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Published on 16 July 2020

France - La mémoire retrouvée de Joanna Flatau

Dans un documentaire poétique et poignant, Filip Flatau accompagne sa mère sur les lieux où la fillette juive passa, cachée par une famille courageuse, les années de guerre

Publié le 16 juillet dans Le Monde (France 3, documentaires diffusés le mercredi 15 juillet à 23h25)

Parler ou ne pas parler : telle est, en quelque sorte, la question que posent deux documentaires connexes que diffuse France 3. Une question que se posent, au premier chef, des enfants juifs rescapés – aujourd’hui seniors – des rafles nazies de la seconde guerre mondiale.

Les Gamins de Ménilmontant, d’Antarès Bassis et Pascal Auffray, a pour cadre l’école Julien-Lacroix, dans le 20e arrondissement à Paris, où furent d’abord ostracisés (par une partition de la cour de récréation), puis arrêtés et déportés, avant d’être assassinés, de nombreux enfants et adolescents dont les noms sont gravés sur deux plaques, tant ils étaient nombreux.

Le documentaire propose une mise en abyme du tournage fait en partie par les élèves d’une classe de CM1/CM2 de l’établissement et leur confrontation avec le souvenir d’enfants qui fréquentaient la même école au même âge, mais à la mauvaise période. A cela s’ajoute la rencontre poignante avec des survivants et rescapés qu’interrogent, stupéfiés mais informés, les écoliers.

Les témoins ont jugé essentiel, vital, à titre personnel et collectif, de faire connaître ces terribles faits, qui seront de moins en moins transmis par ceux qui les ont vécus : pendant le tournage, l’un d’eux meurt d’ailleurs avant que les élèves aient pu le rencontrer. D’autres sont restés mutiques, ravalant leur douleur et la mettant à distance autant qu’il est possible.

C’est le cas de Joanna Flatau, jeune enfant juive polonaise sauvée du ghetto de Varsovie, cachée à la campagne jusqu’à la fin de la guerre par une généreuse et courageuse famille. Son fils, Filip, lui consacre un portrait au cours duquel il insiste pour qu’enfin sa mère raconte son histoire. Mission qui paraît d’autant moins possible qu’on apprend que les parents de Filip avaient même caché leur judéité à leur jeune fils : « Persuadé d’être catholique, je voulais être juif, confie, en voix off, le cinéaste. C’est à contrecœur qu’ils durent m’avouer que, juifs, nous l’étions déjà… »

Souvenir d’un lieu

Le sujet, annoncé par le titre du documentaireLe Formulaire, concerne un document destiné à faire valoir la qualification de « Justes parmi les nations » des membres de la famille polonaise qui avait accueilli Joanna. Mais il faut le remplir, revenir sur des faits et souvenirs. Joanna rechigne, ne veut pas donner sa date de naissance, dit qu’elle n’est « pas née », critique son fils. Et menace de tout lâcher.

Le point de basculement se produit quand Filip trouve, grâce aux outils de Google, la maison où sa mère avait passé ces années, qu’elle se remémore comme heureuses, après avoir été exfiltrée du ghetto, cachée dans une benne à ordures. Moment extraordinaire, ponctué par les clics de la souris d’ordinateur, et illuminé par le visage bouleversé et heureux de celle qui retrouve alors, intact, le souvenir du lieu.

Suit le voyage de retour vers ce hâvre, la visite au cimetière de ceux qui l’avaient choyée comme leur propre enfant, la rencontre d’un fils qui n’était pas né encore alors et les retrouvailles avec une amie plus âgée, aujourd’hui nonagénaire. Tout cela est filmé avec tact, finesse et simplicité, dans un heureux mélange d’émotion terrassante et de drôlerie enlevée.

 

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