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Publié le 17 Juillet 2009

Quatre regards croisés sur une situation explosive et une tyrannie stalinienne : la Corée du Nord !

Avec les réponses de Jean-Michel Quillardet, Fabien Taieb, Jacky Mamou, Jacques Jacubert.



Question : En Corée du Nord, tout un pays est littéralement asservi par Kim Jong Il. Alors que des cas de cannibalisme sont irrégulièrement signalés tant la population souffre de la faim, la Corée du nord développe pourtant un arsenal nucléaire pour sanctuariser -semble-t-il- le dernier régime stalinien de la planète. La Corée du nord nargue-t-elle la communauté internationale en testant ses missiles balistiques et nucléaires ? Et, selon vous, représente-t-elle une menace pour la paix dans cette région du monde ?



Jean-Michel Quillardet, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, actuel Président de l’Observatoire International de la Laïcité contre les dérives communautaires. Fabien Taieb, actuel Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France, vice-président de l’Observatoire International de la Laïcité contre les dérives communautaires : la Corée du Nord, en tant que dictature totalitaire ainsi que dernier régime stalinien sur la planète présente évidemment un véritable danger pour la paix du monde, alors que la Corée du Sud est aujourd’hui une démocratie exemplaire avec une culture ancestrale poétique et littéraire et également une culture parfaitement inscrite dans la modernité en particulier avec un cinéma coréen très fort et très intéressant, qui démontre qu’il n’y a pas de fatalisme dans cette région du monde quant à l’obscurantisme.
Toute la question, naturellement, est de savoir comment lutter contre ce régime d’un autre âge ? Nous faisons parti de ceux qui considèrent que la lutte inlassable pour le respect des Droits de l’Homme et des libertés élémentaires est un combat qui doit être mené tous les jours en mobilisant nos concitoyens mais surtout à l’intérieur des institutions des Nations-unies pour faire comprendre à la Corée du Nord, non pas qu’une coalition de pays dits civilisés pouvait se mettre en marche à son encontre, mais une coalition de pays épris de paix, d’harmonie et des Droits imprescriptibles de la personne humaine pouvait effectivement, à un moment donné, intervenir dans ce pays pour mettre un terme à ce régime honni.
Jean Jaurès écrit : « Si tu veux la paix, prépare la guerre… »
Incontestablement il convient que l’organisation des Nations-unies et un certain nombre de puissances militaires soient très clairs et très fermes avec la Corée du nord, comme d’ailleurs l’on doit l’être avec toutes les dictatures qui disposent de cette arme nucléaire. La réaction est délicate et difficile, car il ne convient pas de mettre le feu au monde mais de faire preuve de plus de fermeté. Cette fermeté -de la part des Nations-unies et du monde libre- serait, nous semble-t-il, la bienvenue alors même qu’il faut utiliser, ce qui n’est pas le cas actuellement, les oppositions internes qui existent en Corée du Nord pour tenter de déstabiliser de l’intérieur le régime.
Jacky Mamou ancien président de Médecins du monde. Président du Collectif « urgence Darfour » : le régime nord-coréen reste ancré sur deux objectifs principaux. Le premier est d'assurer la pérennisation de son système totalitaire par tous les moyens. Le second reste la réunification militaire des deux Corées sous son contrôle. Ce second objectif s'est relativisé, pour le moment, depuis l'effondrement du bloc soviétique et les difficultés économiques voire les famines qui affaiblissent le pays. Le chantage nucléaire, la capacité de nuisance, la menace d'implosion sont utilisés régulièrement par Pyongyang pour soutirer auprès de la communauté internationale les ressources nécessaires à la survie du régime.
Cette stratégie de tension permanente peut amener un jour à un dérapage catastrophique menaçant toute l’Asie. D'autre part dans sa quête de devises et de rupture de son isolement, la Corée du Nord commerce dans le domaine militaire, notamment nucléaire avec certains pays, agissant ainsi comme un autre facteur de déstabilisation bien au delà du continent asiatique.
Jacques Jacubert, ancien président du B’nai B’rith France, membre de l’assemblée générale du CRIF : Le paranoïaque Kim Jong-il, joue en toute impunité avec les nerfs de la communauté internationale depuis qu’il s’est succédé à son père Kim Il-sung dans l’indifférence générale alors que son pays, la Corée du Nord, est constamment épinglé soit par Amnesty International, soit par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme ou dernièrement par le Comité de l’ONU chargé des Droits de l’Enfance dans son rapport de 16 pages le 29 janvier 2009.
Ce pays ironiquement appelé république populaire démocratique n’est ni une république, car régi par le népotisme, ni populaire car ses dirigeants fréquentent souvent les casinos de Macao, et encore moins démocratique car Kim Jong-Il n’écoute personne.



Mensonges, chantage, arrestations sommaires mêmes d’enfants, exécutions, disparitions forcées, millions de personnes affamées sont le lot quotidien d’une population qui n’intéresse l’opinion publique que lorsque Pyongyang a procédé ce samedi 4 juillet, date symbolique de l’indépendance américaine, à l’envoi de 2 missiles Rodong pouvant frapper une large partie du Japon.



Vous le savez, il n’y a ni correspondant étranger en Corée du Nord, ni observateur de l’ONU alors qu’en Israël, il y a le plus grand nombre de correspondants étrangers par habitant dans le monde. Alors, qui menace la paix dans le monde : la Corée du Nord qui est insensible aux pressions internationales et qui fournit pourtant des capacités nucléaires à qui le souhaite (Syrie, Iran…) ou l’Etat démocratique d’Israël constamment démonisé par l’opinion internationale ?



Question : Les victimes de ce régime sont innombrables. Selon vous, Kim Jong Il -dont la presse sud-coréenne prétend qu’il est atteint d’une maladie incurable-, mériterait-il d’être jugé pour crimes contre l’Humanité ?
Jean-Michel Quillardet et Fabien Taieb : la Cour pénale internationale a été créée et elle a pour fonction de faire déférer devant elle ceux, les politiques, les militaires ou les Chefs d’Etat, qui ont commis des crimes contre l’humanité. Incontestablement, Kim Jong II doit faire l’objet, comme le président du Soudan de poursuites judiciaires à cet égard devant la Cour Pénale Internationale.
Même si son interpellation sera naturellement très délicate, le fait qu’il soit inculpé de crimes contre l’humanité et qu’un mandat d’arrêt international de la Cour pénale soit lancé à son endroit pourrait d’ores et déjà participer d’une prise de conscience du monde entier ainsi que d’une prise de conscience à l’intérieur de la Corée du nord dont une grande partie de la population ne saurait se satisfaire de cette incrimination honteuse. Cet instrument, la Cour pénale internationale, créée il y a quelques années n’est pas suffisamment utilisée et pourtant elle fut une avancée considérable dans le droit international. Dire à l’égard de ces dictateurs sanguinaires que leurs crimes peuvent ne pas être impunis comme par le passé est un grand défi pour l’humanité aujourd’hui.
Jacky Mamou : il n'y a aucun doute sur la responsabilité pleine et entière de Kim Jong Il dans les famines qui touchent le pays. Plus grave, la distribution de l'alimentation, y compris celle fournie par l'aide humanitaire internationale, se fait au bénéfice de ceux qui soutiennent la dictature, affamant le reste de la population.
Mais, les bases juridiques pour inculper Kim Jong Il de crimes contre l'humanité sont difficiles à étayer, tant la moindre information est considérée comme un secret d'Etat. De plus, à l'image d'Omar el Béchir le président soudanais, la Cour Pénale internationale a de grandes difficultés à faire appliquer une demande d'arrestation internationale d'un dirigeant en exercice, d'autant qu'il bénéficie de soutiens d'alliés puissants. Pour le nord-coréen cela serait le même scénario, accentuant d’autant la paranoïa du régime.
Jacques Jacubert : Juger Kim Jong Il ? Qui s’en soucie réellement en dehors du peuple de la Corée du Nord?
Propos recueillis par Marc Knobel