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Publié le 2 Novembre 2004

Marcel Amsallem, président du CRIF Rhône-Alpes : Les dernières déclarations de Bruno Gollnisch sont consternantes et inqualifiables

Question : Vous êtes un homme d'ouverture et de dialogue. Pour vous, rencontrer des gens et dialoguer avec eux, c’est important ?



Réponse : Ma longue expérience communautaire m'a montré que tout passe par le
dialogue. Cependant, en tant que Président du CRIF Rhône-Alpes, j'ai bien
conscience qu'il faut savoir rester vigilant vis-à-vis de certains
interlocuteurs. Par principe, je ne discuterai pas avec des mouvances
antisémites, anti-démocratiques et anti-républicaines. Je fais bien
évidemment allusion à l'extrême droite, à l'ultra gauche et aux franges
extrémistes de l'Islam.

Question: Quel sens donnez-vous à votre mission ?

Réponse :
Je m'attache à consolider et développer l'institution qu'est le CRIF
Rhône-Alpes et à approfondir les relations avec les responsables des
pouvoirs publics déjà tissées par mon prédécesseur Alain Jakubowicz.

Mais le sens de ma mission est surtout de servir efficacement notre
communauté comme je le fais depuis de nombreuses années. Je m'inscris donc
dans une continuité. J’ai cependant bien conscience que cette mission au
sein du CRIF Rhône-Alpes est beaucoup plus difficile. Il faut convaincre
sans cesse les représentants des pouvoirs publics rhônalpins ainsi que
l'opinion du bien-fondé de nos positions et de la réalité des problèmes que
rencontre aujourd'hui la communauté juive. La lutte contre l'antisémitisme
tient hélas, une très large place dans nos préoccupations qui concernent
pourtant l'ensemble de nos concitoyens. L'antisémitisme et l'apathie du plus
grand nombre constituent ainsi probablement le symptôme le plus révélateur
d'un malaise très profond dont est victime l'ensemble de la société
française. J'ai donc la conviction qu'il faut s'attacher prioritairement à
améliorer la condition des Français juifs et qu'en travaillant dans ce sens,
nous pouvons contribuer, à notre modeste niveau, à la sauvegarde des valeurs
inaliénables de notre pays.

Question: Vous avez rencontré à plusieurs reprises le Primat des
Gaules, Monseigneur Barbarin. Comment se sont déroulés les entretiens ?
Réponse :
Depuis mon élection, j'ai tenu à maintenir et développer les relations déjà existantes avec l'archevêque de Lyon devenu depuis peu cardinal. Monseigneur
Barbarin est un homme remarquable, qui porte à la communauté juive une
sympathie identique à celle du regretté cardinal Decourtray. Le CRIF
Rhône-Alpes rendra d'ailleurs hommage au défunt Cardinal en organisant une
conférence à l'occasion du 10ème anniversaire de sa disparition sur le thème
de « Decourtray et les Juifs : une figure pour l'avenir ». Le Cardinal
Barbarin fera bien entendu parti des intervenants.

Question : Et le dialogue avec les musulmans ?

Réponse :
Il est impossible de concevoir une absence de dialogue avec les franges
modérées de l'Islam. J'ai d'ores et déjà rencontré Kamel Kabtane, avant sa
récente démission à la présidence du CRCM. Nous avions décidé à cette
occasion de consolider le dialogue judéo-musulman, à l'exemple de la
réussite de « Marseille-espérance ». Nous espérons ainsi faire diminuer la tension ambiante. Je dois dire à nos amis musulmans qu'il faut continuer ce dialogue par-delà les différences
car ce qui nous rapproche doit prendre le pas sur ce qui nous
éloigne.

Question: Plusieurs agressions ont eu lieu dans des établissements
scolaires de Lyon et de sa banlieue. Des tags ont été tracés,
des cimetières ont été profanés. Etes-vous inquiets ?

Réponse :
Lyon n'a pas été épargné par les
agressions verbales, physiques. Nous sommes éprouvés par la profanation
du cimetière de la Mouche ou plus de soixante tombes ont été profanées, en août dernier. On note en Rhône-Alpes ces derniers mois une hausse des plaintes pour agression antisémite.

Question: Lyon est le symbole de la résistance. Comment faut-il parler des années noires de l'Occupation ?

Réponse :
Il est bon de rappeler que Lyon a été la capitale de la Résistance, mais
aussi de souligner que le pire n'est jamais loin. Nous le constatons
aujourd'hui avec les récentes affaires de négationnisme et les déclarations
inacceptables d'un responsable du Front national. La haine anti-juive
est toujours vivace. Il est toutefois important de rappeler dans un même temps que des hommes et des femmes luttent contre le négationnisme, particulièrement dans notre région. Je dois pour cela rendre un hommage particulier à « Hippocampe », une association étudiante lyonnaise qui lutte depuis plusieurs années contre le négationnisme.

Question: Les Arméniens qui vivent dans votre région militent pour
que le génocide arménien soit définitivement reconnu. Comment vous positionnez-vous ?

Réponse :
La Communauté arménienne lutte pour la reconnaissance du génocide perpétré contre leur peuple au début du siècle dernier et en tant que Juif, je
comprends l'importance de ce combat. Notre pays, la France, a reconnu ce
génocide. Cette reconnaissance est donc effective et je m'en félicite.

Question: Que pensez vous des dernières déclarations de Bruno
Gollnisch ?

Réponse :
Les dernières déclarations de Bruno Gollnisch sont consternantes et
inqualifiables. Par ces propos qui constituent encore un pas de plus dans le
négationnisme, le délégué général du Front national s'inscrit explicitement
dans la droite ligne de Faurisson et Garaudy. En outre, le soutien du bureau
politique du Front national à ces déclarations scandaleuses, nous rappelle
qu'il faut rester vigilant vis-à-vis d'une extrême droite dont le pouvoir de
nuisance ne doit jamais être sous-estimé.

Propos recueillis par Marc Knobel