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Publié le 13 Avril 2011

La violence antisémite pour l’année 2010, selon la CNCDH, par Marc Knobel

L'année 2010 a été marquée par une "forte baisse" (-43%) des violences et menaces à caractère antisémite, après leur très nette augmentation en 2009 liée à "l’offensive israélienne sur la bande de Gaza". Ainsi, 131 actes et 335 menaces antisémites ont été enregistrés l'an dernier, contre un total de 815 en 2009.



Selon la CNCDH, Les 131 actions antisémites recensées au cours de l’année écoulée : 83 faits pour le premier semestre et 48 pour le deuxième semestre, traduisent une baisse sensible (– 24 %) par rapport à l’année 2009 (172 actions enregistrées).



Typologie des actions violentes



Sur les 131 actions violentes enregistrées au cours de l’année, 57 (43,5 %) correspondent à des atteintes aux personnes. Parmi les victimes, 23 mineurs ont été pris pour cible et 23 personnes ont subi des blessures ayant entraîné une ITT. Le reliquat concerne des atteintes aux biens et se répartit en 66 dégradations (50,4 %) visant majoritairement des biens privés (domiciles et véhicules), et 8 incendies (6,1 %). 28 atteintes visant des synagogues ont également été recensées et 10 actions visant des cimetières israélites ou des lieux de souvenir ont été enregistrées, annonce la CNCDH.



En 2010, sur l’ensemble des actions violentes rappelle la CNCDH, 31 sont imputables à des auteurs d’origine arabo-musulmane et 20 font référence à l’idéologie néo-nazie (essentiellement des croix gammées). Les enquêtes diligentées par les services de police et de gendarmerie saisis de ces faits ont permis l’interpellation de 39 personnes parmi lesquelles 12 mineurs.



Répartition géographique des actions violentes :



Sur les 131 actions violentes recensées, 61 (soit 46,5 %) ont été commises en Île-de-France. Viennent ensuite, loin derrière, les régions Provence–Alpes–Côte d’Azur (16 %), Rhône-Alpes (12,2 %) et Alsace (6,9 %), rapporte la CNCDH.



Quelques affaires significatives



Le 27 janvier 2010, dans le cimetière juif situé dans le quartier de Cronenbourg (Bas-Rhin), 18 stèles d’un carré israélite ont été souillés avec des croix gammées de grande taille, et la mention « Juden Raus » a été relevée sur l’une d’entre elles. En outre, 13 autres ont été renversées dans un second carré de même confession.



Le 11 février 2010, à Paris (18e), la victime, coiffée d’une kippa, a été abordée par sept individus. Alors que deux d’entre eux la maintenait, un troisième agresseur la frappait avec un poing américain. Les auteurs ont quitté les lieux en proférant une insulte antisémite : « sale juif ».



Le 18 février 2010, une cinquantaine de tombes ont été taguées dans le cimetière d’Oxelaere (Nord), par des croix gammées inversées et des graffitis divers. Des locaux administratifs situés près du cimetière, des panneaux de signalisation et un vieux fourgon ont également été tagués. Le 6 mars 2010, à Mougins (Alpes-Maritimes), de retour après un week-end, une famille juive a découvert sa maison saccagée et des objets volés. Sur les murs intérieurs et extérieurs, des inscriptions antisémites « morts aux juifs, on aura ta peau », ainsi que des croix gammées ont été relevées.



Le 23 mars 2010, à Paris (19e), un adolescent de 13 ans, de confession juive, a été insulté « viens sale juif » et frappé par une bande d’adolescents, âgés de 12 à 15 ans. Des coups de poing et de pied lui ont été portés (plusieurs bosses sur la tête, des hématomes sur tout le corps et une ITT de trois jours a été délivrée). Les auteurs étaient armés d’une clé anglaise et d’un marteau.



Le 16 avril 2010, à Erstein (Bas-Rhin), des inscriptions à caractère néo-nazi ont été découvertes sur la porte d’entrée et sur le mur de la synagogue : « Heil Hitler », « H. Hitler », « Sieg Heil », ainsi que deux croix gammées et une croix celtique.



Le 30 avril 2010, à Strasbourg (Bas-Rhin), un homme d’une quarantaine d’années portant une kippa a été violemment agressé en descendant du tramway par deux individus. Des coups à l’aide d’un couteau et d’une barre de fer lui ont été portés (points de suture à l’épaule, hématomes au visage et sur le corps). Deux auteurs ont été interpellés.



Le 2 mai 2010, à Paris (6e), deux jeunes juifs ont été agressés dans la rue par quatre individus au motif qu’ils chantaient en hébreu. L’un des agresseurs a tenu les propos suivants : « J’emmerde Israël et j’emmerde les Israéliens ». Ils les ont ensuite frappé violemment au visage et mis à terre. Un ami venu à leur secours a été également agressé par le groupe. Quatre auteurs ont été interpellés.



Le 6 juin 2010, à Argenteuil (Val d’Oise), un homme de 44 ans de confession juive a été agressé dans le RER par un individu demandant à chaque passager s’il était juif. Il a subi des insultes antisémites « j’aime pas les juifs et je vais te taper » « t’as vu ce que tes cousins ont fait à Gaza ». La victime a reçu 2 coups de poing à la tempe. L’auteur a été interpellé.



Le 22 juillet 2010, à Melun (Seine-et-Marne), découverte, sur le portail et sur une partie du mur d’enceinte de la synagogue, de sept croix gammées et de nombreuses inscriptions à caractère antisémite, faisant référence au régime nazi : « enfer sur terre, c’est les youpins – juifs = sida dehors – mort aux juifs du monde = dehors – Hitler reviens… ».



Comparaison avec l’année 2009



En 2008 et en 2009, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a exprimé son inquiétude face à la montée des manifestations racistes et xénophobes en France et en particulier des violences et menaces à caractère antisémite. En 2009, ce phénomène a connu une recrudescence inquiétante lors des premiers mois de l’année 2009. Ce revirement de tendance -confirmée tout au long de l’année écoulée- avait été attribué principalement (mais pas exclusivement) aux réactions suscitées par les événements au Proche-Orient, qui ont entraîné une augmentation considérable du nombre d’actes antisémites.



Avec 172 actions antisémites et 643 menaces enregistrées au cours de l’année 2009, soit un volume global de 815 faits, la violence à caractère antisémite avait enregistré une forte hausse (77,5%) par rapport à l’année 2008 (459 faits) et ce, particulièrement dans des expressions de moindre gravité (menaces et actes d’intimidation).



172 actions antisémites avaient été recensées (au cours de l’année 2009) réparties de la façon suivante : 114 faits pour le premier semestre et 58 pour le second semestre, soit une baisse significative lors de ce semestre. Le pic des violences a été relevé principalement au mois de janvier 2009 (58 actions, soit plus d’un tiers du nombre annuel), mois au cours duquel un nouveau conflit israélo-palestinien s’est déclaré dans la bande de Gaza, avait relevé la CNCDH.



Sur les 172 actions violentes enregistrées au cours de l’année 2009, 78 (soit 45%) ont correspondu à des atteintes aux personnes. Parmi les victimes, 15 mineurs avaient été pris pour cible et 11 personnes avaient subi des blessures ayant entraîné une ITT. Le reliquat concernait des atteintes aux biens et se répartit en 79 dégradations (46%) visant majoritairement des biens privés et 15 incendies (9%). Ont été également recensés 30 atteintes à des lieux de culte (dont 18 uniquement pour le mois de janvier 2009)



Nous formulerons à cet égard d’autres hypothèses :



- La survivance d’un racisme structurel qui s’entend comme étant fortement ancré dans nos sociétés et que nous qualifierons volontiers de préjugés et/ou de stéréotypes. Typiquement, cette forme de racisme conduit à admettre que certaines ethnies ou religions (dont les Juifs) présentent des caractéristiques qui leur sont communes. Ce racisme et cet antisémitisme structurels sont par exemple bien présents sur l’Internet et ils s’expriment au travers de sites ouvertement racistes et antisémites dont l’objet est de propager ces stéréotypes.



- Nous avons constaté par ailleurs que l’on retrouve ce type de contenus dans des espaces de discussion très ouverts (forums sur l’Internet), rassemblant des populations hétérogènes sur des sujets variés au sein desquels chacun s’exprime sans la moindre contrainte, ni sanction. Ce racisme « ordinaire » s’appuie sur un sentiment d’impunité et il peut être alimenté par des considérations d’exclusion et/ou de difficultés sociales.



Photo : D.R.