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Published on 24 September 2020

Procès/Crif - Le témoignage de Francis Kalifat

Mercredi 23 septembre, plusieurs dirigeants d'associations parties civiles ont livré leurs témoignages à la Cour. Parmi eux, Francis Kalifat, président du Crif, qui a adressé un message fort.

Procès des attentats de janvier 2015 - Témoignage de Francis Kalifat, 23 septembre 2020

 

"SEBASTIEN SELLAM 23 ans, assassiné le 20 novembre 2003 dans le parking de son immeuble

ILAN HALIMI 24 ans, séquestré et assassiné le 13 février 2006, entre Bagneux et Sainte Geneviève des bois

 

JONATHAN SANDLER 30 ans, assassiné avec ses deux enfants GABRIEL 3 ans et ARIE 6 ans, le 19 mars 2012

MYRIAM MOSENEGO 8 ans, assassinée le 19 mars 2012

Tous les quatre, victimes de l’attaque terroriste contre l’école OZAR HATORAH de Toulouse

 

YOHAN COHEN 20 ans, assassiné le 9 janvier 2015

YOAV HATTAB 22 ans, assassiné le 9 janvier 2015

PHILIPPE BRAHAM 46 ans, assassiné le 9 janvier 2015

FRANCOIS MICHEL SAADA 64 ans, assassiné le 9 janvier 2015

Tous les quatre pris en otage et assassinés pendant qu’ils faisaient leurs courses à l’HYPERCACHER.

 

SARAH ATTAL-HALIMI 62 ans, torturée, défenestrée et assassinée le 4 avril 2017 à son domicile à Paris

MIREILLE KNOLL  86 ans, torturée et assassinée le 23 mars 2018 à son domicile à Paris.

 

Voilà, Monsieur le Président, les noms de ces 12 Français, hommes, femmes, enfants et vieillards assassinés depuis le début des années 2000 dans notre pays au seul motif qu’ils étaient JUIFS.

Dans cette litanie de noms de victimes de l’antisémitisme et du terrorisme islamiste qui tuent chaque destin est singulier.

Chaque vie brisée est une injonction au souvenir.

Ces noms et ces visages habitent mon esprit chaque jour.

Et cette question lancinante,

Pourquoi ? Pourquoi n’avons-nous pas su les protéger ?

Qu’aurions-nous dû faire pour les protéger ?

Monsieur le Président, mesdames et messieurs de la Cour, je me demande souvent comment se seraient passées les huit dernières années si nous avions su tirer en France les leçons de l’attentat de Montauban et de l’école Ozar Hatorah de Toulouse.

Trop de Français n’ont pas entendu que l’idéologie  islamiste qui a armé l’esprit et le bras du terroriste, armerait ensuite ceux de Charlie, de Montrouge, de l’HYPERCACHER et plus tard du Bataclan, de Nice, de Strasbourg et de tant d’autres en France.

Pourquoi avons perdu ces années si précieuses pour prendre conscience de ce phénomène ?

Je ne peux me résoudre à croire que le fait que les victimes aient été Juives puisse expliquer cet aveuglement volontaire.

Combien étions-nous alors dans la rue ce 19 mars 2012 au soir ?

Peu ! Trop peu au regard de la gravité d’un acte sans précédent dans l’histoire récente de notre pays.

Je garde le goût amer d’une société alors sourde aux cris du cœur des Français Juifs et de ceux qui à leurs côtés avaient compris qu’il ne s’agissait là que du premier acte d’une longue série.

Mon inquiétude profonde est en tant que citoyen, car je crains que cette haine et cette violence finisse par affaiblir l’adhésion aux valeurs qui font la France.

Car si l’antisémitisme commence avec les Juifs, il ne s’arrête jamais aux Juifs.

Notre Pays est aujourd’hui sous l’émotion, et c’est heureux,  des attaques terroristes  de Charlie Hebdo, de Montrouge et des crimes antisémites de l’Hypercacher  mais des Français Juifs souffrent depuis des années souvent dans l’indifférence.

En 2020, comme les années précédentes, les Français Juifs ont été insultés, harcelés, menacés, volés, agressés ou frappés parce que Juifs.

Les mots sont terribles, mais ne disent rien de la vie des victimes de l’antisémitisme du quotidien, qui frappe ces quartiers difficiles, ces «territoires perdus de la République ».

Je décris souvent la vie retranchée de ces Français juifs qui subissent insultes, crachats, graffiti, courriers anonymes et mézouzot arrachées, quand ce ne sont pas des violences physiques.

De nombreuses analyses lui ont été consacrées. Elles dessinent toutes un étau.

Et nous Français Juifs sommes à l’intérieur de cet étau qui nous écrase et nous fait mal.

Oui ça fait mal quand on est pris entre l’antisémitisme traditionnel surreprésenté à l’extrême droite et l’antisémitisme antisioniste surreprésenté à l’extrême gauche.

Oui ça fait mal quand on est pris entre l’antisémitisme d’une partie des jeunes musulmans de 15 à 25 ans, et le statut de cible privilégiée du terrorisme islamiste.

Depuis l’attentat contre l’Hypercacher, aucune des victimes survivante n’a pu reprendre une vie normale après le calvaire qu’elles ont vécu. Depuis ces moments douloureux aucun Juif en France ne peut faire ses courses, aller à la synagogue, ou déposer ses enfants à l’école en ignorant qu’il est une cible. Depuis cet attentat chaque Juif vit aujourd’hui dans ce statut terrible de victime potentielle du terrorisme islamiste.  

Monsieur le Président, c’est aussi cela que votre Cour doit juger.

Les victimes, la France et les Français Juifs ont besoin de ce procès car, au-delà du procès des prévenus dans le box, il doit être le procès de l’antisémitisme qui tue, le procès de l’antisémitisme qui a tué 12 Français Juifs, le procès de l’antisémitisme qui, 75 ans après la Shoah, peut encore tuer des hommes, des femmes et des enfants uniquement parce qu’ils sont Juifs."

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