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Publié le 17 Décembre 2007

Serge Tavitian, avocat : «Toutes les questions qui me tiennent à cœur ont été abordées, lors de ce colloque»

Question : Vous avez assisté à la première journée du colloque sur le crime contre l’Humanité, à Marseille, le 12 décembre 2007, organisé par le CRIF de Marseille Provence. Qu’en avez-vous pensé ?


Réponse : J’ai beaucoup aimé cette journée de colloque, à l’initiative du CRIF, en particulier l’intervention de Jean-Claude de Gaudemar, recteur de l’Académie d’Aix-Marseille. Les collégiens du département ont été associés à ce projet et je pense que c’est pour cette raison que le recteur a été invité à ce colloque. Le recteur a parlé de l’enseignement de la Shoah. Il estime qu’elle n’a pas été suffisamment enseignée, notamment aux gens de sa génération. Jean-Claude de Gaudemar doit avoir une cinquantaine d’années. Il a néanmoins précisé qu’aujourd’hui l’enseignement qui est prodigué dans les établissements scolaires et plus important que par le passé. Il a indiqué aussi que vraisemblablement, on avait sous-estimé les enseignements du procès de Nuremberg. Je partage personnellement cette opinion. Et, ce d’autant plus que seul un procès peut déterminer les responsabilités des uns et des autres, répertorier ou énoncer les crimes qui ont été commis et marquer durablement les consciences. Je dois ajouter et cela me tient à cœur, car je suis avocat, qu’à Nuremberg, les droits de la défense ont été respectés. Tout cela a parfaitement été souligné lors de ce colloque.
Question : Vous êtes d’origine arménienne par votre père et Juif par votre mère. Comment portez vous cette richesse et cette double mémoire ?
Réponse : Je crois qu’étant à Marseille, on vit bien cela, parce qu’à Marseille, on est entouré de gens qui ont une origine multiple, mais qui se fondent dans cette « identité » cosmopolite marseillaise. C’est la transmission à mes jeunes enfants qui est, pour moi, plus problématique. Du côté de mon père, je suis incapable de faire remonter un arbre généalogique à plus d’une génération. Du côté de ma mère, j’ai un arbre généalogique dont les racines sont marseillaises et une partie de ma famille est originaire de Salonique. Or, lorsque l’on parle de Salonique, pendant la seconde guerre mondiale, on sait ce que cela signifie : l’entreprise de destruction permanente et systématique de toute la communauté juive. Je me pose donc la question de la transmission de cette mémoire et de l’explication que je vais donner à mes enfants. Je vais essayer aussi de leur expliquer quel sens je donne aux combats judiciaires que je mène pour faire condamner des auteurs de propos racistes, des négationnistes et des antisémitismes.
Question : Comment vous situez-vous, lorsque vous parlez des malheurs qu’on traversé vos familles maternelles et paternelles respectives ?
Réponse : Je crois que je suis assez équilibré, je m’en sors donc. Même si je porte sur les épaules cette mémoire douloureuse. D’abord parce que la mémoire juive est très vive en moi. Les membres de ma famille ont été déportés. Les autres, ceux de Salonique, je ne les ai jamais connues. Je dois ajouter que j’ai fait un voyage salutaire en Israël, puisque j’ai rencontré des membres de ma famille que je ne connaissais pas. Je reconstruis donc ce cheminement. Du côté arménien, la défense de la cause arménienne m’est apparue comme une nécessité et d’ailleurs, je pense que si je conçois cette nécessité c’est parce que je suis Juif.
Question : Finalement, que vous apporte cette origine multiple ?
Réponse : Elle me permet de me situer dans des combats très actuels comme celui du statut des étrangers ou des tests ADN. Dans le débat sur les tests génétiques, j’ai été très choqué de m’apercevoir qu’en définitive pratiquement tout le monde trouvait cela normal.
Propos recueillis par Marc Knobel.
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