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Publié le 1 Février 2010

Prasquier au Parisien : tous les jours, je constate le soin pris par les pouvoirs publics pour lutter contre l’antisémitisme

Dans un entretien accordé dimanche 31 janvier à Philippe Baverel et Henri Vernet d’Aujourd’hui-le Parisien, Richard Prasquier fait le point, quelques jours avant le diner du CRIF



Vous avez participé au 65e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau dont les bâtiments sont très dégradés. Pourquoi est-il important de restaurer ce lieu de mémoire?

Il est essentiel pour l'enseignement de la Shoah, de restaurer Auschwitz et Birkenau, d'autant que le nombre de survivants diminue au fil des ans. Le poids des lieux joue un rôle considérable.
Construits en bois, la plupart des baraquements de Birkenau sont aujourd'hui, à cause des infiltrations d'eau, très délabrés. Les besoins de restauration sont évalués à 120 millions d'euros. En annonçant qu'elle débloquait 60 millions d'euros pour ces travaux, l'Allemagne a fait le geste fort qu'attendaient les Polonais. Hubert Falco, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a annoncé que la France ferait son devoir et je sais l'importance que le président de la République attache à cette décision.

Comment enseigner la Shoah aux jeunes générations ?

La Shoah n'est pas une histoire de juifs, c'est l'histoire de l'humanité. C'est l'histoire de l'extermination de millions d'hommes, de femmes et d'enfants. L'enseignement de la Shoah est très compliqué car il y a souvent confusion entre déportation et extermination. Ce qu’il faut enseigner, ce sont les faits, c'est la capacité de dire non, comme une vaccination contre la propagande de haine.
Quel est le problème aujourd'hui ?

Je constate un phénomène très grave qui n’est pas seulement celui du danger du négationnisme mais aussi celui de la banalisation de la Shoah. Tout récemment, un évêque polonais, Mgr Pieronek, a déclaré que les juifs instrumentalisaient la Shoah. Non, les juifs n'instrumentalisent pas la Shoah.
Je suis inquiet de l'amalgame qui s’instaure entre ce qui s’est produit durant la deuxième guerre mondiale et certains événements plus récents. La « solution finale » a été un projet sans précédent, planifié, d’éradiquer par des méthodes industrielles tout un peuple, hommes, femmes, enfants, vieillards.
Bien sûr, d'autres génocides ont eu lieu, comme au Rwanda. Mais le mot génocide est scandaleusement galvaudé par les islamistes et leurs amis qui l’appliquent au conflit israélo-palestinien. Ce genre de discours se propage de façon diffuse.

D'après le ministère de l'intérieur, le nombre d'actes antisémites est passé de 460 en 2008 à 830 en 2009. Comment expliquez-vous cette très forte augmentation ?

La situation internationale en a été la raison majeure. La plus grande partie de ces actes sont survenus au début de l'année, au moment de l'opération de Gaza. Il y a donc malheureusement eu une «importation» inacceptable du conflit proche-oriental dont les juifs de France et d’autres pays ont été les seuls à pâtir. Je ne veux ni amplifier ni minimiser le phénomène. Je ne dis pas que la France est en proie à un antisémitisme incontrôlable, ce serait absurde ! Tous les jours, je constate le soin pris par les pouvoirs publics pour lutter contre l'antisémitisme. Mais le plus difficile à traiter, c'est cette persistance d'une vision du monde dans laquelle la haine des juifs paraît normale, vision à laquelle cèdent certains esprits fragiles. C'est d'autant plus grave qu'il est très facile, avec internet, de jouer sur l'affectivité et de transformer les enfants en machines de haine. On ne doit pas tout ramener à la situation au Proche-Orient. Depuis plusieurs années, on note des actes antisémites même en période d’accalmie dans cette région.

Que faire contre ce phénomène ?

Nos sociétés n'ont pas trouvé la parade. Aujourd'hui, la culture se fait par internet. C'est une culture visuelle, immédiate et sans contrôle. Or, la liberté sans contrainte, c'est la liberté de la jungle. Internet aujourd'hui, c'est la liberté de la jungle. Il ne faut pas être ingénu. Il est du devoir des enseignants d'expliquer qu'une distance doit être prise par rapport aux informations déversées sur internet. Songez que dans plusieurs pays arabes, la majorité de la population est convaincue que les attentats du 11 septembre ont été commis par le Mossad et les services secrets américains ! En France, il existe un courant de pensée identique.


Le débat sur l'identité nationale n'a-t-il pas libéré un certain discours xénophobe ?

Même s'il peut paraître complexe, ce débat me paraît légitime. L'interrogation sur ce qui fait le ciment de notre vie commune me paraît normal.
Quant aux juifs de France, ils sont parfaitement à l'aise dans leur situation de Français. Ils ont toujours été un modèle de citoyenneté et se sont toujours comportés en « fous de la république » ! Evidemment, la période de Vichy a été un choc terrible. Mais la France a fait depuis un véritable travail de mémoire.
Ceci étant, la fidélité à Israël et au peuple juif sont des éléments majeurs de notre identité.
Comment réagissez-vous au nouveau dérapage de Georges Frêche qui a parlé de «la tronche pas catholique» de Laurent Fabius ?

Je sais que Frêche n'est pas un antisémite, mais je crains que cette phrase ne réveille des stéréotypes antisémites. Frêche, c'est Frêche ! Mais la responsabilité d’un homme politique est de penser aux conséquences de ses paroles.



La mission parlementaire sur la burqa propose une loi interdisant le port du voile intégral dans les services publics. Qu'en pensez-vous ?

En tant que citoyen français, je crois que la burqa est incompatible avec l'ensemble des valeurs de notre société. Revêtir une burqa revient à rejeter notre contrat social. Spontanément, je serais en faveur d’une loi d'interdiction générale, malgré les problèmes juridiques que cela pose.

Nicolas Sarkozy participera-t-il au dîner du CRIF mercredi ?

Comme d'habitude, l'orateur sera le premier ministre, François Fillon. Le président Sarkozy est invité; nous attendons sa réponse. Il est possible qu'il vienne.




Et les communistes qui n'avaient pas été invités en 2009?

Je regrette énormément de n'avoir pas pu inviter les représentants officiels du parti communiste et des Verts, même si certains de leurs élus viendront à titre personnel. J'ai récemment rencontré Cécile Duflot. Avec le PC et les Verts, nous avons d'importants points de divergences. Nous ne comprenons pas comment ils peuvent proposer une mesure de boycott d'Israël, totalement illégale au regard de la loi française. Et l'empressement de certains maires communistes à nommer citoyen d'honneur Marwan Barghouti, coupable d’assassinats terroristes me choque profondément. Cette façon de faire passer cet homme pour un militant humaniste relève d'une ingénuité ou d'un aveuglement inacceptables !



Propos recueillis par Henri Vernet et Philippe Baverel