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Published on 5 November 2018

Crif/Antisémitisme - Dans L’Histoire, Collaboration antisémite, Céline et responsabilité des intellectuels

L’excellent magazine de vulgarisation L’Histoire, en son numéro de novembre, consacre un beau numéro sur la responsabilité des intellectuels lors de la collaboration (1940-1944) et sur le «procès Céline.»

Un compte-rendu rédigé par Marc Knobel, Historien et Directeur des Etudes au Crif

Un sujet qui a été abondement traité par Pierre-André Taguieff dans la somme intitulée L’Antisémitisme de plume, 1940-1944, Berg International, 1999 et par Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff dans l’imposant Céline, la race, le Juif, Fayard, 2017.

Rappelons que début décembre 2017, nous avions appris avec stupeur que Gallimard projetait de rééditer au printemps 2018 les trois monstrueux pamphlets racistes, antisémites et pro hitlériens de Louis-Ferdinand Céline. Nous étions nombreux à éprouver une légitime inquiétude à l’idée que ces textes appelant à la haine contre les Juifs et d’autres groupes humains puissent être en vente libre sur le territoire français. Co-auteurs d’un ouvrage qui a fait date, Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff avaient alors bien voulu répondre à nos questions, dans un long entretien publié par le Crif, le 13 décembre 2017 :

http://www.crif.org/fr/actualites/crif-entretiens-le-dernier-rebondissement-de-laffaire-celine-le-projet-dune-reedition-des-trois-pamphlets-antisemites

 

Rappelons également le Crif avait publié un numéro retentissant pour le 48ème numéro de  la collection des Etudes du Crif (mars 2018) «Céline contre les Juifs ou l’école de la haine», au moment où s’éternisait la polémique sur le projet, annoncé par Gallimard, de rééditer les trois pamphlets.

Pour lire le numéro :

https://fr.calameo.com/read/0053034322de56d5b8fea

 

Dans le numéro de L’Histoire de novembre 2018, trois articles ont retenu mon attention.

Le premier est écrit par l’éminent historien Michel Winock. Michel Winock revient sur la genèse du décret Marchandeau de 1939, qui prévoyait de sanctionner les propos racistes et antisémites. Malheureusement, son application était malaisée car les associations de défense comme la Ligue internationale contre l’antisémitisme (Lica) n’étaient pas autorisées à se porter partie civile. La guerre de surcroît, coupa court et l’un des premiers actes du régime honni de Vichy dut son abrogation, le 27 août 1940.

Le second article a été écrit par Anne Simonin, Directrice de recherche au CNRS. L’écrivain antisémite et collaborationniste avait été condamné par la Cour de justice de la Seine pour avoir publié des pamphlets antisémites sous l’Occupation. Le 21 février 1950, Céline est condamné par contumace à un an de prison, à l’indignité nationale à vie, à une amende de 50.000 francs ainsi qu’à la confiscation de la moitié de ses biens présent et à venir. Mais, un an plus tard, il est amnistié par le tribunal militaire de Paris. Anne Simonin nous explique pourquoi un tel retournement a eu lieu.

Enfin, dans un entretien, Pierre-André Taguieff revient sur l’antisémitisme de Céline, qui était «possédé par une vision paranoïaque de la «puissance juive» comme puissance diabolique aux multiples visages». Le philosophe dit à ce sujet, ceci : «Céline a élaboré son antisémitisme sur une quadruple base idéologique : le racisme biologique, l’hygiénisme, l’eugénisme et le darwinisme. C’est en ce sens qu’il s’inscrit dans le cercle de la littérature raciste et eugéniste de l’anthropologue George Montandon (1), qui lui-même médecin et correspondant du Welt-Dienst, devient son ami, en 1938. Il imagine la «déjudaïsation» sur le modèle d’une «stérilisation» en deux acceptations distinctes, (dont) la stérilisation pasteurienne. Il s’agit pour Céline de pratiquer le racisme antijuif en hygiéniste et en «chirurgien», explique Taguieff.

Un numéro passionnant à lire et à découvrir.

 

Note

1)    Sur Montandon, voir Marc Knobel, « L'ethnologue à la dérive. George Montandon et l'ethnoracisme » in Ethnologie française, «Ethnologie et racismes.», 1988, vol. 18, no 2, p. 107–113. Voir également, Marc Knobel, «George Montandon et l'ethno-racisme», dans Pierre-André Taguieff, L'Antisémitisme de plume, 1940-1944, Paris, Berg International, 1999, p. 277–293. (ISBN 2-911289-16-1)