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Publié le 4 Septembre 2007

André Nahum : La Tunisie, c’est le pays où je suis né il y a 2000 ans

André Nahum sera l’un des intervenants de la manifestation organisée conjointement par le CRIF et le Centre Rachi d’Art et de Culture consacrée aux Juifs de Tunisie « Et puis un jour…l’exil », qui se déroulera le 17 septembre 2007 à 20h30 au Centre Rachi. Il répond à nos questions.


Pour vous, c’est quoi la Tunisie ?
La Tunisie, c’est le pays où je suis né il y a 2.000 ans. Celui de mes aïeux, de mes morts, celui de mon enfance. Une terre à laquelle j’étais viscéralement attaché jusqu’au jour où l’on m’a fait comprendre qu’elle n’était plus mienne. "Tunis-la-Juive" est morte. Elle ne reviendra jamais plus. J’ai cru après l’indépendance qu’une minorité juive pourrait vivre dans un pays arabe. Je me suis trompé.
Pourquoi, selon vous, les Juifs de Tunisie ont-ils choisi l’exil ?
Je viens de vous le dire. A partir du moment où, du fait des nombreuses discriminations en tous genres, ils ont réalisé qu’ils n’auraient pas leur place en tant que citoyens à part entière dans cette nouvelle République, ils se sont résolus à partir. Ce ne fut pas de gaieté de cœur. Ce fut pour tous un déchirement que notre grand chanteur Raoul Journo a exprimé dans une chanson que tous les Juifs tunisiens ont fredonné un jour :
"Tunis, je ne peux t'oublier.
La nuit je rêve de toi
Ô Dieu aide-moi et console-moi....
...Je t’ai quitté ô mon pays, pays de mes parents et de mes ancêtres.
J’ai quitté le paradis, la villégiature et la beauté
Que de regrets, que de regrets pour toi ô mon pays".
Le plus curieux dans cette histoire, le plus diabolique, c'est qu'on nous a poussés gentiment vers la sortie en nous faisant croire que l’on voulait nous garder.

Pourquoi, pour qui, maintenir vivace le souvenir d’une communauté juive millénaire dont seuls quelques centaines de membres sur plus de cent mille il y a un demi-siècle, vivent encore en Tunisie ?
Oui, nous étions près de cent cinquante mille. Il en reste là-bas un millier à peine. Pourquoi maintenir vivace le souvenir de notre communauté? D’abord, il faut que nos enfants et petits enfants connaissent leurs racines. Il faut leur enseigner, avec l’odeur du jasmin, les valeurs que nous véhiculons de génération en génération depuis des temps immémoriaux ainsi que notre joie de vivre et notre optimisme impénitent. Notre histoire est grande et belle. Depuis l’époque romaine, depuis la Kahéna, depuis le judaïsme de Kairouan au temps des Aglabides et des Fatimides. Nos ancêtres ont contribué à la création de ce pays. Ils se sont manifestés et ont souvent brillé dans tous les domaines : la médecine, la philosophie, la littérature, l'artisanat, le commerce, l’étude de la Thora. Pourquoi ne pas le dire à nos descendants ?
Par ailleurs on occulte trop souvent notre exil. Comme s’il avait été naturel, banal et inévitable. Il faut rétablir la vérité de l’histoire.Il faut que le monde se souvienne qu'un million de Juifs ont quitté de gré ou de force les pays arabes où ils étaient installés depuis des siècles et qu'ils ont dû se réinstaller par leurs propres moyens dans les pays d'accueil, sans aucune aide de l'ONU ni d'aucun organisme international. Que dans la réalité des faits, il y a eu dans ces pays un nettoyage ethnique parfaitement réussi.
Mais à la différence d'autres réfugiés, nous n'avons gardé pour notre pays natal et nos anciens concitoyens ni rancœur ni colère, mais nous ne voulons pas qu'on nous oublie. Est-ce trop demander ?
Propos recueillis par Jean-Pierre Allali
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