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Publié le 30 Avril 2010

Iran : la Toile de la révolte

Le 12 juin 2009, les Iraniens se sont rendus aux urnes à l'occasion de la dixième élection présidentielle. Il n'a pas fallu un jour à l'agence de presse de la République islamique (Irna) pour annoncer que Mahmoud Ahmadinejad était réélu avec 62,6% des suffrages. Quelques minutes après l'annonce de ces résultats, les internautes iraniens se sont mis à twitter pour exprimer leur indignation sur les fraudes et à se donner rendez- vous au QG électoral de Mir Hossein Mousavi, le principal opposant au président Ahmadinejad, à Téhéran. Et des manifestations ont immédiatement éclaté dans les rues de la capitale, ainsi que dans d'autres grandes villes du pays.




YouTube ou Facebook



A cause de la censure, il est vite apparu que le journalisme traditionnel n'avait pas les moyens de relater la réalité de la contestation. L'arrestation de plusieurs journalistes iraniens indépendants et l'interdiction faite aux correspondants étrangers de couvrir les manifestations ont incité les Iraniens à se tourner vers les nouvelles technologies pour s'informer et informer le reste du monde. Pour preuve : les premières images des rassemblements et des heurts avec les forces de l'ordre ont toutes été filmées à partir de caméras de téléphones portables et affichées sur YouTube ou Facebook plusieurs heures avant que les principaux médias ne commencent à les retransmettre. Et si les images de la mort de Neda, la jeune manifestante de 27 ans tuée par les forces bassidji, ont fait le tour du monde, c'est via internet.



Avant même l'élection présidentielle, les partisans de Mir Hossein Mousavi, dont la campagne politique et les messages n'étaient guère relayés par les médias officiels, ont vu dans les réseaux sociaux un moyen de mobiliser les électeurs et de promouvoir les idées de leur candidat. En Iran, internet s'est révélé particulièrement efficace non seulement à l'intérieur mais également à l'extérieur du pays : les tweets, les posts et les images en ligne ont attiré l'attention du monde entier. Et les grands médias comme la BBC ou CNN n'ont eu d'autre choix que d'utiliser comme sources d'information ces vidéos et ces messages anonymes, principaux témoignages de la crise.



Mais le pouvoir iranien s'est efforcé d'isoler le Net et d'en verrouiller l'accès. A l'approche des manifestations, la connexion était fortement ralentie et le bouton « envoyer » de Gmail, la messagerie de Google, ne répondait plus. L'Iranian Cyber Army, groupe de hackers à la solde du régime, a attaqué des dizaines de sites, redirigeant les internautes sur les pages officielles du gouvernement.



Révolution « en 140 caractères »



Les réseaux sociaux ne sont cependant pas à l'abri des erreurs, des exagérations et des manipulations. Si la rigueur du journaliste exige de vérifier si ce qui apparaît dans une vidéo s'est véritablement produit, dans le cas de Twitter, cela impliquerait de passer des heures à rechercher dans une multitude de tweets si les informations se recoupent. Il y a pourtant une méthode : en suivant les tweets d'une personne pendant un certain temps, on finit par voir s'il s'agit d'une source fiable ou non, et on peut juger plus rapidement de la qualité des contenus qu'elle diffuse.



Sans avoir la naïveté de penser que la «révolution Twitter» ou toute autre forme de révolution « en 140 caractères » puisse un jour entraîner la chute de la dictature, de nombreuses personnes, en Iran comme à l'étranger, ont été touchées par ce qu'elles ont vu sur le Web et se sont senties solidaires. A l'image de cette initiative de blogueurs chinois qui sont montés au créneau en créant une plate-forme dédiée à leur soutien de la cause iranienne (www.cn4iran.org).



Farnaz Seifi (article publié dans le Nouvel Observateur du 29 avril 2010)



Photo : D.R.