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Publié le 19 Juillet 2010

Adieu Cyrille

En guise d’hommage, nous publions à nouveau l’interview de Cyrille Fleischman réalisée le 06 mai 2009 par Haïm Musicant et la critique de son ouvrage, « Riverains rêveurs du métro Bastille » donnée, le 22 mai 2007 par Jean-Pierre Allali.





Cyrille Fleischman en russe dans le texte



Né en 1941 à Paris, Cyrille Fleischman a quitté depuis plusieurs années le barreau pour prendre avec succès la plume. Depuis 1987, (« l’attraction du bal ») il publie régulièrement de nombreuses nouvelles, recueillies dans plus d’une dizaine d’ouvrages qui évoquent le petit monde ashkénaze parisien des années 50.

Cyrille Fleischman a été récompensé par le prix d’Académie au titre des grands prix de l’Académie française et le prix Max Cukierman, pour son œuvre qui amène ses lecteurs rêver dans le triangle République-Saint-Paul-Bastille.

Cyrille Fleischman, vous venez d’être traduit en russe. Avez-vous déjà été traduit dans d’autres langues ? De pouvoir être lu en russe suscite quel sentiment chez vous ?

On peut déjà me lire en allemand et en tchèque.
Deux de mes livres « rendez-vous au métro Saint-Paul » et « nouveaux rendez-vous au métro Saint-Paul » sont édités par Text, un éditeur moscovite. J’en suis heureux car j’espère ainsi avoir des lecteurs russophones. En Israël !
Je n’oublie pas qu’avant de venir s’installer à Paris dans les années 1880, mon grand-père paternel, originaire de la région de Riga, était bien sur yiddishophone. Mais aussi culturellement russophone.
Les ashkénazes ne peuvent pas complètement oublier le monde slave d’où ils viennent en partie. Comme mes amis et lecteurs sépharades ne peuvent et ne doivent pas oublier la culture profonde dont ils sont issus.
Ce, au-delà des mondes actuels dont ils, dont « nous » pour ne pas parler comme le rachat de Pessah, dont « nous » sommes tous partie prenante. Tant Israël, nouveau creuset de cultures que les Etats-Unis au début du siècle dernier, ou la France contemporaine, modèle culturel original.

Auriez-vous aimé écrire en yiddish ?

Non, à cause de mon accent français !

Vous avez créé une multitude de personnages. Avez-vous un préféré, pour lequel vous avez une tendresse particulière ?

Je les aime tous ! Surtout ceux qui peuvent dire : « Fleischman ? Quel intérêt ? Montrez-moi seulement une fois ce qu’il a écrit. Je ferai tout de suite cent mille fois mieux que lui ! »

Propos recueillis par Haim Musicant




Riverains rêveurs du métro Bastille, par Cyrille Fleischman (*)



Délicieux Cyrille Fleischman. À chaque nouvelle parution de ses savoureux recueils, chacun se demande : « Mais où va-t-il chercher toutes ces histoires ? ». Débordant chaque fois un peu plus du centre du Pletzel, le quartier historique juif du Marais, il nous emmène rêver avec ses personnages du côté de l’Hôtel de Ville, près ou loin, le temps d’un bal d’hiver, d’un tango ou d’une petite valse. Nous voici à présent à la Bastille, du côté de Saint-Sabin, pas trop loin du métro. Et toujours ces couples mal assortis, mais que la destinée a réunis pour le meilleur et surtout pour le pire, pour l’ennui et, souvent, pour la routine, Voici les Statisch, les Nachdem et les Klepenklepen. Sans oublier les Shifweg, les Tsilender, les Quaderstein et les Hupschik et tant d’autres encore, tous amateurs éclairés de cinéma et grands consommateurs devant l’Éternel de pickelfleish et de thé brûlant.



Qu’on soit fidèle ou volage, une seule question doit dominer les esprits et influer sur les attitudes, surtout lorsque nos personnages ont atteint un âge certain : ne vaut-il pas mieux penser à réserver une bonne place au cimetière de Bagneux qu’au théâtre de la rue de Lancry avec sa femme ou avec sa maîtresse ?



En cerise sur le gâteau, Cyrille Fleischman nous gratifie de quelques fantômes qui viennent égayer le quotidien banal de nos héros et qui disparaissent souvent comme ils étaient venus, à la sauvette : Honoré de Balzac survenant à l’improviste au domicile de Mendel Pantofl ou Georges Gershwin, apparaissant chez Bertha Stendikt, dame patronnesse, généreuse organisatrice de ventes de charité.



Des boutiques surannées de bonnetiers aux associations d’originaires et aux clubs du troisième âge, des concertistes de quartier aux vendeurs ambulants de reproductions décoratives, c’est tout un monde aujourd’hui disparu, celui de la yiddishkeit parisienne avec ses aventures, ses mystères et sa saveur si particulière que nous offre, encore et toujours, l’excellent et intarissable Cyrille Fleischman.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Le Dilettante. 2ème trimestre 2007. 160 pages. 15€



Photo : D.R.