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Publié le 16 Juin 2008

Encel à la carte

Question : Vient de sortir en librairie votre « Atlas géopolitique d’Israël. Aspects d’une démocratie en guerre », avec cartes et infographies de Alexandre Nicolas (collection Atlas Monde, 80 pages, 15 euros, Edition Autrement). S’agit-il d’ailleurs d’un livre ou d’un atlas géopolitique ? Et qu’est ce qu’un atlas géopolitique ?


Frédéric Encel : Oui et non ! Certes il s'agit d'Israël comme les titre et sous-titre l'indiquent, mais pour la première fois en français sous la forme de cartes. 50 cartes en couleur, la plupart en relief, pour comprendre les enjeux géographiques, démographiques ou encore stratégiques de l'Etat juif. J'ai voulu cet atlas comme un outil de précision ; cette fois, le texte n'est que le support de cartes et autres tableaux et schémas, et non le contraire. Or plus les conflits sont nombreux et les territoires exigus, plus il est indispensable de les illustrer par des cartes. Lorsque je dis à mes étudiants de Sciences-Po que la largeur minimale d'Israël est de 14 kilomètres, ils ne réagissent pas ; mais quand j'ajoute que cela correspond à sept fois les Champs-Elysées, ils arrêtent d'écrire et lèvent la tête...
Question : Vous explorez dans cet atlas la stratégie et la politique de défense et de sécurité d’Israël, avec des cartes des attentats ou des implantations juives, également. De quoi s’agit-il ?
Frédéric Encel : Il s'agit par exemple de montrer concrètement où se sont situés les principaux attentats, et de mettre cette réalité en rapport avec l'érection de la barrière de séparation. Là, la raison de la chute du nombre d'attentats de type "kamikaze" s'évalue immédiatement. De même, la radiographie d'une implantation emblématique, Ariel, me semblait novateur et intéressant. J'ai tenu aussi à montrer les points névralgiques de la sécurité d'Israël, les principales sources d'eau (Golan notamment), ou encore le rayon d'action des missiles iraniens dans la région...
Question : On peut également visionner la géographie complexe des communautés et minorités de l’Etat. Que découvre-t-on ? Ces communautés se croisent et se côtoient, ou s’ignore les unes et les autres ?
Frédéric Encel : Il était très important de ne pas de borner aux frontières du pays, mais d'illustrer aussi les clivages internes. J'ai ainsi tenté de montrer sur une double carte la différence abyssale entre deux communautés importantes, les russophones et les haredim (ultra-orthodoxes). Dire qu'ils vivent - et se comportent a tout point de vue - de façon radicalement opposée, apparaît comme un doux euphémisme lorsqu'on regarde la carte ! Une autre illustration en couleur indique les fortes densités juives et arabes sur l'ensemble du bloc Israël/Territoires ; on y constate qu'en Galilée, par exemple, le secteur arabe est très partagé entre musulmans, chrétiens et druzes. C'est presque une photographie aérienne ! Idem pour la géographie électorale et les bastions de gauche, de droite, ou encore religieux...
Question : Dans le monde, Israël est si petit en superficie, qu’on a du mal à le voir dans un planisphère. Comment expliquez-vous alors qu’un si petit pays -grand comme deux départements français- fascine autant ?
Frédéric Encel : Vaste question ! Il y a tout à la fois ; du fantasmatique, du théologique, de politique et de l'idéologique. Et je vous fais grâce de considérations manifestement psychopathologiques chez certains contempteurs d'Israël... En tout cas, les superficies et démographies lilliputiennes du pays n'y sont pour rien. Bien des gens sont fascinés par les géants américain ou chinois, vous savez. Mais rarissimes en effet sont les Etats aussi surmédiatisés et sous analysés... Du reste, pardonnez-moi d'y revenir, mais le fait qu'il n'existait à ce jour aucun atlas géopolitique d'Israël confirme bien cette réalité navrante : beaucoup de commentaires de café du commerce, de lieux communs et de jugements hâtifs, bien peu d'analyses approfondies...
Question : Israël et l’Iran, dans une carte de géographie ou à vol d’oiseau, c’est à côté. L’Iran : un danger existentiel pour Israël ?
Frédéric Encel : Si le régime iranien actuel devait se doter de l'arme nucléaire - sachant qu'il dispose déjà des vecteurs pour l’emporter- la réponse serait positive. Oui, il planerait alors sur Israël (et sur d'autres Etats du Moyen-Orient) une menace non plus tactique ou stratégique, mais bien de type existentiel. Mais pour l'heure, la menace iranienne n'est "que" tactique via son bras armé au Liban, le Hezbollah. Dans mon atlas, j'ai fait figurer deux cartes du Liban dont l'une en grand format afin que l'on comprenne bien cette réalité. Mais permettez-moi d'ajouter d'un mot que l'une de celles qui m'importe le plus dans cet atlas, c'est cette carte des lieux de mémoire : Vielle ville de Jérusalem, Yad Vashem, Golan, Sdé Boker ou encore Tel Haï, on y retrouve toute la symbiose et la complexité d'Israël, du sionisme et peut-être du peuple juif dans son entier...
Propos recueillis par Marc Knobel