Questions à Karim-Hervé Benkamla

Vous faites référence à notre appel pour la paix en 2003.Il faut rappeler que durant cette année là, des tensions provoquées par des éléments hexogènes aux relations entre Juifs et Musulmans français se sont traduits par une montée des actes antisémites et anti-musulmans. Avec le recul, on peut mesurer que le travail de terrain a fait baisser le nombre de ces actes.

Ce travail nous l'avons continué avec la création de l'Amitié judéo- musulmane de France dont l'emblème est notre bus qui va à la rencontre des citoyens sur tout le territoire pour porter haut les idéaux de fraternité.

Notre action, c’est aussi des déclarations du manifeste des libertés, du groupe dit de Miromesnil qui publia en son temps plusieurs déclarations, dont une qui fut publiée par le nouvel Obs pour condamner la destruction d'un établissement scolaire.

Aujourd'hui, c’est soutenir le combat pour défendre le droit des femmes, porté par l'association "Parole de femmes". Pour mémoire notre dernière conférence avait pour thématique: "les femmes face à l'intégrisme religieux". Cette association est dirigée par des Français de toute confession dont des Juifs et des Musulmans.

Le rapport entre Juifs et Musulmans de France commence à être très "scruté" ; la preuve en est la conférence organisée au sein même de Sciences Po en mai 2007 durant laquelle je suis intervenu pour raconter l'expérience de nos différentes activités sur le terrain.

Cela me permet de répondre à la seconde partie de votre question. J'ai toujours agi en considérant que notre pays à la différence des pays anglo-saxons n'est "pas communautarisé," et que les différentes composantes religieuses et autres ne sont que les éléments constitutifs de notre communauté nationale qui est une et indivisible. Pour répondre de façon plus marquée à votre question, je déclare que je me battrai toujours pour que notre beau pays ne devienne jamais" une république des tribus".

Les mentalités évoluent dans le bon sens, mais néanmoins il faudra continuer encore le travail d'explication et d'implication des uns et des autres en particulier sur le travail de mémoire.

Les différentes passerelles que sont "l'AJMF", "Paroles de femmes", "les rencontres du CRIF", "les rencontres de la Mosquée de Paris" concourent à faire redécouvrir aux Juifs et aux Musulmans de France leur histoire commune qui existe et qui ne demande qu'à ressurgir dès lors que l'on sort des crispations liées au conflit du Proche-Orient.

Utiliser le recul que l'on a de fait car nous ne vivons pas le conflit au quotidien. Nous devons être une caisse de résonance au service de la paix sans jamais prendre fait et cause pour l'une ou l'autre des parties en conflit ; et organiser des rencontres entre les différentes composantes civiles et ou religieuses pour leur permettre de se retrouver.

C’est aussi faire connaître auprès du grand public les différents accords qui existent pour faire avancer la seule véritable solution deux peuples, deux Etats. Je forme le vœu pour que les Juifs et les Musulmans de France soient les ambassadeurs de cette idée et que notre pays joue un rôle plus direct en tant que médiateur.

Qu'est-ce qui amène un Français d'origines chrétienne et musulmane à s'intéresser à un Américain qui a sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale ?

Au sujet de l'exposition de Varian Fry, j'interviens en tant qu'historien collectionneur de Frédéric Delanglade, et en tant que délégué à l'organisation.

C'est en "ouvrant la porte de la planète surréaliste" il y a un quart de siècle que j'ai découvert dans l'un de ses plis un homme d'exception nommé Varian Fry auquel nous rendons hommage aujourd'hui au travers d'une exposition qui se tient jusqu'au 9 mars 2008 à la Halle St Pierre dans le 18ème arrondissement de Paris ;et qui au delà pourrai enfin contribuer à le faire reconnaître et lui faire par là même trouver sa place naturelle auprès du grand public.

C’est mettre en avant l'engagement et le travail de cet humaniste qui est venu sauver en 1940 des intellectuels et des artistes persécutés et qui "in fine" sauva des milliers d'hommes et de femmes ordinaires, des Juifs, des Catholiques, des résistants, des communistes et autres persécutés Quand on découvre un être de cette qualité notre devoir est de le faire connaître et de l’honorer. En tout cas, pour moi, c'est devenu une exigence morale.