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Publié le 8 Novembre 2010

Dépêche MEMRI : Le directeur d´Al-Arabiya : les chaînes satellitaires religieuses sont «trop dangereuses pour diffuser sans restriction»

Dans un article d´opinion intitulé "Interdire les chaînes satellitaires religieuses", paru le 10 octobre 2010 dans le quotidien londonien Al-Sharq Al-Awsat, le directeur de la chaîne télévisée Al-Arabiya, M. A bdel Rahman Al-Rashed, ancien rédacteur en chef du journal, évoque la prolifération des "chaînes de propagande religieuse" islamiques, les qualifiant de "trop dangereuses pour ne pas faire l´objet de restrictions".




Ci-dessous l´article, traduit de l´anglais : [1]
Voir la page web du MEMRI consacrée aux réformistes arabes et musulmans : http://www.memri.org/content/en/leading_arab_and_muslim_reformists?123.



"Les chaînes satellitaires religieuses se répandent dans la région arabe comme une traînée de poudre"



"Des plaintes ont déjà été déposées contre certaines chaînes satellites, des chaînes musicales notamment, sous prétexte qu´elles remplissaient l´esprit des jeunes de choses futiles, leur faisaient perdre leur temps et détournaient leur attention [des choses essentielles]. Toutefois, les plaintes déposées aujourd´hui concernent des chaînes qui remplissent l´esprit des jeunes de quelque chose de beaucoup plus toxique et mortel, les poussant dans la direction du djihad et des missions suicides. Aujourd´hui, la musique et le sport ne sont plus le centre d´attention ; ils ont fait place aux chaînes satellitaires à caractère religieux, lesquelles se répandent comme une traînée de poudre dans la région arabe."



"des fatwas ont été émises pour permettre que la zakat (…) participe au financement de projets de médias islamiques"



"Que s´est-il passé ? Comment l´espace [satellitaire] s´est-il soudainement ouvert à ces figures religieuses ? Les tribunes et les forums religieux ne leur suffisent plus. Elles cherchent désormais à atteindre des milliers, voire des millions de téléspectateurs chez eux. En outre, deux nouveaux problèmes sont apparus dans la région : tout d´abord, il existe à présent [un phénomène de] concurrence entre les stations satellitaires, qui cherchent à louer leurs fréquences à des prix bon marché, afin de financer le lancement de nouvelles stations satellitaires. Deuxièmement, des fatwas ont été émises pour permettre que la zakat et d´autres dons de bienfaisance, initialement prévus pour les pauvres et les nécessiteux, tels que les veuves et les orphelins, participent au financement de projets de médias islamiques.



Bien sûr, il s´agit là d´une exploitation de la religion, puisque le but est de recueillir des fonds à des fins politiques et personnelles. L´expression ´médias islamiques´ a une connotation politique, et l´argent récolté par ces stations satellitaires sert à financer des groupes politiques légaux aussi bien qu´illégaux. Ces fatwas sont un trésor pour les personnalités religieuses désireuses d´apparaître dans les médias et de construire leurs propres sociétés de propagande : elles leur permettant de diffuser leurs idées, et pas nécessairement avec l´assentiment des donateurs.



Ainsi, nous nous trouvons face à deux problèmes étroitement liés : d´abord, ceux qui louent les chaînes satellitaires ne se soucient pas des activités de leurs clients – de s´ils entendent faire la publicité d´escroqueries médicales mortelles ou encourager un sectarisme religieux capable de provoquer des conflits à grande échelle dans notre région. Les propriétaires de stations satellitaires ne pensent qu´à gagner un demi-million de dollars par an et par chaîne.



Deuxièmement, ils lèvent des fonds au moyen de dons de bienfaisance et de la zakat pour obtenir de l´espace sur les fréquences de télévision et pour construire des studios. Au lieu d´utiliser ces fonds pour venir en aide aux orphelins et aux pauvres, ils dépensent les sommes [récoltées] dans les salaires et le maquillage des présentateurs télé et des invités. Leur but est de susciter des conflits communautaires ou de diffuser des appels djihadistes, et de recueillir encore plus d´argent au moyen de dons par téléphone, prétendument à destination des musulmans dans le besoin."



"Ces gens ne se contentent pas d´endoctriner les jeunes et de les envoyer à la guerre (…) : ils cherchent à recueillir autant d´argent que possible, y compris l´argent de la charité"



"Ces gens ne se contentent pas d´endoctriner les jeunes et de les envoyer à la guerre ou conduire des voitures bourrées d´explosifs ; ils ont franchi une étape supplémentaire : ils cherchent à recueillir autant d´argent que possible, y compris l´argent de la charité ou de la zakat, et les gouvernements font très peu pour les en empêcher. Ce "très peu" inclut la décision du gouvernement égyptien d´interdire de diffusion deux chaînes salafistes, lesquelles se consacraient à la provocation chiite. Il existe toutefois des dizaines d´autres chaînes dirigées par des extrémistes chiites et sunnites, qui se provoquent et s´offensent mutuellement, tandis que d´autres chaînes ont pour seule vocation d´accroître la douleur et la dépression de leurs téléspectateurs."



"Ces chaînes de propagande religieuse sont trop dangereuses pour ne pas faire l´objet de restrictions"



"Ces chaînes de propagande religieuse sont trop dangereuses pour ne pas faire l´objet de restrictions, vu qu´elles abusent de leur espace satellitaire et des dons de bienfaisance. Mais comment les contrôler dans un contexte aussi complexe ? En tant que membres des médias, nous sommes inquiets, mais nous n´osons pas réclamer de les faire interdire. Nous sommes en effet conscients du fait qu´une interdiction pourrait être exploitée et que d´autres stations pourraient être suspendues du simple fait qu´elles ne correspondent pas aux opinions politiques, sportives ou personnelles des responsables.



Dans le même temps, comment pouvons-nous laisser des groupes extrémistes exploiter le chaos satellitaire en incitant à la haine, au meurtre et aux luttes de factions, que ce soit contre les sunnites, les chiites ou les chrétiens ?



La responsabilité [d´une décision] incombe en premier lieu aux propriétaires de ces stations satellitaires, et non aux propriétaires des émissions ou aux employés des ministères de l´Information."



Note



[1] Aawsat.com/anglais, 18 octobre 2010. Les titres ont été ajoutés par le MEMRI.



Pour adresser un email au MEMRI ou faire une donation, écrire à : memri@memrieurope.org.



Pour consulter l´intégralité des dépêches de MEMRI en français et les archives, libres d´accès, visiter le site www.memri.org/french.



Photo : D.R.