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Published on 19 February 2019

Presse - Le Président du Crif appelle Macron à "appliquer la tolérance zéro"

Pour Francis Kalifat, le président du Conseil représentatif des organisations juives de France, le pouvoir doit agir avec fermeté contre la vague d’antisémitisme.

Publié le 18 février dans Le Parisien

Alors qu’un rassemblement contre l’antisémitisme, auquel Édouard Philippe participera, est organisé ce mardi soir à Paris (place de la République) et partout en France, le président du Conseil représentatif des organisations juives de France (Crif) appelle le chef de l’Etat – qui assistera mercredi au dîner annuel de l’institution – à agir.

Après les insultes contre Alain Finkielkraut, allez-vous porter plainte ?

FRANCIS KALIFAT. Le Crif souhaite porter plainte, mais je ne le ferai qu’en accord avec Alain Finkielkraut, je dois lui en parler.

La France vit un regain fort d’antisémitisme ?

Clairement, oui. La hausse de 74 %, en 2018 des actes antisémites signifie que la population juive de notre pays, qui représente moins de 1 % de la population globale, concentre plus de 50 % des actes racistes commis.

Le mouvement des Gilets jaunes attise l’antisémitisme ?

Le mouvement s’est radicalisé et a été infiltré, par les mouvements complotistes, l’extrême droite, l’extrême gauche, les islamo-gauchistes et les salafistes. Il leur donne l’occasion de venir exprimer leur haine des juifs, d’Israël, à ces manifestations du samedi.

Que faire ?

Il faut prendre des mesures drastiques pour faire cesser ces manifestations, qui ne servent plus à revendiquer sur le pouvoir d’achat, mais à exprimer la haine des institutions, de la République et des juifs.

Vous appelez à l’interdiction des manifestations ?

Le droit de manifester est constitutionnel, mais il faut trouver le moyen de les faire cesser, en tout cas de les canaliser. Il ne faut laisser défiler que les manifestations déclarées au préalable, empêcher les autres. Fixer des cortèges qui ne passent plus par les centres-villes. On ne peut plus continuer comme ça, de samedi en samedi.

La manifestation des partis ce mardi, c’est une réaction à la hauteur ?

L’antisémitisme blesse deux fois : une première fois lorsqu’il agresse ; une seconde fois quand les agressions se passent dans un silence presque complice. Cela n’a jamais été le silence des pouvoirs publics ou des partis politiques, mais l’indifférence et le silence de nos compatriotes, donnant le sentiment que l’antisémitisme c’est l’affaire des juifs. Non, c’est l’affaire de la France.

Mais des partis comme les Insoumis ou le Rassemblement national sont tenus à l’écart…

Ces partis doivent d’abord clarifier leur position. La lutte contre l’antisémitisme n’est pas un combat à la carte. On doit lutter contre toutes ses formes. Par exemple, la haine d’Israël, sa négation et l’antisionisme virulent est exprimée à l’extrême gauche. De l’autre côté, le RN (ex-FN), a été fondé par les nostalgiques de Vichy, ce parti a encore dans ses gènes un antisémitisme qui présidait à sa création.

Qu’est-ce que vous espérez pour cette manif ?

On a toujours l’image de la manifestation après Carpentras (NDLR : 200 000 manifestants en 1990, dont le président Mitterrand) : un rassemblement aussi massif serait le signe que la société française se met debout contre l’antisémitisme, que le peuple français descend dans la rue.

Mercredi soir, au dîner du Crif, qu’attendez-vous du président Macron ?

Des actes, des décisions fortes. Nous avons besoin de mesures fortes pour enrayer cette vague d’antisémitisme qui gangrène notre pays. Il faut sortir du déclaratif et passer à l’action en appliquant la règle de la tolérance zéro.

Lesquelles ?

D’abord, appliquer les lois. Par exemple, l’appel au boycott est interdit, pourtant, chaque semaine des petits groupes vont dans des magasins pour appeler au boycott des produits israéliens, ou de l’Eurovision en Israël ! Ces gens ne sont pas sanctionnés. Je demande que les sanctions prononcées pour chaque acte antisémite soient suffisamment fortes, sévères, pour être dissuasives. Ce n’est pas le cas. J’appelle à mise en place d’un plan spécifique de lutte contre l’antisémitisme.

Des députés proposent une loi pour pénaliser l’antisionisme, c’est une bonne idée ?

Une recommandation du Parlement européen a adopté la définition de l’IHRA* qui recense en 11 points ce qu’est l’antisémitisme. Parmi eux figure la négation d’Israël. Tout en précisant que la critique de l’Etat d’Israël ne fait pas partie de ce que l’on peut considérer comme de l’antisionisme. J’attends que la France adopte cette recommandation. Car on sait que le « sale juif » d’hier est devenu le « sale sioniste » d’aujourd’hui, l’agression contre Finkielkraut en est le dernier exemple. Ne laissons plus les antisémites jouer sur les mots pour échapper aux poursuites. Il faut une nouvelle législation pour tenir compte de ce nouvel antisémitisme qui avance masqué derrière l’antisionisme. Il est grand temps que l’antisémitisme relève du droit commun et non plus de la loi de 1881 sur la presse.

C’est-à-dire ?

Lorsque Dieudonné ou Alain Soral (NDLR, polémiste d’extrême droite condamné à un an ferme pour des propos contre les juifs) déversent leur haine sur les réseaux sociaux, ils sont jugés de la même manière qu’un journaliste. Cela doit passer dans le droit commun, on ne peut plus conserver l’antisémitisme et le racisme dans la loi de la presse, qui est protectrice de la liberté d’expression dans la presse. Et nous demandons une régulation des réseaux sociaux. L’Allemagne l’a fait. Il faut que les diffuseurs aient un responsable pénal en France, qu’on ne nous renvoie pas toujours vers des pays sièges comme les Etats-Unis, où ils sont protégés par le 1er amendement, ou la Russie où on n’arrive pas à les retrouver. De même, il faut pouvoir lever l’anonymat des comptes qui propagent la haine.

L’antisémitisme est plus fort dans les quartiers difficiles ?

On ne peut pas ignorer une réalité : les agressions de l’antisémitisme au quotidien, sont le fait de jeunes musulmans, dans ces quartiers difficiles. Cela pousse les Français juifs qui y vivent à un exil intérieur, depuis quelques années on assiste dans certaines banlieues à des fermetures de synagogues et commerces cacher. Ceux qui le peuvent partent vers des quartiers plus tranquilles. Ceux qui n’ont pas les moyens de partir, de payer un loyer plus élevé, subissent, moins nombreux, cet antisémitisme du quotidien, fait de vexations, insultes, graffitis, de courrier volé dans les boîtes aux lettres, qui rend la vie impossible.

*International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA)

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