.

 

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