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Published on 17 July 2019

France/Mémoire - Sarah et Esther ont survécu à la rafle du Vél d'hiv, elles nous racontent

Aujourd'hui, les derniers survivants des camps de la mort ont autour de 90 ans. Ils étaient enfants ou adolescents à l’époque de leur déportation, tous ceux qui étaient adultes ont déjà disparu.

Publié le 16 juillet dans le Huffington Post

Il y a 75 ans, jour pour jour, le 16 juillet 1942, ce sont les vacances scolaires et Esther, 14 ans, est à la maison en famille, elle a 6 frères et sœurs. Depuis le mois de juin ils portent l'étoile jaune. Comme beaucoup de familles juives, celle d'Esther habite dans les quartiers Est de Paris, à Belleville plus précisément. Dans la matinée, ils entendent des cris, apparemment il y a une rafle dans le coin. Ce n'est pas la première, les juifs étrangers ainsi que les hommes en âge de travailler en ont déjà subi, mais cette fois, la police française emmène sans distinction les hommes les femmes et les enfants. Étonnement personne ne passe chez Esther. Un peu plus tard dans la journée, alors que les choses semblent s'être calmées, sa maman, morte d'inquiétude lui demande ainsi qu'à une de ses soeurs de sortir voir ce qu'il se passe. Les deux jeunes filles partent se renseigner chacune de leur coté. Lorsque Esther revient 1 h plus tard, il n'y a plus personne dans l'appartement familial, son père sa mère ses frères et sœurs ont tous disparu, des scellés ont été mis sur la porte. Esther qui n'a jamais quitté ni ses parents ni son quartier se retrouve seule, sans plus rien d'autre que la robe d'été qu'elle a sur le dos.

Le même jour, Sarah qui est fille unique, est chez elle avec sa maman, quand la police française vient les chercher et les fait monter dans un bus bondé qui leur fait traverser Paris en direction du vélodrome d'hiver. Une fois sur place, la mère demande ce qui va leur arriver, les policiers leur répondent qu'elles vont être envoyées en Allemagne pour travailler. La mère explique à Sarah que là bas, elle ira probablement à l'école et qu'elles se retrouveront le soir. La journée passe, le vélodrome d'hiver se remplit. Personne ne le sait encore mais cette rafle est la plus grande rafle française de la deuxième guerre mondiale, en tout ce sont 13.000 juifs dont presque un tiers d'enfants qui seront parqués là, puis emmenés à Auschwitz. Seulement une centaine reviendront.

Dans l'après midi arrivent au Vél d'Hiv des handicapés, des mutilés, des vieillards, certains sont mourants. C'est à ce moment-là que la mère de Sarah comprend qu'on leur ment et qu'il est improbable qu'on les envoie en Allemagne travailler. Elle sent que quelque chose de bien pire se trame. Alors elle prend la décision de s'évader et fait en sorte que sa fille parte en premier. Sarah et sa mère parviennent miraculeusement à s'enfuir du Vel d'Hiv, et vont se cacher chez des amis non juifs. Quelques temps après, elles seront rattrapées et déportées.

Esther elle aussi ira à Auschwitz. Elle est d'ailleurs une des très rares déportées à avoir survécu à 2 hivers dans le camp puis la marche de la mort.

Comme la plupart des rescapés juifs, Esther revient près d'un an après la fin de la guerre, Esther a vraiment l'impression d'arriver "comme un cheveux sur la soupe" et de déranger une France qui veut vivre et passer à autre chose. Elle passe par le Lutétia qui sert de point de rassemblement pour les rares survivants et leurs familles, mais il n'y a plus personne pour venir la chercher. Elle retourne à Belleville voir ce qu'est devenu l'appartement que la famille louait, elle peut le récupérer mais à condition de rembourser les mois de loyers impayés en leur absence. Elle n'a plus rien et ne trouve de l'aide nulle part. Ce qui la choque le plus, c'est de constater que les policiers français qui avaient participé à la rafle sont toujours en poste, certains jouissent même du statut de résistants. Ils ne seront jamais punis. Les rares fois où elle tente de parler de ce qu'elle a enduré, elle sent sur elle un regard suspicieux alors elle se tait, et ce silence durera plus de 50 ans.

Aujourd'hui Esther, Sarah, et les derniers survivants des camps de la mort ont autour de 90 ans. Eux étaient enfants ou adolescents à l'époque de leur déportation, tous ceux qui étaient adultes ont déjà disparu.

Alors, avant qu'il ne soit trop tard, j'ai décidé d'aller les filmer chez eux, leur demander de me raconter la guerre, mais aussi le retour, la vie après, la transmission et leur vision du monde actuel. Il en résulte une série de documentaires courts "Les Derniers" consultable en accès libre sur et notre site lesderniers.org.

 

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