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Published on 17 June 2021

France - "Certains préjugés sont tombés" : à Clichy-sous-Bois, islam et judaïsme dialoguent au collège

Elèves et profs du collège Louise-Michel ont testé un dispositif «d’ouverture» aux autres cultures, porté par l’Institut du monde arabe et le Musée d’art et d’histoire du judaïsme. Près de 500 mallettes pédagogiques seront proposées gratuitement aux enseignants l’an prochain.

Publié le 10 juin dans Le Parisien

« Parlez plus fort ! » Collée à la scène installée pour l’occasion dans le gymnase du collège Louise-Michel, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la professeure de lettres Rim Rejichi souffle ses consignes aux quatre comédiens d’un jour, lancés dans la lecture d’un conte écrit par leurs soins.

Avant eux, une poignée de leurs camarades ont entonné quelques phrases d’un chant arabe devant un parterre d’officiels dont Jack Lang, le président de l’Institut du monde arabe (IMA), et Dominique Schnapper, son homologue du Musée d’art et d’histoire du judaïsme (mahJ). L’ancien ministre de l’Education nationale et la sociologue assistaient ce mercredi à la performance d’une trentaine d’élèves, réalisée à partir d’une mallette pédagogique confectionnée conjointement par les deux institutions culturelles.

Composé d’illustrations d’œuvres, l’outil « Culture(s) en partage » comporte un volet numérique plus étoffé sur clé USB (films d’animation, fiches techniques détaillées, diaporama…) destiné aux professeurs de collège. Le but ? Permettre aux élèves d’analyser les points communs entre judaïsme et islam, et ainsi déconstruire certains clichés.

Jack Lang appelle à lutter contre « l’ignorance et la méconnaissance »

« Le principal ennemi, c’est l’ignorance et la méconnaissance », estime Jack Lang, pour lequel cette mallette pédagogique est « une expression pratique et puissante » qui permet de mieux appréhender ces deux cultures. Rim Rejichi a pu tester le dispositif en avant-première avec 35 élèves de 5e générale et de 5e Segpa. « Certains préjugés sont tombés, par exemple sur le fait qu’il y ait des juifs arabes, précise la professeure de lettres, qui a participé à la conception de cet ensemble pédagogique avec le mahJ. À aucun moment, il n’y a eu de la résistance ou de l’opposition. On n’affronte pas la religion frontalement, on parle de culture et de civilisation. »

Sa collègue Nadège Ibo, professeure en Segpa, confirme : « Certains élèves étaient surpris de constater qu’il y a autant de ressemblances entre les deux cultures. Au final, ils voient beaucoup plus ce qui les rapproche. » Les élèves interrogés ont apprécié l’expérience, entamée en mars par une visite virtuelle du mahJ et de l’IMA. « On a appris plusieurs traditions, mais aussi du vocabulaire en arabe et en hébreu », racontent Zeyneb, Azra et Murat, contents d’avoir pu partager leur travail.

Répartis en petits groupes, les adolescents ont rédigé sept contes au total, fruit d’une quinzaine d’heures de travail, et de beaucoup plus pour leurs deux professeures, épaulées par des collègues d’arabe, d’histoire-géographie et d’arts plastiques.

Bientôt des conférenciers dans les classes ?

Ce kit a été conçu pour « la reconnaissance de l’autre, la tolérance », synthétise Dominique Schnapper. L’ambition de la présidente du mahJ est de le diffuser « potentiellement à la France entière, collèges et lycées ». Cinq cents mallettes seront disponibles à la rentrée prochaine pour les enseignants suivant le parcours intermusées IMA-mahJ. Un peu plus d’une centaine de classes avaient participé en 2019 à ce cycle, qui ne comportait donc pas de mallette à l’époque.

« On veut aussi faire intervenir des conférenciers en classe, précise Imane Mostefaï, directrice des actions éducatives et de médiation à l’IMA. La location est gratuite, on compte sur le fait que les professeurs parlent entre eux du dispositif. » « Il est important que les cultures communiquent, estime Olivier Klein, maire (PS) de Clichy-sous-Bois, qui a assisté au spectacle en présence du recteur de l’académie de Créteil. Pourquoi ne pas faire usage de cet outil au-delà du public scolaire ? »

Pour conclure leur travail entamé en mars dernier, les collégiens découvriront « physiquement » les deux établissements culturels parisiens à la fin du mois, trois mois après leur visite virtuelle. « Je ferai tout pour être présent », jure Jack Lang.