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Publié le 28 Avril 2008

Jo Wajsblat, un combattant

Au moment de sa libération, Jo fait la connaissance d’un soldat juif américain, Harry Jelinowicz. « Il parlait couramment yiddish comme moi et m’a demandé quels étaient mes projets. Si je comptais repartir en Pologne », se souvient Jo. Le soldat lui propose de venir en Amérique. Pour cela, il faut d’abord passer par la France. Arrivé à Paris, il est amené au Carreau du Temple. Jo a 16 ans. Il ne parle que yiddish. Il est orphelin. Il porte encore son pyjama de prisonnier, qu’il a gardé jusqu’à présent. « Il y a eu un attroupement autour de moi. Une femme s’est approchée et m’a demandé si j’avais déjà mangé. Elle m’a invité chez elle. Je me suis mis à table avec toute la famille. Il y avait très longtemps que je n’avais pas assisté à un vrai repas familial. Je ne savais plus ce que c’était. Je mangeais très vite en plus. Elle m’a ensuite demandé quels étaient mes projets. Elle m’a invité à rester dans sa famille jusqu’à mon départ pour les Etats-Unis. » Il s’agit de la famille Kaluszynski. Nathan et Guitele l’adopteront.


Jo reste sur Paris pour obtenir les papiers afin de partir en Amérique. Le jour de sa convocation à l’ambassade américaine pour aller chercher son visa, il tombe sur un journal yiddish, Unzer Wort, qui annonce que la guerre a éclaté en Israël. « Alors je me suis dit : « qu’est-ce que je vais aller en Amérique maintenant ? ». Je suis parti au 83, avenue de la Grande Armée, qui était le siège de l’Agence juive, [NDLR : qui allait devenir la représentation officielle de l'Etat d'Israël après la proclamation de son indépendance.] . Au fond de la cour, une maison en bois, dernier étage. Je suis parti pour m’engager. »
Jo fait partie des 630 Français volontaires (Mahal), juifs et non juifs, à s’être engagés pour aider le nouvel Etat pour sa survie. Pour lui, Israël représentait tout et il était naturel d’aller se battre aux côtés de ses frères. « Si on avait eu Israël à l’époque, pendant la guerre, il n’y aurait pas eu cette horreur par laquelle on est passé. Ni les chambres à gaz, ni les fours crématoires. Il n’y aurait pas eu tout ça. Israël comptait beaucoup pour nous. Si on relève la tête aujourd’hui, c’est grâce à Israël. »
Il reçoit une formation au camp d’Arenas, près de Marseille, par des instructeurs de la Haganah. « Pendant une quinzaine de jours dans un camp, on nous a enseigné l’hébreu et formés de manière intensive au maniement des armes. La nuit nous avions des entrainements pour apprendre à ne pas faire de bruit, ne pas se faire remarquer. Un jour, on nous a avertis que nous partions. Au port, il y avait un pétrolier italien qui s’appelait Fabio. Le voyage a duré onze jours car le bateau est tombé en panne plusieurs fois. Enfin, on est arrivé dans le port de Haïfa. »
« On nous a emmenés dans le camp d’Atlit, près de Haïfa, où l’on nous a donnés un uniforme militaire. Ils m’ont donné mon numéro. 93205 (il, le cite par cœur en hébreu). On a intégré le Palmach, une unité de combat. » L'activité principale du Palmach tient dans la lutte pour la prise de contrôle des routes, dans la protection des convois juifs, dans les assauts contre les bandes armées arabes et dans la prise des positions ennemies.
« L’ambiance était extraordinaire. N’importe où, on se tenait main dans la main. L’un aidait l’autre c’était incroyable », se souvient-il.
Ben Gourion, le Premier ministre d'alors, avait comme priorité de défendre Jérusalem et garantir la liaison avec Tel-Aviv. « Nous avions comme mission d’ouvrir la nouvelle route de Jérusalem, ‘la route de Birmanie’. La ville, à l’époque, était bloquée. Il s’agissait d’une nouvelle route pour rejoindre Jérusalem », explique Jo. Il s’agissait de remettre en usage une piste de caravanes abandonnée passant plus au sud. L’opération commence à la fin du mois de mai 1948. La brigade Harel, une des trois brigades du Palmach, est une des plus importantes. Jo fait partie du 6e bataillon.
Avec ses compagnons, Jo est transporté jusqu’au Kibboutz Hulda. Ils ont pour mission de précéder les bulldozers qui vont rendre la piste accessible aux engins blindés. La zone est tenue par la Légion arabe de Transjordanie. Les volontaires encadrent les bulldozers et progressent lentement dans la poussière des explosions. Les tirs sont de plus en plus fréquents. Jo est touché. « J’ai ressenti une violente douleur au ventre. Avant de tomber, j’ai eu le temps d’appeler un camarade. » Son état est jugé inquiétant. Il est transporté à l’hôpital militaire. A la fin de sa convalescence, il rejoint son unité près de Kastel. Pendant un engagement, une balle traverse son casque. Venant de loin, elle a perdu une grande partie de sa force d’impact. Jo ne ressent qu’une sensation de piqûre. Il est de nouveau transféré à l’hôpital d’Abou Gosh. « Il y a eu de nombreux blessés. Dans le cimetière du kibboutz Kiriat Anavim sont enterrés des copains morts au combat. »
Au bout d’une semaine, il rejoint son unité. La Route de Birmanie atteint Jérusalem. La liaison Tel-Aviv-Jérusalem est rétablie.
Son unité doit maintenant ouvrir la route vers le Néguev où les combats contre l’armée égyptienne font rage. Lorsque les forces égyptiennes sont repoussées, le bataillon de Jo doit surveiller cette zone, le long de la frontière. En février 1949, l’armistice est signé avec l’Egypte. L’unité de Jo doit rejoindre le golfe d’Akaba à l’extrême sud du pays puis efectuer des patrouilles dans le Néguev.
Au printemps, Ben Gourion dissout le Palmach dont les combattants sont répartis dans différentes unités de Tsahal. Jo est affecté à la brigade Golani, section des mortiers lourds. « Je suis resté presque deux ans en Israël jusqu’à ma démobilisation. Je suis ensuite revenu en France. J’étais resté en contact avec l’Américain qui m’a libéré. Il devait me procurer des papiers pour partir en Amérique. Mais ensuite j’ai rencontré ma femme… »
Aujourd’hui, Israël va fêter ses 60 ans. Mais depuis sa création en 1948, ce petit Etat est la cible d’attaques et d’attentats multiples contre sa population et de menaces continuelles contre son existence. Pour Jo, « il ne faut pas fermer les yeux. Il faut anticiper ce qui peut arriver plus tard. Il ne faut rien laisser passer et être très vigilant ».
Propos recueillis par Stéphanie Lebaz
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