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Publié le 4 Mai 2010

Christophe Bigot : «la libération de Shalit, notre rêve à tous»

Dimanche 2 mai, les négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens ont pris un nouvel élan, deux mois après le différend israélo-américain. Prévues pour durer 4 mois, les discussions se dérouleront sous l’égide de l’Egypte et des Etats-Unis. Elles doivent normalement porter sur les sujets les plus sensibles, tels que les constructions en Judée-Samarie et à Jérusalem-Est ou les frontières d’un éventuel Etat palestinien. Mais le scepticisme est de rigueur. Dans ce contexte, l’Ambassadeur de France en Israël Christophe Bigot a accepté de répondre à Guysen TV, dans une interview où il s’exprime sur les principaux sujets internationaux du moment dont le dossier Shalit.




Après toutes ces tentatives de négociations infructueuses par le passé, croyez-vous à une issue positive à ces nouvelles négociations ?



Il y a bien sûr toujours beaucoup de scepticisme et de fatigue des deux côtés. Lorsque l’on regarde l’histoire du processus de paix, il y a eu beaucoup d’échecs et d’erreurs. Néanmoins, je veux y croire. C’est extrêmement important à la fois pour Israël et le Proche-Orient mais aussi pour la stabilité du monde. D’ailleurs, je pense qu’un rapprochement est possible car les positions des uns et des autres ne sont pas si éloignées que cela. Je crois que les crises passées ont servi de leçon et chacun a envie que l’on sorte du statu quo. Ce statu quo est extrêmement risqué.



Tout de même, l’Autorité palestinienne a jusqu’à présent refusé les plans de paix israéliens dont le dernier en date est le plan Olmert de décembre 2009 (NDLR : qui reprend en grande partie les propositions israéliennes du sommet de Taba en 2001), tout en maintenant des conditions préalables à la reprise des discussions. Comment peut-on être sûr que les Palestiniens ne cherchent pas à gagner du temps et à faire bonne figure devant Barack Obama ?



Je ne crois pas que le temps joue en faveur de qui que ce soit dans cette région. Je ne crois plus non plus que l’on soit encore sur le terrain des conditions préalables. Je pense qu’il y a un souhait des deux côtés de parvenir à des négociations, fussent-elles indirectes dans un premier temps. Vous savez, la négociation à sa mécanique propre. Elle évolue, elle bouge sans cesse. D’abord, je crois qu’elle va permettre de réinstaurer la confiance entre les deux parties. Ensuite il faut aussi compter sur l’appui de la communauté internationale pour accompagner ce processus et faire en sorte que ça avance…Personne n’a envie que l’on reste dans ce statu quo !



On a malgré tout l’impression que sur les problèmes majeurs (Jérusalem-Est, les constructions en Judée-Samarie notamment), rien n’a réellement bougé depuis 40 ans. Pourquoi ces nouvelles négociations donneraient-elles des résultats différents ?



Si vous regardez 40 ans en arrière, il y a des choses qui ont bougé. La paix avec l’Egypte, la paix avec la Jordanie (en 1979 et 1994), le retrait du Liban-sud, le retrait de la Bande de Gaza…Donc on ne peut pas dire que les choses ne bougent pas. Cela dit il est vrai qu’il n’y a pas eu cet accord de paix dont on rêve entre Israël et un futur Etat palestinien. Mais lorsque l’on voit ce qui a été fait dans les années 2000 ou au cours du mandat de M.Olmert, je trouve que l’on progresse quand même vers la définition d’une solution entre Israéliens et Palestiniens.



Pensez-vous que Barack Obama peut avoir une influence décisive sur l’issue de ces négociations ?



Barack Obama, mais aussi les Européens, les Nations Unies…Nous sommes très nombreux ! Il y a aussi des acteurs arabes comme l’Egypte, qui n’ont aucun intérêt à ce que le processus de paix reste figé.



Sur le dossier Gilad Shalit, pensez vous que les tractations avec le Hamas puissent aboutir, ou ne devrait-on pas opter pour d’autres solutions (NDLR : Israël envisage le vote d’une loi durcissant les conditions de détentions des détenus palestiniens tant que Shalit est captif) ?



Ecoutez, je suis en contact avec Noam et Aviva Shalit ainsi qu’avec le négociateur israélien, et nous faisons confiance aux autorités israéliennes pour mener à bien ces discussions très difficiles. Oui, je veux croire que les discussions vont progresser et enfin être conclues. C’est notre rêve à tous. Ça suffit, cela fait bientôt quatre ans que Gilad Shalit est emprisonné. Quatre au cours desquels il n’a pas vu sa famille, ses amis, et c’est insupportable.



D’ailleurs le rapport Goldstone mentionne clairement que Gilad Shalit doit pouvoir communiquer avec l’extérieur au cours de sa détention ( "Gilad Shalit répond aux critères du statut de prisonnier de guerre fixé par la troisième Convention de Genève. A ce titre, il doit être protégé, traité humainement et doit pouvoir communiquer avec l’extérieur", chapitre 17 du rapport)



Bien sûr. Nous l’avons demandé à de très nombreuses reprises : avoir des preuves de vie, avoir un droit de visite, et plus que tout cela nous voulons qu’il soit libéré.



Concernant la menace nucléaire iranienne, est-ce que l’engagement de la France en faveur de sanctions est toujours aussi indéfectible ? Et quand ces sanctions pourront elles voir le jour ?



La France est toujours à l’avant-garde du combat, pour obtenir des sanctions fortes à New-York. Nous sommes actuellement en discussions avec les membres du Conseil de sécurité et nous espérons qu’elles aboutissent rapidement. En même temps, nous proposons toujours aux Iraniens une voie de sortie : nous leur avons fait une proposition au mois d’octobre, il est grand temps qu’ils y répondent. L’Iran doit comprendre qu’il est dans son intérêt d’opter pour les propositions que nous leur avons faites.



Comment la France et les autres puissances occidentales pourront convaincre la Chine de rejoindre la voie des sanctions ?



Regardez, maintenant la Chine négocie avec nous à New-York, donc je dois en conclure qu’elle a entendu le message que beaucoup lui ont porté, notamment le Président de la République Nicolas Sarkozy et d’autres. Il est dans son intérêt que la paix règne au Moyen-Orient, et que l’Iran ne devienne pas une puissance nucléaire militaire. Cela dit, nous répétons que notre but est que ces discussions se terminent rapidement pour adopter des sanctions fortes à New-York.



Photo (Christophe Bigot) : D.R.