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Published on 19 March 2021

Interview Crif - "Ce fut un très fort traumatisme pour notre communauté", Franck Touboul, président du Crif Toulouse

Il y a 9 ans, le lundi 19 mars 2012, Jonathan, Arieh, Gabriel et Myriam sont assassinés, uniquement parce qu'ils sont Juifs, devant l'école Ozar Hatorah de Toulouse. Une tragédie sans précédent. Comment va la communauté juive de Toulouse ? Comment s’est-elle reconstruite ? Quelle est la réalité de l’antisémitisme à Toulouse ? Nous avons interrogé Franck Touboul, président du Crif Toulouse Midi-Pyrénées.

Le Crif : Neuf ans après l'attentat de l'école Ozar Hatorah à Toulouse, qui a coûté la vie à trois enfants et à un professeur le 19 mars 2012, quelles ont été les conséquences sur la communauté juive de Toulouse ?

Franck Touboul : Tout d’abord un très fort traumatisme, un choc énorme pour une communauté de province, que l’on peut croire préservée même si des signaux faibles apparaissaient. Néanmoins, imaginer que l’on puisse pénétrer dans une école et assassiner des enfants et un professeur, c’était tout juste inconcevable. Même si nous avions renforcé la protection dans les écoles, par mimétisme avec d’autres villes de France ou par principe de précaution, on ne pouvait imaginer qu’une telle horreur se produise.

Cela a été terrible pour tout le monde.

 

Le Crif : Comment va la communauté juive de Toulouse ? Comment s’est-elle reconstruite après ce drame ?

Franck Touboul : Il y a tout d’abord eu une période creuse, avec moins d'événements communautaires, conséquence de ce fort traumatisme. Il y a également eu une baisse des effectifs de l’école : déposer ses enfants à l’école était devenu un effort surhumain pour les parents.

Aujourd’hui les effectifs reprennent, l’école est de nouveau en bonne santé, notamment financière grâce à la grande générosité de tous : de membres de la communauté mais aussi de personnes extérieures. Et au-delà de l’école, puisqu’ils ont fait preuve de générosité envers les institutions communautaires, montrant ainsi leur attachement à nos associations et à l’unité communautaire.

À Toulouse, toutes les institutions travaillent les unes avec les autres, il y a une entente parfaite. Nous sommes tous unis et nous nous attachons à conserver cet héritage. Ainsi nous avons surmonté les difficultés financières, notamment liées aux nombreux départs de la communauté ; il y en a eu beaucoup après l’attentat, des jeunes générations mais aussi de familles qui ont choisi d’aller vivre en Israël ou ailleurs. 

Aujourd’hui, la communauté de Toulouse va mieux. On stabilise les effectifs communautaires, nos écoles et nos ressources, pour assumer la responsabilité que nous ont légué tous les anciens dirigeants.

 

Le Crif : À l’approche des commémorations en hommage aux victimes d’Ozar Hatorah de Toulouse, quelle est l’atmosphère à Toulouse - dans la communauté juive et dans la ville ?

Franck Touboul : Il y a une part de résignation, pour une partie d’entre nous, de constater que l’antésimitisme s’est installé dans le pays. Que malheureusement, en 2012, ce n’était pas un loup solitaire mais un préambule, un signe avant-coureur.

La première partie du procès des attentats de janvier 2015 et notamment de l’Hyper Cacher a eu lieu en décembre 2020. Il y aura bientôt celui des attentats des attentats de novembre 2015, tel que celui du Bataclan.
Cela nous rappelle le nombre très conséquent en France de victimes du terrorisme islamiste.

 

Le Crif : L’année dernière, le frère du tueur toulousain a définitivement été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour complicité dans les sept assassinats perpétrés en mars 2012. Cela a dû être un soulagement …

Franck Touboul : Cela a tout d'abord été un combat. Il a fallu se battre pour que ce procès ait lieu car la décision en première instance n’était pas satisfaisante. Nous ne pouvions pas en rester là.

Puis la condamnation définitive a été un soulagement. Cela apporte une sorte d’équilibre de justice. Cela apaise, il n’y aura pas de plaies supplémentaires à celles de la disparition et de la meurtrissure des victimes.
Il y a effectivement une dimension réparatrice.

 

Le Crif : Présentez-nous la communauté juive de Toulouse d’aujourd’hui.

Franck Touboul : La communauté juive de Toulouse aujourd’hui c’est une quinzaine de synagogues, un des plus grands centre communautaire d’Europe, une école primaire et une école maternelle, un collège, un lycée, un lycée professionnel, une maison de retraite avec un centre spécialisé dans la maladie d’Alzheimer, faible en restauration mais il existe plusieurs épiceries cachers et commerces de proximité.

La communauté juive de Toulouse, c’est aussi une jolie communauté, de taille moyenne, soudée, attentive à nos jeunes, avec un centre d’action sociale très actif. Une nouvelle génération qui a pris des responsabilités dans nos différentes associations.

Et puis c’est une communauté reconnue dans la cité, implantée.

Il n’y a pas de difficultés institutionnelles. Le Crif Toulouse travaille dans l’apaisement politique avec les interlocuteurs publics.

 

Le Crif : Quelle est la réalité de l’antisémitisme à Toulouse ?

Franck Touboul : Elle est ni plus ni moins importante que dans une autre ville de France.

Il existe un antisémitisme islamiste, présent un peu partout.

Le Crif Toulouse est partie civile dans un procès contre l’Imam de la Grande Mosquée de Toulouse, Mohamed Tataï. Ce dernier a proféré via Youtube des prêches antisémites incitant à tuer les Juifs le jour du jugement dernier. Le Crif a envoyé au préfet les liens vers ces prêches antisémites, permettant ainsi au préfet de faire un signalement au titre de l’article 40. Le maire a immédiatement réagi. C’est ainsi que le procureur de la République a été saisi. À la suite de 2 ans d’instructions, le procès aura lieu au mois de juin 2021.

Et puis il y a l’islamo-gauchisme qui menace, avec un attelage d'extrême gauche, associé avec les verts et le parti socialiste, nous y sommes très vigilant. C’est un vrai combat de tous les jours.