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Publié le 25 Février 2010

Alain Jakubowicz : «La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est l’affaire de tous»

Elu le 31 janvier à la présidence de la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, Alain Jakubowicz expose ses projets à la newsletter du CRIF



1/. Vous venez d’être élu à la présidence de la Licra. Que ressent-on quand on succède à Bernard Lecache, Pierre-Bloch, Pierre Aidenbaum et Patrick Gaubert ?



C’est un immense honneur que de succéder à Bernard Lecache, Jean Pierre-Bloch, Pierre Aidenbaum et Patrick Gaubert. Je ne suis en effet que le cinquième président de la LICRA depuis sa création en 1927. C’est un immense honneur mais aussi une grande responsabilité. Pour répondre plus précisément à votre question, je vous avoue avoir particulièrement pensé, au moment de mon élection, à mon père qui était lui-même déjà militant de la LICA avant-guerre.



2/ Quelles sont vos principaux projets ?



Mon objectif principal consiste à donner une plus grande visibilité et une plus grande lisibilité à l’action de la LICRA. Je souhaite que la LICRA soit plus présente dans les débats de société chaque fois que les valeurs qui sont les nôtres sont mises à mal, ce qui est hélas de plus en plus fréquent en matière de racisme, d’antisémitisme, de discrimination et d’atteinte à la laïcité. Je tiens à accroître de façon sensible le nombre de nos adhérents, étant rappelé que la LICRA comptait 55 000 membres avant-guerre. Je ferai en sorte pour cela de renforcer le nombre de nos sections pour que nous soyons présents sur l’ensemble du territoire national. Pour ces projets ambitieux, je sais pouvoir compter sur un exécutif motivé et innovant faisant notamment une large place aux jeunes.



3/. La Licra a lancé depuis plusieurs années un programme pour lutter contre le racisme au stade. Quel bilan en tirez-vous ? D’autres initiatives sont-elles prévues ?



La lutte contre le racisme dans le sport est effectivement un axe fort de notre combat contre les discriminations. Nous jouons dans ce domaine pleinement notre rôle de veille et d’alerte. De nombreuses conventions ont été signées avec des clubs et notamment des clubs de football professionnels. Nous sommes également présents au plan local dans les commissions de discipline. Ces actions dans le domaine du sport contribuent à rajeunir et dynamiser l’image de la LICRA. De nombreuses autres initiatives seront menées non seulement dans le sport, mais également dans le domaine de l’éducation, de la culture, de la justice, de la police, de la gendarmerie, du monde de l’entreprise, des syndicats, mais également en direction des cultes et des associations.



4/. Notez-vous une montée du racisme en France ? Que compte faire la Licra ?



Je ne sais pas s’il existe « une montée du racisme en France », mais ce qui est sûr, c’est que la parole raciste s’est libérée. Le débat sur l’identité nationale a contribué à ouvrir la boîte de Pandore. Tous les acteurs publics doivent être sensibilisés sur cette question. Les dérapages verbaux de plus en plus nombreux, émanant des personnalités les plus diverses, constituent des indicateurs inquiétants. Il est important de redonner du sens aux mots et aux valeurs. La LICRA sera particulièrement vigilante en ce domaine.



5/. L’opinion publique a du mal à croire qu’il y a de l’antisémitisme en France ? pourquoi ?



L’opinion publique a dû mal à croire qu’il y a de l’antisémitisme en France parce qu’elle ne vit pas cet antisémitisme. Elle a surtout du mal à mettre des mots sur les actes. Or, insulter un juif parce qu’il est juif et, a fortiori lever la main sur lui pour cette seule raison, n’est rien d’autre que de l’antisémitisme, même si l’on tente de le qualifier et parfois hélas le justifier, en le dissimulant sous d’autres qualificatifs. C’est notamment le cas de l’antisionisme agressif prôné par une partie de l’extrême-droite, mais également de l’extrême-gauche, qui n’est rien d’autre qu’une nouvelle forme de négationnisme. Il est important de combattre cet antisémitisme. Il est également important que ce combat ne soit pas, et en tout cas pas seulement, celui des associations juives. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est l’affaire de tous.



6/.Quelle est l’analyse de la Licra sur le conflit israélo-palestinien ?



La LICRA n’a pas d’analyse spécifique sur le conflit israélo-palestinien. Ses racines la conduisent naturellement à n’accepter aucune dérive mettant en cause l’existence même de l’Etat d’Israël. Il s’agit là d’un préalable non négociable à l’adhésion à la LICRA. Au-delà de ce principe fondateur, il existe au sein de la LICRA tous les courants de pensée, à l’exclusion bien sûr des positions extrémistes contestant le droit légitime de chacun des peuples à vivre dans des frontières sûres et reconnues. La LICRA ne peut accepter aucun racisme, aucun antisémitisme et aucune discrimination, de quelque camp qu’il émane.



7/. Croyez-vous que le « vivre ensemble » est encore possible ou qu’on est passé au « chacun pour soi » ?



Il ne faut pas être grand historien pour savoir qu’en période de crise le « chacun pour soi » l’emporte sur le « vivre ensemble ». La LICRA ne peut et ne veut pas vivre en dehors de la société. Les préoccupations de nos concitoyens sont aujourd’hui celles de l’emploi, du logement et du coût de la vie. Ces combats quotidiens pour l’essentiel laissent malheureusement peu de place pour s’intéresser aux autres et notamment à ceux qui ont plus de difficultés encore. Il ne faut pas pour autant désespérer du combat associatif et notamment de celui de la LICRA. Notre marge de manœuvre est considérable. La LICRA est une œuvre de salut public. Elle a été, est et sera fidèle à l’esprit qui a présidé à sa création au début du 20ème siècle.



Photo : D.R.
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