Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif/Hommage - Lundi 30 avril 1945. Milo Adoner revient à Paris

04 March 2020 | 234 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Bruno Halioua nous parle avec émotion de Milo Adoner.

Lundi 30 avril 1945. Un jeune déporté descend du train qui vient de pénétrer Gare de l’Est. Il fait nuit. Il tousse, il est fébrile. Il souffre de la tuberculose. Une équipe médicale présente sur place le dirige immédiatement dans une ambulance. Dans cinq jours, il aura 20 ans.

Milo Adoner vient miraculeusement de survivre à l’enfer. Il a connu le froid, la faim, la peur et les coups. Il a survécu grâce à une volonté hors du commun qui lui a permis d’échapper plusieurs fois à la mort. Il a réussi à s'évader le 4 avril. Il a eu la chance de trouver un groupe de prisonniers de guerre français qui l'ont caché. Seize autres évadés ont été pris et fusillés sur place. Le voilà allongé dans l’ambulance. Il y a exactement 950 jours, le 23 septembre 1942, Milo a été arrêté avec ses parents Mordko (55ans) et Marja (49ans) et ses frères Salomon (22 ans) et Henry (13 ans) et ses trois sœurs Rebecca (20ans), Lisette (10 ans) et Zizi (5ans).  Il a fait partie des 112 Juifs demeurant dans les immeubles du 10-12 rue des Deux-Ponts (Fondation Halphen) dans le quartier de l’Ile Saint-Louis qui ont été raflé. Après avoir été conduit au poste de Police du 4ème arrondissement ils ont été envoyés en autobus au camp de Drancy, ils ont été déportés cinq jours plus tard par le convoi 38 le 28 septembre 1942.

De tous les siens, il est désormais seul. Il sait qu’ils ont tous été exterminés. Il n’a aucune nouvelle de sa sœur Charlotte qui a réussi à échapper in extremis à son arrestation. Il ne sait pas encore qu’elle a survécu et qu’il va la retrouver dans quelques jours. Allongé dans le brancard dans l’ambulance, Milo demande au conducteur qu’il fasse un détour afin qu’il puisse revoir l’immeuble du 10-12 rue des Deux-Ponts.   

Comme il me l’a raconté au cours d’une réunion de la Commission du Souvenir du Crif, il a fait stopper l’ambulance, il a contemplé longuement son immeuble et il s’est mis à quatre pattes pour embrasser le trottoir. Il a réalisé le geste qu’il avait rêvé de réaliser tout au long de sa déportation. Milo est ensuite conduit à l'Hôtel Lutétia où il reste quelques jours. Il décide de revenir rue des Deux-Ponts. Il monte au 3 ème étage. Il sonne à la porte de l’appartement familial. Dans l'entrée, scellé sur la porte, il y avait encore un « mezouzot » que son père avait posé religieusement quand il avait pris possession de l’appartement.  Un homme lui ouvre la porte et lui explique qu’il a été relogé par la mairie et qu’il n’a absolument pas question qu’il quitte cette appartement…. C’est mal connaitre Milo qui revient à la charge au bout de quelques jours. Cette fois, il n’est pas seul. Il est accompagné par deux copains qui ont été déporté avec lui. Ils sont tous maigres, le crane rasé vêtus de loques en guise de vêtements. Il n’est plus question de discuter. Il n’est pas question de faire appel aux structures communautaires qui ont mis en place une cellule juridique afin de récupérer les logements qui ont été spoliés. Milo et ses amis explique au locataire des lieux qu’ils vont le faire sortir par la fenêtre. Ce dernier comprend qu’il n’est pas question de perdre du temps et il quitte aussitôt l’appartement.  

Milo récupère le logement familial. En tant que déporté, il reçoit par Gouvernement, une chaise, un lit, une table en bois blanc et 1800 euros en guise de compensation pour la spoliation de tous les biens familiaux. Milo Adoner est envoyé dans un sanatorium où il restera trois années.  Il a fondé une famille avec une fille de déporté. Lui qui avait obtenu le Certificat d’Etudes avec mention en 1937 deviendra représentant en horlogerie puis vendeur des jeans aux puces de Clignancourt.

Nous avions tous plaisir à le retrouver au sein de la Commission du Souvenir de la Shoah.  Il a gardé jusqu’à la fin cette fantastique énergie, son franc parler et son sens de l’humour qui nous réjouissaient à chaque fois qu’on le retrouvait…

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Bruno Halioua