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Publié le 22 Septembre 2010

Marek Halter : «Les assassins ne tuent jamais en plein jour»

Vous êtes très engagé en faveur de l'Iranienne Sakineh Mohammad, condamnée à la lapidation. Peut-elle encore être sauvée ?




Je pense qu'elle sera sauvée. Aucun pays n'est seul au monde. On l'a vu avec l'URSS et Soljenitsyne, or l'URSS était autre chose que l'Iran ! Les assassins ne tuent jamais en plein jour. Dès que vous braquez le projecteur sur un visage, vous le protégez. Les assassins attendent que les projecteurs tombent en panne pour agir. Il ne faut donc pas lâcher prise. Les Iraniens ont déjà commencé à reculer. L'autre jour, j'étais en débat avec Tarik Ramadan en Suisse et lui-même, sur ce sujet, en contestant que les lois occidentales soient les seules à pouvoir être bienveillantes a dit que la loi coranique sait aussi utiliser la générosité et pardonner. La pression commence à porter ses fruits.



Croyez-vous que les pourparlers entre Israël et l'autorité palestinienne puissent aboutir à quelque chose de solide en l'absence du Hamas ?



Je crois en deux principes très simples : toute guerre se termine un jour ou l'autre par la paix : j'ai vu ce qu'il s'est passé à Belfast ; ensuite les hommes politiques, même s'ils mentent parfois, ce qu'ils disent les engage toujours. Quant au Hamas, il faudra bien l'associer à un moment ou un autre.



Concernant ce que disent les politiques, encore faut-il qu'eux-mêmes croient ce qu'ils disent ?



Bien sûr ici, on peut penser qu'ils sont obligés de dire certaines choses parce que les États-Unis les poussent à le faire, tout comme la pression économique. Car, on ne dit jamais que l'économie en Cisjordanie marche très bien avec une augmentation du PIB de 4 à 4,5 %. En Israël aussi, ça marche très bien. La France aimerait avoir ce taux de croissance ! Même si, bien sûr, ils viennent de plus loin. Ceci étant, pour sauvegarder cette progression qui permet aux gens de mieux vivre, les politiques peuvent être amenés à faire ce qu'ils n'ont pas prévu. Pour le moment, chacun essaye d'être plus malin que l'autre.



Pour faire avancer les discussions, les deux parties ne devraient-elles pas faire des gestes de bonne volonté et lesquels ?



Ces gestes avaient été préparés à Oslo, et tout était réglé. C'est idiot mais il faut tout recommencer : Israël doit arrêter la colonisation et les constructions tandis que les Palestiniens doivent répéter ce qu'avait dit notamment Arafat : reconnaître Israël et dire qu'ils comprennent son besoin de sécurité. Après ça, il faudra trouver des compromis dans l'immédiat, le moyen et le long terme. Ce qu'avaient parfaitement intégré les accords d'Oslo.



Une BD vient d'être adaptée de votre Livre, «La Mémoire d'Abraham». Le patriarche commun aux juifs et aux Arabes, leur ancêtre et leur culture partagés, peut-il être un pont de rapprochement ?



La culture peut être source de rapprochement mais aussi de discussions et de déchirements. Il y a eu les fils d'Abraham, Ismaël et Israël, je ne crois pas qu'Abraham puisse réunir.



Que peut devenir Jérusalem ? Une ville de droit internationale, une capitale partagée ?



Certainement pas une ville avec un statut international. En revanche, il avait été accepté par Israël que le quartier arabe devienne capitale politique et que la capitale économique soit Ramallah. Un peu comme Washington et New-York aux Etats-Unis. Et le principe de l'indivisibilité de Jérusalem serait reconnu. Voilà qui permettrait aux Palestiniens comme aux Israéliens de sauver la face.



En quoi le peuple juif sur lequel vous avez beaucoup écrit est-il si particulier et important dans l'histoire de l'humanité ?



Le juif n'est pas meilleur que les autres et personne ne vous oblige à être juif. Mais si vous acceptez de l'être, vous vous engagez à plusieurs choses qui font de vous un subversif. Il faut alors prévoir une certaine animosité à votre encontre. Sans oublier jamais, que l'on n'est jamais libre tant que les autres ne sont pas libres.



Propos recueillis par Michel Rivet-Paturel. Article publié dans le Progrès du 22 septembre 2010.



Photo : D.R.