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Published on 14 May 2018

#Crif #Shoah - Discours d'Eliane Klein, déléguée du Crif Région Centre, aux commémorations du camp de Pithiviers

Dimanche 13 mai, Eliane Klein, déléguée du Crif Région Centre, a adressé un discours fort à l'occasion des commémorations du camp de Pithiviers.

 Le chagrin et la colère - Discours de Eliane Klein, Président du Crif Région Centre, pour les commémorations du camp de Pithiviers

Sans méconnaître l'importance des témoignages écrits pendant et après la Shoah, je rends hommages aux hommes et aux femmes , vivants ou disparus- Rachel Jédinak, Raphaël Esraïl- Zalman Brajer, Henry Bulawko- et tant d'autres, ceux qui n'ont pas été écoutés après la guerre, car peu voulaient ou pouvaient les entendre, les croire. Ces survivants qui avaient vus ce qu'aucun autre regard humain n'avait vu ( Georges Bensoussan) Ils et elles ont eu le courage de consacrer une grande partie de leur vie à témoigner, répondant à la terrible obsession des nazis d'effacer jusqu'aux  traces de leurs crimes.

Tout en sachant qu'il y aura  toujours quelque chose d'intransmissible dans le calvaire vécu dans les camps et une mémoire sans paroles des millions d'adultes et d'enfants massacrés par les Einsatzgruppen dans les territoires de l'ex Urss.

Je pense aux "orphelins de la Shoah" qui ont survécu , cachés, souvent sauvés par leurs familles d'accueil, ces Justes, connus ou inconnus. "Ces enfants ont vécu la douloureuse expérience de l'absence et de l'attente vaine" ( Simone Veil)

En cet instant, je rends hommage au magnifique travail de Serge Klarsfeld qui a su donner un nom, un visage , en particuliers aux milliers d' enfants juifs  assassinés. Leur crime: Etre nés. ( J'associe Béate  à cet hommage pour son courage indéfectible)

Il n'ya pas de Mémoire sans lieux, sans inscriptions.

Nous sommes  en ce lieu à côté des stèles où sont inscrits les noms de ceux qui, avec des millions d'autres, n'ont aucune place dans aucun cimetière.

 Comme chaque année, notre geste  s'inscrit dans  le sentiment d'une dette envers un monde anéanti, rejoignant la tradition juive tournée vers  la connaissance et la transmission de ce qui fut.

En ce lieu, comme à Beaune la Rolande, des milliers de Juifs furent internés après l'arrestation dite du "billet vert" et après la Rafle du Vel d'Hiv. Arrestations et internements précédés par le fichage, l'exclusion , la spoliation  sur les ordres du Régime de Vichy, avant même la demande des Allemands.

Vichy avait créé un monstre bureaucratique ne pouvant qu'aider les nazis à parvenir à leurs  sinistres fins: la destruction du peuple juif.

Il s'agit donc, dans notre impératif de connaissance, d'appréhender "la singularité de l'extermination des Juifs d'Europe... la spécificité d'un fait historique...lui donner toute sa profondeur politique..." ( Barbara Lefebvre).

Il s'agit de réfléchir sur ce crime contre l'humanité, perpétré sur le sol européen, génocide advenu dans le silence assourdissant des nations: silence général à l'origine du terrible sentiment de solitude ressenti par de si nombreux Juifs de France. Le secours est venu des organisations juives, d'associations caritatives chrétiennes et de Justes des nations."Pas un cri, pas une clameur  n'a interrompu cette conspiration du silence, et, pire, ces refus tacites  des autorités de sauvegarder des vies humaines" Jacqueline Mesnil - Amar ( "Ceux qui ne dormaient pas" Pages 182 /183)

Je reviendrai sur cette notion de silence, synonyme d'indifférence, de lâcheté, d'abandon , de solitude qui n'est pas sans écho aujourd'hui.

Pour l'historien, la Shoah est un fait d'Histoire qui s'inscrit dans le temps long, la généalogie et l'anthropologie : "la destruction des Juifs d'Europe est incompréhensible en dehors de l'étude d'une culture européenne qui a fantasmé leur mort des siècles durant" (GB). En Allemagne, cela a abouti à une rupture dans la civilisation: la notion de personne humaine a été abolie par le Droit nazi qui a légalisé l'anéantissement d'un peuple, le peuple juif, pour crime de naissance; ce discours juridique autorisait qui a le droit d'habiter la terre ou non, expulsant les Juifs du genre humain.

Le récit historique nous révèle cette vérité: pour la mise en oeuvre de ce dessein criminel, ce "trou noir de l'histoire", la Shoah, ce ne fut pas la barbarie coexistant avec le progrès technique, c'est les moyens de la civilisation au service du mal radical: les camps de la mort et le gazage des victimes détruites comme le mal absolu, comme de l'ordure. Les camps de Belzec, Sobibor et Tréblinka  figurant le paroxysme de cette barbarie.

Le récit historique nous éclaire aussi sur cette singularité ou, contrairement aux massacres précédents, le projet démentiel fut d'aller chercher les Juifs aux 4 coins de l'Europe pour les convoyer jusqu'au lieu de leur assassinat: projet réalisé grâce au recrutement de la pègre, des truands et aussi "des hommes ordinaires", bons pères de famille  le soir et les pires assassins le lendemain, tuant par "camaraderie", par "esprit de corps", communiant dans la bassesse et l'ignominie.

"L'Histoire est d'abord une écriture du passé pour nous aider, ici et maintenant, à atteindre une intelligence critique du monde" (Barbara Lefebvre)

Ainsi, le travail d'Histoire évoqué lors de cette commémoration, cette mémoire qui nous oblige, prennent tout leur sens s'ils nous permettent de décrypter le présent, la "féroce actualité du présent", de "voir ce que l'on voit" (Charles Péguy) et, surtout, de nommer ce que l'on voit, pour paraphraser la phase d'Albert Camus.

Or, que voit-on?

L'ensauvagement du monde, maintes fois évoqué, continue à s'amplifier dans le monde, phénomène inquiétant dont on voit les effets pervers et ultra violents dans notre pays: thèses complotistes, racisme, antiracisme dévoyé, homophobie, sexisme, antisémitisme et antisionisme mortifères, négationnisme, haine de la Démocratie et de ses principes, en particulier l'égalité homme/femme et la laïcité, dénigrement des principes humanistes au nom du multiculturalisme et du relativisme historique.

La haine de la France  a mené les tueurs islamistes français à frapper  au coeur de notre civilisation.

Or, bien que" nous soyons confrontés depuis des années à l'islam radical, nombreux sont ceux qui, en France, se complaisent dans le déni de la réalité" (Elie BARNAVI) ce cancer aux effets ravageurs ' (Elisabeth Badinter): On a trop longtemps constaté le silence de certains media(le si long silence et le déni judiciaire après le meurtre de Sarah Halimi)  ,  les justifications sociologiques  l' aveuglement et la cécité de certains intellectuels "islamo-gauchistes", la tentation des accommodements(clientélisme) de certains élus et de la soumission qui mènent au pire,.. j'arrête ici pour aborder la question .qui nous préoccupe de plus en plus: La France est le seul pays où des Juifs ont été assassinés pour ce qu'ils sont, depuis 1945", douze depuis 2003.

Tous les assassinats ont été perpétrés par des individus nourris depuis l'enfance par la haine des Juifs  et d'Israël au coeur même de l'Islam radical. Je cite l'écrivain algérien Karim Akouche:"Je suis un rescapé de l'Ecole algérienne. On m'a enseigné à détester les Juifs. Hitler y était un héros. Après le Coran,  Mein Kampf  et Les Protocoles des Sages de Sion sont  les livres les plus lus dans le monde musulman"

Sans énumérer tous les actes antisémites meurtriers commis par ces islamistes, je voudrais rappeler l'assassinat des petits enfants de l'école  OZAR HATORAH et, " quand l'assassin  poursuit la petite Myriam Monsonego, 8 ans, l'empoigne par les cheveux et lui loge une balle dans la tête à bout portant , il réitère le geste des SS."( Robert Badinter). Je partage son chagrin et sa colère.

Comme l'écrivent Eric Conan, Caroline Fourest, Jacques Julliard, Pascal Bruckner, Philippe Val  et tant d'autres, le silence , le déni ,la complaisance, l'indifférence, les paroles et actes antisémites meurtriers minorés, voire occultés,   ont nourri le sentiment de peur et d'abandon de nombreux Juifs de France. Or, cet antisémitisme qui tue concerne tous les Français.

Beaucoup d'enfants juifs sont retirés de l'Ecole publique. 60.000 Juifs français ont été contraints de quitter certains quartiers, contraints de déménager(" l'exil intérieur"...)Plusieurs milliers se sont exilés.

Plusieurs centaines d'intellectuels, d'artistes, d'enseignants , de chercheurs, de tradition, de culture ou de confession musulmane,  attachés à la laïcité et aux principes et lois de la démocratie, s'engagent dans le combat  contre les courants obscurantistes et mortifères.: je rappelle le titre de leur tribune parue en juillet 2015 dans Marianne: "Face à l'islamisme, la République ne doit pas trembler!"

J'emprunte ma conclusion à l'écrivain(e) Djemila Benhabib: "Contre la barbarie islamiste, il ne peut y avoir de demi-mesures...Je vais continuer à défendre cette conviction profonde en mémoire de ceux qui sont partis et avec les courageux qui ne veulent plus céder un pouce à ces faucheurs de vie'.

 

Annexe, ouvrages recommandés :

"Les Territoires perdus de la république", qui dénonçaient déjà l'antisémitisme, le communautarisme , le sexisme qui rongeaient des écoles de "banlieue"...

- "Une  France soumise, les voix du refus". La nouvelle enquête de Georges Bensoussan révèle la réalité et les enjeux de ce sectarisme qui met chaque jour un peu plus en péril notre démocratie.

- "Le nouvel antisémitisme en France" (ouvrage collectif de 16 intellectuels)