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Publié le 19 Octobre 2010

Le silence de l'ONU face au président iranien

Bonne nouvelle : Téhéran a dit oui à la proposition de l'Union européenne de renouer le dialogue sur le programme nucléaire iranien. Les conversations pourraient reprendre à la mi-novembre, à Vienne, au siège de l'Agence internationale pour l'énergie atomique. Faut-il, pour autant, baisser la garde vis-à-vis du régime iranien ? Non. Pour deux raisons.




D'une part, la décision de l'Iran, annoncée vendredi 15 octobre, est le signe que les pressions sur Téhéran ne sont pas sans effet. Votées il y a cinq mois, les sanctions économiques de l'ONU - qui soupçonne Téhéran de développer clandestinement une arme atomique - déstabilisent les dirigeants iraniens beaucoup plus qu'ils ne veulent bien le dire.



Mais il n'y a pas que cela. Moins que jamais, la République islamique se comporte comme un Etat parmi les autres. Le président Mahmoud Ahmadinejad en a encore donné l'exemple la semaine dernière au Liban. Il est allé au sud de ce pays pour lancer ses invectives habituelles contre Israël. Dans la localité de Bint Jbeil, il a prôné "l'éradication (ou "la disparition", selon les traductions) des sionistes". Il a jugé que cela ne devrait pas prendre trop de temps, puisque "Israël est aussi fragile qu'une toile d'araignée".



Imaginons, un instant, qu'un autre président en activité, quelque part dans le monde, aille à la frontière d'un Etat étranger avec lequel il a un différend, même substantiel, et appelle publiquement à la disparition de cet Etat. Pas d'un gouvernement, d'un Etat ! Tollé sur la scène internationale, à coup sûr ; saisie du Conseil de sécurité de l'ONU, vraisemblablement. Là, rien. Silence. Pas de réaction du secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, ni du Conseil de sécurité. Parce qu'il s'agit d'Israël ?



Il y a un minimum de règles entre membres des Nations unies, la seule assemblée à incarner la légitimité internationale. On se fait la guerre. On s'en prend à des régimes. On dénonce des idéologies. On attaque des systèmes. On s'invective. Durant toute la guerre froide, les deux protagonistes, Américains et Soviétiques, ont pu dire pis que pendre l'un de l'autre. Mais ils n'ont pas préconisé les uns la disparition de l'URSS et de ses satellites, les autres celle des Etats-Unis et de leurs alliés. Dans le club des Nations unies, la règle minimale, même entre ennemis, est de ne pas appeler à la mort d'un des membres !



On peut comprendre la colère des habitants du sud du Liban…. Mais ce n'est pas cela que dit M. Ahmadinejad. Lui, chef d'Etat reçu à l'ONU il y a encore trois semaines, déclare vouloir la fin d'un autre Etat membre des Nations unies. Ses propos participent d'une campagne de délégitimation d'Israël d'où ne sortira rien de bon, sinon davantage de crispation nationaliste à Jérusalem, ce dont personne n'a vraiment besoin en ce moment. Le Conseil de sécurité aurait dû voter une résolution contre le discours du président iranien.



Article publié dans l’édition du Monde du 19 octobre 2010.



Photo : D.R.