Actualités
|
Publié le 7 Avril 2010

Serge Cwajgenbaum, secrétaire général du Congrès juif européen : «Faire entendre une voix juive forte et unie sur notre continent»

Serge Cwajgenbaum, depuis votre entrée en fonction, vous avez connu la branche européenne du Congrès juif mondial, puis le Congrès juif européen. Est-ce un plus ou un moins ?




Au sortir de deuxième guerre mondiale et après la destruction de la moitié du judaïsme européen durant la Shoah, l’Europe juive s’est réveillée meurtrie, affaiblie et sous le choc de la tragédie qu’elle avait subie.



La fondation de l’Etat d’Israël en 1948 a créé un appel d’air pour les rescapés et ceux qui rêvaient à une vie nouvelle dans un état juif qui pourrait les mettre à l’abri de l’antisémitisme dans sa forme la plus barbare qu’avait été le nazisme.



L’Europe des années 50 a aussi été celle de la partition en deux systèmes distincts : le mur de Berlin et le stalinisme se sont érigés comme une chape de plomb limitant la vie juive dans l’Europe de l’Est à sa plus simple expression, c’est-à-dire quasi inexistante alors que l’Europe de l’Ouest commençait lentement à panser ses blessures et à reconstruire autour des institutions communautaires créées au sortir de la guerre et offrant pour certains une alternative à une vie communautaire juive face au défi de la construction de l’état juif souverain, l’Etat d’Israël.



Nombreux ont été les sionistes qui ont choisi cette voie différente mais prometteuse ; les autres ayant choisi de vivre leur destin sur le continent européen.



On disait dans le Yiddishland que les Juifs ressemblent et s’identifient aux cultures majoritaires dans lesquelles ils vivent.



Dès la fondation des institutions européennes (le Conseil de l’Europe en 1949, le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951 et le Traité de Rome traité instituant la Communauté économique européenne en 1957), les communautés juives d’Europe ont accompagné le mouvement naissant du marché commun devenu après le Traité de Maastricht et celui de Lisbonne une organisation intergouvernementale qui s’articule autour de trois pivots : la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil des Ministres.



Ce n’est qu’en 1986, à l’initiative de plusieurs leaders juifs et en particulier du président du CRIF de l’époque, Me Théo Klein, qu’a été créé le Congrès juif européen anciennement Congrès juif mondial Europe et antérieurement encore Branche européenne du Congrès juif mondial.



La fondation d’une entité juive européenne structurée et indépendante est apparue nécessaire pour fédérer les communautés juives d’Europe autour des nouveaux enjeux européens et du transfert de certaines compétences nationales vers l’Europe.



Avez-vous le sentiment que les communautés juives adhérent à l’idée européenne ou restent calfeutrées dans leur identité nationale ?



Force est de reconnaître que malheureusement à ce jour ni l’Europe communautaire, ni l’Europe juive n’ont atteint leur vitesse de croisière.



L’Europe peine à se fédérer dans les domaines qu’est la politique commune et ses corollaires : la diplomatie, la défense commune et un projet d’Europe sociale. Même si l’Europe a marqué une avancée substantielle, l’essentiel reste à faire.



L’Europe juive, depuis 1989, a vu une renaissance remarquable de la vie juive à l’Est (notamment en Ukraine et en Russie) mais l’Europe des 27, elle, n’est pas perçue comme une priorité par les instances dirigeantes nationales et représentatives du judaïsme.



L’Europe juive se fait-elle suffisamment entendre au sein des instances européennes ?



L’interdépendance et l’interaction ne sont prises en compte que lorsqu’il s’agit des relations entre l’Union et Israël ou lorsque surgit un problème qui pourrait affecter l’ensemble des communautés juives européennes comme par exemple une directive limitant la Shechita ou encadrant la Brit Mila dans une régulation restrictive pouvant à terme empêcher l’application stricte des règles religieuses.



L’antisémitisme est de retour. Quelles sont vos craintes ? Que peut-faire le CJE pour enrayer cette tendance ?



Bien que l’antisémitisme soit un phénomène transnational et que les grandes communautés aient leur propre structure d’analyse et de gestion du phénomène, il nous apparaît nécessaire en tant que Congrès juif européen d’élargir le champ d’investigation sur l’ensemble du continent européen d’autant que les nouvelles formes d’antisémitisme, à savoir l’antisionisme, s’alimentent à la même source, celle de la haine et du rejet et notamment celui de l’état d’Israël en tant que Juif des nations. Une coalition hétérogène sous l’influence de groupes de pression pro-palestiniens s’exprime fortement à Bruxelles.



Face à ces groupes, l’Europe juive peine à faire entendre la voix de la raison, de la modération et de la tolérance même si l’Europe rappelle constamment qu’elle repose sur « les valeurs communes » auxquelles le monde juif européen a payé un lourd tribu.



Plusieurs organisations juives agissent auprès des instances européennes .Pourquoi cette concurrence ?



S’il existe plusieurs organisations juives qui s’activent à Bruxelles, certaines avec plus de succès que d’autres, le CJE est la seule organisation représentative du judaïsme organisé à travers ses 27 affiliés dans l’Union européenne et ses 42 communautés au sein du CJE.



Il est temps que les communautés juives d’Europe et notamment les plus importantes : la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, aux côtés des communautés juives d’Ukraine et de Russie, prennent conscience des enjeux auxquels elles sont confrontées et redéfinissent leur avenir dans un triangle constitué des communautés nationales, de l’Europe et d’Israël.



Ceci passe par une révision de la répartition des moyens financiers afin de se doter d’un outil efficace et performant capable de faire entendre une voix juive forte et unie en Europe.



Propos recueillis par Haïm Musicant



Photo : D.R.
Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance