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Publié le 26 Novembre 2007

Levy : La Lybie est une marâtre qui a trahi tous mes rêves d'enfance

Natif de Libye, Eddy Lévy sera l’un des intervenants de la manifestation organisée conjointement par le CRIF et le Centre Rachi d’Art et de Culture consacrée aux Juifs de Libye : « Il était une fois…Les Juifs de Libye», qui se déroulera le 5 décembre 2007 à 20h30 au Centre Rachi. Il répond à nos questions.


Pour vous, c’est quoi la Libye ?
La Libye, je pourrais la comparer à une marâtre qui a trahi tous mes rêves d'enfance et disloqué tous mes liens affectifs. Autrement dit, la Libye, pays que je percevais comme une mère, ne m'a pas rendu l'affection filiale que je lui portais (et que les miens m'ont transmis).
Pourquoi, selon vous, les Juifs de Libye ont-ils choisi l’exil ?
Je répondrais par trois dates :
Après les blessures de la 2ème Guerre Mondiale, (et hélas les deux pogroms de 1945 et 1948) la Libye accéda à l’Indépendance en 1951. Les Juifs libyens misèrent beaucoup sur cet évènement censé ouvrir une ère nouvelle de paix et de prospérité pour tous.
C’était sans compter sur l’influence subversive de la propagande nassérienne et la radicalisation du conflit israélo-arabe avec les deux guerres de 1956 et 1967.
Des restrictions commerciales progressives furent appliquées après l’exclusion des Juifs de la vie politique, à la suite de l’adhésion de la Libye à la Ligue Arabe (1953).
Des mesures vexatoires empêchaient déjà le départ de tous les membres d’une même famille, le boycott d’Israël envenimait les transactions commerciales et pénalisait sévèrement les importations avec une rigueur tatillonne. A tout cela se rajoutait le non-respect de la promesse de livraison d’un passeport, remplacé d’office par un document provisoire valable pour un seul voyage, le Travel Document. Une situation absurde caractérisée par un recours à des intimidations systématiques au quotidien, pour aboutir, last but not least, à l’abolition du Conseil de la Communauté et à sa substitution par un Commissaire Extraordinaire du Gouvernement musulman en 1958. Ces mesures vexatoires étaient une « invitation » implicite au départ des Juifs de leur pays. Ensuite, la « nationalisation » (en fait la spoliation) des biens juifs, après le coup d’Etat du colonel Khadafi, fût le coup de grâce qui mettait fin à une présence juive vieille de 25 siècles.
Pourquoi, pour qui, maintenir vivace le souvenir d’une communauté juive millénaire qui a compté jusqu’à quarante mille personnes et dont il ne reste pratiquement plus personne ?
En effet il ne reste plus aucun Juif en Libye. De plus, nos parents ont connu le comble du déchirement, avec pour ainsi dire l’obligation du « deuil accéléré », à la suite de la destruction du cimetière juif de Tripoli. Successivement, des synagogues ont été transformées en mosquées. Maintenir vivace le souvenir, oui, dans une optique ouverte sur le futur, d’une part, pour pouvoir léguer aux prochaines générations le témoignage de nôtre présence et de nos origines. D’autre part, c’est pour mieux comprendre à travers ce témoignage, la richesse et la complexité de la grande mosaïque, ce qu’a été la présence historique juive dans le pourtour méditerranéen.
Propos recueillis par Jean-Pierre Allali
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