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Publié le 12 Juin 2009

André Kaspi, historien, spécialiste des Etats-Unis : Obama : ce qui va changer

Les faits et gestes du président Barack Obama sont scrutés partout dans le monde et les déplacements à l’étranger du nouveau président américain, suscitent énormément de commentaires et d’intérêts. Comment l’expliquez-vous ?



Je dirai qu’il y a plusieurs raisons. George W. Bush avait une image déplorable à tort ou a raison. Il était souvent détesté, ou il ne suscitait aucune sympathie particulière. Obama est l’anti Bush. De plus, Bush est un républicain, Obama est un démocrate. Par ailleurs, Obama est sympathique, une sorte de « Rock star », il séduit beaucoup par sa personne. Troisièmement, il est perçu comme un président noir. Tout cela a créé un emballement médiatique transformant Obama en une sorte de personnage médiatique, susceptible de résoudre tous les problèmes d’un coup de baguette magique.



Comment interprétez-vous l’allocution qui a été prononcée au Caire le 4 juin 2009, à l’adresse du monde musulman et des pays arabes ? Peut-on parler de discours historique ? De changement d’orientation ? De l’après 11 septembre 2001 ? Obama entraîne-t-il les Etats-Unis à tourner définitivement le dos à l’ère de George W. Bush ?
C’est un discours longuement attendu, minutieusement préparé et qui a pour but d’annoncer la nouvelle politique des Etats-Unis au Moyen Orient. Ce que veut souligner Obama, c’est qu’il n’y pas d’hostilité entre l’Islam et les USA et que le choc des civilisations n’existe pas. Mais, il veut préparer aussi une diplomatie qui permette de trouver des solutions aux questions épineuses de l’Irak, de l’Iran, de l’Afghanistan, du Pakistan. De même, Obama souhaite que les pays musulmans rejoignent le camp américain dans cette recherche d’une nouvelle diplomatie, notamment l’Arabie saoudite et l’Egypte qui, elles aussi, redoutent l’Iran, Al Quaida et le terrorisme. Or pour cela, il faut faire un pas dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Il n’est pas au centre, mais c’est le début, le déclic, c’est ce qui permettrait d’avancer, et dans la bouche d’Obama tout cela a pour but de consolider cette alliance pour établir une paix minimale dans cette région



Depuis son investiture, il semble qu’Obama veuille faire pression sur Israël. Il multiplie les rappels à l’ordre, notamment lorsqu’il parle des implantations (settlements, en anglais) israéliennes dont il demande l’arrêt de la construction. Vous semble-t-il qu’il y ait une autre ou nouvelle approche américaine en la matière ?
C’est à la fois une nouvelle approche et une approche déjà ancienne. Il n’est pas le premier président à soutenir la thèse des deux Etats, George Bush l’a déjà fait en 2001. Il n’est pas le premier à s’opposer à l’extension des implantations. Mais ce que l’on constate, c’est qu’il le fait au début de son mandat. Cela veut dire que, pour Obama, c’est une priorité mais dans un cadre plus large. Il n’est cependant pas question pour les USA d’abandonner les Israéliens. Obama a donné l’assurance aux Israéliens que cette alliance ne peut pas être brisée, mais il se trouve qu’en Israël, le Premier ministre semblerait ne pas être sur la même longueur d’onde, d’où l’impression de renversement de l’attitude des Etats-Unis, alors qu’il s’agit pour les USA de redevenir des arbitres qui permettront aux Israéliens et aux Palestiniens d’engager le dialogue. J’ajouterai une observation. On parle beaucoup des pressions qui sont exercées sur Israël. Il y a beaucoup de pressions qui sont exercées aussi sur les Palestiniens. Il y a quand même deux forces qui se détestent, se haïssent, se combattent : le Hamas et le Fatah. Les Palestiniens ont donc une responsabilité dans la résolution de ce conflit, au même titre que les Egyptiens et les Saoudiens, par exemple.


Propos recueillis par Marc Knobel
Photo (André Kaspi): D.R.