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Publié le 4 Octobre 2010

Marc Trévidic, chargé du dossier de l’attentat de la rue Copernic depuis 2007 : «La France n’oublie jamais»

Pourquoi l’enquête sur l’attentat de la rue Copernic dure-t-elle depuis trente ans?




D’abord, la procédure est partie sur une mauvaise piste, celle de l’extrême droite, ce qui a fait perdre beaucoup de temps et d’énergie, avec un grand nombre de gardes à vue. A l’époque, certains politiques ont pris leurs désirs pour des réalités, alors que le patron de la brigade criminelle, le commissaire Leclerc, avait déjà une vision assez claire du dossier et se posait la question de la piste palestinienne. En outre, il n’a jamais été très porteur, en France, de monter un dossier sur une piste palestinienne. C’est le domaine de la politique et du renseignement, mais la justice n’y met pas souvent les pieds. Par la suite, il y avait tellement de dossiers de terrorisme que celui-là ne devait pas être prioritaire. Si la DST avait fait pression sur le juge Bruguière à l’époque, je ne sais pas ce qu’il aurait décidé. Ce que je sais, en revanche, c’est que la DST, devenue DCRI, et la brigade criminelle travaillent bien sur ce dossier aujourd’hui. Quand on est, comme eux, le nez dans le guidon sur des menaces prégnantes, il faut que le juge d’instruction donne l’impulsion et que la mayonnaise prenne…



Mais comment expliquer que le principal suspect ne soit identifié qu’en 1999?



Avec le temps, les services de renseignement ont eu accès à des sources et à des documents. Le juge Bruguière avait gardé le dossier ouvert, ce qui lui a permis de vivre jusqu’à aujourd’hui, même si ce n’était pas forcément une priorité. L’enquête a beaucoup avancé. Il faut lutter contre l’idée que l’on n’arrivera à rien dans les vieux dossiers de terrorisme, c’est le contraire. On peut faire de celui-ci un emblème, montrer que la France ne lâche pas, que l’on n’oublie jamais un attentat à Paris.



Un suspect, Hassan Diab, est réclamé au Canada par la France depuis deux ans.



Les choses avancent. J’ai rédigé une demande d’extradition de cent pages, un mandat d’arrêt a été exécuté en novembre 2008, mais c’est la procédure canadienne qui s’applique. Elle est très différente de la nôtre, et elle offre de nombreux recours aux personnes soupçonnées d’actes terroristes. Diab est défendu par de gros cabinets d’avocats qui s’opposent à son extradition – ils ont même engagé une action pour abus de procédure, qui a échoué. Ils contestent également la transmission de scellés à la France, mais on a tout de même obtenu récemment les disques durs de Diab. Ils payent également des cabinets privés pour contester une expertise graphologique. Mais nous avons de plus en plus d’éléments sur lui et sur d’autres membres du FPLP-OS, un mouvement qu’il prétend ne pas connaître alors que plusieurs de ses proches déclarent le contraire. Ce qu’on demande, c’est de pouvoir le mettre en examen et l’interroger. Mais l’enquête française n’entend pas se contenter du seul Hassan Diab, le commando comptait une demi-douzaine de personnes à Paris.



Propos recueillis par Michel Deléan - Le Journal du Dimanche du 3 Octobre 2010



Photo (Marc Trévidic) : D.R.