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Publié le 29 Septembre 2005

Richard Sebban, avocat : « les fournisseurs d’accès (à l’Internet) seront contraints de mettre en place un système de filtrage propre à interrompre la diffusion de sites racistes et antisémites. »

Question : N’est il pas trop tard pour lutter contre les sites extrémistes, racistes et antisémites sur Internet ?



Réponse : Bien sûr que non. Il n’est jamais trop tard pour endiguer un fléau, d’autant que nous disposons aujourd’hui d’un arsenal législatif efficace.

Question : Quelles sont les nouveautés de la Loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN) ?

Réponse :
La LEN a pour principal objectif la transposition d’une directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Cette loi vise également à transposer en partie la directive européenne du 12 juillet 2002 sur la protection des données personnelles dans les communications électroniques. Mais, le principal objet de cette loi est de responsabiliser les principaux acteurs de l’Internet, notamment les hébergeurs (les professionnels qui hébergent des sites) et les fournisseurs d’accès (les professionnels qui donnent accès à l’Internet). Je rappellerai seulement que cette loi importante a été appliquée lors d’une procédure qui a été intentée en février 2005 par différentes associations antiracistes (J’Accuse ; l’Union des Etudiants Juifs de France ; l’association Mémoire 2000 ; le MRAP ; la Ligue des Droits de l’Homme ; SOS Racisme ; le Consistoire Central Union des Communautés Juives de France ; l’Union des Déportés d'Auschwitz) contre un site négationniste, celui de l’aaargh. Le site de l’aaargh (Association des anciens amateurs de récits de guerres et d'holocaustes) proposait sur sa page d'accueil 230 « brochures » antisémites ou négationnistes en libre accès et des centaines de textes antisémites.

Dans un premier temps, nous avions sommé les hébergeurs américains du site de l’aaargh d’exclure de leur clientèle ce site. Mais, face à l’impossibilité d’identifier les auteurs de ce site et aux refus répétés des hébergeurs américains de faire droit à notre demande, nous avons été contraints d’attraire la quasi-totalité des fournisseurs d’accès français afin que le juge des référés leur ordonne de filtrer l’accès à ce site. Par ordonnance du 13 juin 2005, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a fait injonction aux principaux fournisseurs d’Accès de France de mettre en œuvre toutes mesures propres à interrompre la diffusion de l’aaargh. Cette décision a contraint les fournisseurs d’accès à filtrer le site de l’aaargh auprès des internautes français.

Cette décision est une grande victoire. Elle permet de considérer qu’à l’avenir -et dans l’hypothèse ou ni les auteurs, ni quelques hébergeurs acceptent de mettre un terme à leur activité illicite- les fournisseurs d’accès seront contraints de mettre en place un système de filtrage propre à interrompre la diffusion de ces sites.

Question : L’association des fournisseurs d’accès et de services Internet -et qui a pour mission le développement du réseau Internet et des services en ligne- dispose d’un service Point de Contact. Ce service reçoit les signalements sur les contenus illégaux (pornographie enfantine, haine raciale) et elle renseigne les internautes sur les règles à respecter et les protections dont ils peuvent bénéficier dans leur vie quotidienne en ligne. L’AFA estime néanmoins que les fournisseurs d’accès ne doivent pas filtrer de sites. Quelle est votre position ?

Réponse :
Sur l’Internet, les mesures de filtrage doivent être systématiquement et obligatoirement ordonnés par un juge. Le juge appréciera l’opportunité des dites mesures de filtrage en fonction du contenu des sites, contenu signalé par les associations antiracistes ou par les internautes.

Question : Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?

Réponse :
Je rappellerai que, les 16 et 17 juin 2004, la France a accueilli à Paris la conférence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur les questions d’Internet : « La relation entre la propagande raciste, xénophobe et antisémite sur Internet et les crimes inspirés par la haine ». Cette initiative heureuse n’a pas débouché sur grand-chose en réalité, mais elle a toutefois permis d’entamer un dialogue constructif avec les Américains qui se réfugient systématiquement derrière le Premier amendement de la Constitution (américaine) afin d’empêcher toute limite à la liberté d’expression. Aujourd’hui, nous demandons au pouvoir public de prendre toutes les mesures qui s’avèrent nécessaires afin que les sites racistes et antisémites disparaissent.

Question : Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

Réponse :
Malheureusement, la haine et le racisme ne baissent pas d’intensité sur la toile. Bien au contraire. Nous essayerons donc de combattre le racisme, l’antisémitisme ou le négationnisme, jusqu’à ce que l’Internet ne soit plus une zone de non droit.

Propos recueillis par Marc Knobel

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