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Published on 5 January 2017

#Actu- Charlie Hebdo, vraiment le bout du tunnel ? Par Marc Knobel

« 2017, enfin le bout du tunnel », titre (presque) ironiquement Charlie Hebdo en une d’un numéro spécial en kiosque ce mercredi 4 janvier 2017, près de deux ans après l’attaque qui a fait 11 morts au siège du journal satirique. Cette couverture du numéro 1276 est signée du dessinateur Foolz, membre de la nouvelle génération qui anime les pages du journal.
 
Souvenez-vous... l’ancienne équipe avait été décimée le 7 janvier 2015. En fin de matinée (vers 11 h 30), deux islamistes radicaux, les frères Chérif et Saïd Kouachi, cagoulés et lourdement armés, font irruption dans les locaux du journal à Paris 11ème et y ouvrent le feu à la kalachnikov. Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Georges Wolinski, le garde du corps Franck Brinsolaro et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau sont tués. Le policier Ahmed Merabet avait lui été abattu près du siège du journal, quelques minutes après. Le 14 janvier 2015, Al-Qaïda au Yémen revendique l'attentat contre Charlie Hebdo dans une vidéo.
 
Le lendemain de l’attentat, 8 janvier, Amédy Coulibaly, délinquant multirécidiviste, tue une policière municipale à Montrouge, en banlieue parisienne. Le 9 janvier, il prend en otages les clients et le personnel d'une épicerie juive de Paris, l'Hyper Cacher. Il tue quatre personnes et meurt lors de l'assaut donné par les policiers.
 
Au fond, Charlie Hebdo, c'était tout ce qu'ils détestaient: un brin d'insolence, la liberté chérie, le Verbe, le questionnement, l'enquête, la dénonciation des abus et des malversations, des crimes, de la corruption, du fanatisme. Charlie interrogeait, malmenait quelquefois, mais pointait aussi du doigt les incohérences, les folies, les mensonges. Charlie Hebdo parlait au monde et parce qu'il parlait, il fallait le faire taire définitivement. Définitivement? Le chroniqueur Patrick Pelloux affirmait aussitôt que « le journal va continuer, ils n'ont pas gagné » (1). Il est d'ailleurs décidé le 8 janvier 2015, au lendemain de l'attentat, que le nouveau numéro paraîtrait le mercredi suivant, jour de sa parution habituelle. Il est exceptionnellement tiré à cinq millions d'exemplaires, traduit en seize langues et exporté dans plusieurs pays occidentaux le 15 janvier 2015 (2). Le journal, réalisé dans les locaux du journal Libération, a pour couverture un dessin de Luz qui représente le prophète Mahomet sur fond vert, la couleur de l'islam, une larme qui coule sur la joue, tenant une pancarte «Je suis Charlie», avec comme surtitre «Tout est pardonné.»
 
Presque un an après l'attaque terroriste qui avait ensanglanté la rédaction de l’hebdomadaire satirique, un numéro spécial de Charlie Hebdo avait été publié, dépassant le million d’exemplaires. A la une, apparaissait une caricature montrant un dieu armé , sous le titre de «un an après, l’assassin court toujours». Signée par Riss, le patron de Charlie Hebdo,  cette couverture avait fait polémique.
 
Quelques mois plus tard, une enquête pour menaces de mort avait été ouverte, en toute discrétion, par le parquet de Paris, le 22 juin 2016, révélait Le Parisien, dans son édition du 29 juin 2016, après la publication de plusieurs messages sur la page Facebook du journal satirique. Des messages, qualifiés de «très menaçants», laissant entendre que plusieurs membres de la rédaction allaient être, à nouveau, pris pour cibles.  Les auteurs de ces messages, postés sur la page officielle Facebook de Charlie Hebdo -et retirés depuis- ont clairement évoqué vouloir s'en prendre physiquement aux journalistes de l'hebdomadaire satirique. «Il y est notamment question de tuer, à nouveau, plusieurs membres de la rédaction», poursuit la même source au Parisien. Durant les mois de juillet août 2016, l'hebdomadaire reçoit une soixantaine de messages glaçants, d'insultes et de propos antisémites sur sa page publique Facebook (3). Les menaces ont été postées après la une du 14 juillet. En plein Euro 2016, elle montrait le footballeur Antoine Griezmann caricaturé en vibromasseur, accompagné de cet encouragement : «Faites-nous vibrer !» Il faut croire, dans ces conditions, qu'il ne suffit pas pour les barbares que tant de journalistes aient été assassinés, puisqu'il en reste. Il ne suffit pas que le titre ait été la proie des flammes et des balles, pour que l'on veuille encore menacer la rédaction (4).
 
Depuis, comment va Charlie Hebdo ?
 
S'il tourne toujours autour de l'autodérision, l'esprit Charlie a quelque peu changé depuis deux ans. Pour Riss, le directeur de la rédaction (5) l’esprit Charlie c’est désormais un journaliste enfermé dans un coffre-fort. «Parce que maintenant, c’est dur d’y entrer». (...) Faut rire quand même. Faut rire jusqu’au bout», plaisante-t-il en esquissant un cadavre soufflant dans un sifflet sans-gêne… Ajoutons que la rédaction de « Charlie Hebdo » fait toujours l'objet d'une protection policière renforcée depuis l'attentat du 7 janvier 2015.
 
Cependant et selon la direction (6), Charlie se vend en kiosques à 50.000 exemplaires chaque semaine, et 50.000 abonnés continuent à le recevoir à leur domicile, soit une diffusion payée de 100.000 numéros.
L'hebdomadaire n'a (donc) pas à s'inquiéter pour son avenir, grâce à une trésorerie de 10 millions d'euros qui lui permet de financer de nombreux projets, dont le lancement d'une version allemande il y a quelques semaines (7).   
 
Note :
 
 
 
1. Patrick Pelloux : «Le journal va continuer, ils n'ont pas gagné», sur le site de iTÉLÉ, 8 janvier 2014.
 
2. «Mahomet en une du «Charlie Hebdo» de mercredi», Liberation.fr,‎ 12 janvier 2015
 
3. Marc Knobel, «De nouvelles menaces pèsent sur Charlie Hebdo», Huffington post, 29 juin 2016.
 
4. Céline Carez, «Charlie hebdo à nouveau menacé a porté plainte», Le Parisien, 12 août 2016.