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Published on 23 February 2021

Commissions du Crif - Qu'est-ce que la Commission du Souvenir ?

Des commissions thématiques participent à la vie et aux réflexions de l’institution. Parmi elles, la Commission du Souvenir, présidée par Bruno Halioua. Aujourd'hui, nous vous présentons cette commission, ses projets et ses objectifs.

Le Crif : Bruno Halioua, vous présidez la Commission du Souvenir du Crif. Pouvez-vous nous présenter cette commission et ses objectifs ?

Bruno Halioua : La Commission Souvenir est avant tout un lieu d’échange formidable qui réunit une équipe de personnalités de tous les âges, d’horizons différents et de formations différentes dont le point commun est de travailler dans des structures impliquées dans la mémoire de la Shoah. Nous avons la chance d’avoir Stéphanie Dassa, Directrice de projets au Crif, qui en assure la coordination et l’organisation avec une efficacité remarquable. Cette Commission poursuit l’action initiée par Henri Bulawko, Jacqueline Keller et Claude Hampel qui ont été très tôt conscients de l’importance de perpétuer le Souvenir de la Shoah. Mais surtout notre mission est de se tenir au courant des actions des différentes organisations, d’accueillir les auteurs des travaux récents dans le domaine de la recherche sur la Shoah et de réfléchir ensemble sur les moyens d’assurer la perpétuation de la mémoire de cette période la plus noire de l’histoire du peuple juif auprès des jeunes générations.

 

Le Crif : Qui sont les membres de la Commission du Souvenir ? Qu’est-ce que cette Commission apporte au travail de mémoire et de transmission ?

Bruno Halioua : Chacun des membres de la Commission représente une structure chargée d’assurer la transmission du souvenir de la Shoah.

Il y a  un représentant  du Mémorial de la Shoah, de la Fondation de la Mémoire de la Shoah, l’Union des Déportés d’Auschwitz, l'Union des Engagés Volontaires, Anciens Combattants Juifs 1939-1945, des Fils et Filles des Déportés Juifs de France mais aussi du Farband, de Yad Vashem France, du Medem, du Cercle Bernard Lazare, du Comité “Ecole de la rue Tlemcen”, de Mémoire du convoi n°6 et des camps du Loiret,  Aki Estamos, l’association Muestros Dezaparesidos, Al Syete, l'association Yad Layeled France, Mémoire Vive des convois des 45 000 et des 31 000, "Familles et Amis des Déportés du Convoi 77", Familles & Amis des Déportés du Convoi 73, l’Union des Etudiants Juifs de France, et du Cercil.

L’originalité de la Commission est de réunir toutes les associations ce qui nous permet d’être tenu informé du travail que chacun réalise sur l’ensemble de l’Hexagone. La Commission est chargée de la préparation et de l’organisation de deux commémorations majeures : la cérémonie de commémoration du soulèvement du ghetto de Varsovie en avril et la cérémonie de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv en juillet. Mais la Commission du Souvenir est avant tout un lieu d’échanges où nous partageons nos idées à propos des sujets brûlants de l’actualité.

 

Le Crif : Quels projets et/ou quelles rencontres, réalisés dans le cadre de cette commission, vous ont marqué cette année ?

Bruno Halioua : L’année a été riche en rencontres avec bien sûr des témoins qui ont livré leurs témoignages mais aussi des historiens français et israéliens qui ont exposés leur travaux. Nous avons tous été impressionné par tous les invités qui nous ont permis d’approfondir considérablement nos connaissances. À l’occasion de nos rencontres, nous avons la chance de pouvoir échanger, dialoguer et surtout nous confrontons nos idées.

 

Le Crif : L’histoire de la Shoah vous intéresse particulièrement, et notamment le thème de la médecine pratiquée par les nazis. Vous avez publié plusieurs ouvrages sur ce thème, parmi lesquels Blouses blanches, étoiles jaunes : l'exclusion des médecins juifs en France sous l'Occupation (2003) et Le Procès des médecins de Nuremberg. L'irruption de l'éthique médicale moderne (2007), Les 948 jours du ghetto de Varsovie (2018)Comment expliquez-vous ces choix de sujets, et notamment le choix de la période historique : la Shoah ? 

Bruno Halioua : Je suis né 14 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le père de ma mère est mort à Auschwitz. Mon père qui est sépharade et très féru d’histoire discutait souvent avec ses copains survivants de la Shoah. J’écoutais leurs récits avec attention sans me douter à quel point ils allaient imprégner mon intérêt pour cette période noire de l’histoire du peuple juif. Je me rappelle de leur fantastique envie de vivre. Je me rappelle de la réflexion d’un copain de mes parents qui m’a expliqué qu’en arrivant à Paris à l’hôtel Lutetia, après 3 ans d’internement à Auschwitz, il répétait allégrement avec son accent titi parisien  « Tout ce que je vais vivre maintenant, ce sera du rab. Et il faut absolument que cela soit superbe !" ».

J’ai été aussi considérablement influencé par les nombreux rescapés de la Shoah que j’ai rencontrés à Menton où vivaient mes grands-parents. Je les écoutais avec attention me parler de leur enfance en Pologne de leur existence sous l’Occupation. J’étais inconsciemment conscient de la valeur historique de leurs témoignages. Après mes études de médecine, j’ai repris des études d’histoire et j’ai soutenu un DEA d’Histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne. J’ai alors décidé d’écrire des livres sur la Shoah que je ne trouvais pas en librairie. Mon premier livre traitait de l’exclusion des médecins juifs sous l’Occupation mais surtout j’ai écrit une centaine d’articles sur la Shoah dans des journaux médicaux. J’ai écris ce livre que j’avais envie de lire mais que je ne trouvais nulle part. 

L’orientation médicale de vos travaux est-elle liée à votre formation professionnelle ?

Bruno Halioua : Bien entendu, j’adore mon métier de médecin qui est comme je le dis souvent « le plus beau métier du monde ». Un bon médecin ne se satisfait jamais de ses acquis. Il doit toujours lire, apprendre et surtout comprendre… 

Or en ce qui concerne la période de la Shoah, nous sommes confrontés 76 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale à des questions et en particulier en ce qui concerne le rôle des médecins. Voilà pourquoi je me suis lancé dans ces recherches depuis plus de 20 ans. Cela a aboutit à la participation à des colloques et à la publication d’ouvrages mais surtout à de nombreuses publications notamment dans des revues anglo-saxonnes.

 

Le Crif : Selon vous, quels défis devrons-nous relever dans les prochaines décennies pour préserver la mémoire de la Shoah ?

Bruno Halioua : Le défi le plus important en ce qui concerne la mémoire de la Shoah a été, est, et restera malheureusement, le danger du Révisionnisme qui continue à nier l'existence des chambres à gaz et à relativiser l'ampleur et l'atrocité de l'extermination des Juifs. Malheureusement, nous assistons à la disparition des derniers témoins voilà pourquoi nous devons redoubler d’attention car les Révisionnistes utilisent sans cesse des artifices pour essayer de promouvoir leurs idées. Nous sommes tous conscients de ce danger. En conséquence nous devons rester vigilants.

 

Propos recueillis par Johana M.