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Publié le 27 Novembre 2003

Yonathan Arfi, Président de l’UEJF : « A l’UEJF, nous sommes convaincus que nous pouvons être pleinement juifs et pleinement Français, et nous disons même d’autant plus juifs que nous sommes Français, d’autant plus Français que nous sommes juifs. »

Question : Du 7 au 11 novembre, l’Union des Etudiants Juifs de France a réuni à Strasbourg sa convention nationale, intitulée « Les Enfants de la République », sur le thème de la lutte contre le communautarisme. Plus de 300 étudiants, venus de toute la France ont débattu en présence de représentants de mouvements de jeunesse politiques (UMP Jeunes, UDF jeunes, MJS, SOS Racisme,…) autour des thèmes du communautarisme, de la laïcité et de la lutte contre l’extrémisme. Pourquoi avez-vous choisi de débattre de ces thèmes ?



Réponse : Nous avons choisi de débattre durant notre convention nationale des thèmes du communautarisme, de la laïcité et de la lutte contre l’extrémisme, car ces thèmes constituent depuis quelques mois le quotidien des étudiants juifs. Le communautarisme et la laïcité font l’actualité et chacun doit participer au débat national. A ce titre, en tant que juifs, mais aussi en tant qu’étudiants, les membres de l’UEJF doivent s’exprimer. Cette Convention Nationale était avant tout un espace de réflexion pour des étudiants juifs interpellés quotidiennement sur le lien entre communauté et citoyenneté. A l’UEJF, nous sommes convaincus que nous pouvons être pleinement juifs et pleinement français, et nous disons même d’autant plus juifs que nous sommes français, d’autant plus français que nous sommes juifs.

Quant à la lutte contre l’extrémisme, elle prend tout son sens quand nous tenons notre Convention Nationale à Strasbourg, en Alsace, à six mois des élections régionales où le danger de l’extrême droite est à la fois identifiable et imminent.


Question : Quelle est la position de l’UEJF sur la laïcité ?

Réponse : L’UEJF a toujours eu une forte tradition laïque et citoyenne : nous n’oublions pas que la laïcité est avant tout une protection pour les cultes minoritaires. Dans le débat actuel, nous pensons que l’école publique doit être préservée des signes politiques ou religieux visibles. Et dans ce cadre, le voile est à la fois un signe religieux et politique et donc rejeté à ce double titre. De la même manière, le signe religieux que constitue la kippa ne doit pas être accepté dans l’école publique, même si, évidemment, les cas sont rarissimes.

Nous nous élevons contre ceux qui, dans la communauté juive ou ailleurs, en appellent à une laïcité « ouverte », qui signifierait tout simplement la mort de la laïcité.


Question : Le président du CRIF, Roger Cukierman, s’est déclaré favorable à une loi interdisant le port de signes ostentatoires dans les écoles et entreprises publiques (AFP – 7 novembre 2003). Vous semble-t-il qu’il faille légiférer et interdire le port du voile dans les établissements scolaires ?

Réponse : La loi est un ultime recours. La priorité est de venir en aide à la communauté scolaire. Quand un chef d’établissement prend la douloureuse décision de renvoyer une jeune fille voilée, il a besoin de se sentir soutenu par sa hiérarchie et la classe politique. Ce n’était pas le cas il y a 6 mois. C’est davantage le cas aujourd’hui. Si une loi est la seule manière de marquer cette volonté générale, alors il faudra y passer. Dans tous les cas, cette loi ne doit pas être stigmatisante pour la communauté musulmane.


Question : Vous dites croire en « l’engagement des communautés contre le communautarisme. » Que voulez-vous dire ?

Réponse : L’engagement des communautés contre le communautarisme, c’est notre souci de défendre la légitimité des communautés contre ceux qui, profitant de la condamnation générale du communautarisme, voudraient s’attaquer aux communautés mêmes. Le meilleure remède contre cela : que les communautés s’engagent elles-mêmes contre le communautarisme afin de bien montrer la différence entre communauté et communautarisme.


Question : Vous ajoutez que vous refusez le piège du communautarisme « qui se cache derrière un certain discours libertaire et revendique des droits spécifiques pour une communauté parfois aux dépends de l’intérêt général. » A qui faites-vous allusion ? Pensez-vous que, dans la communauté juive, certains soient tentés par le communautarisme ?

Réponse : Quelle que soit la communauté dont on est issu, il est parfois tentant de céder aux sirènes libertaires nous conseillant de demander davantage de reconnaissance pour les communautés au sein de l’espace public. Le modèle français n’est pas le modèle américain. Ils ont tous deux des logiques et des histoires propres. En tant que juif, nous devons veiller à ne pas réclamer davantage de droits que ceux qu’il est légitime qu’on nous accorde. Revendiquer ces droits serait un piège que certains, notamment l’extrême droite, instrumentaliseraient contre nous.


Question : Le lundi 10 novembre, l’UEJF a lancé avec d’autres mouvements de jeunesses politiques ou associatives, un appel des enfants de la République. De quoi s’agit-il ? Quels sont les mouvements qui vous rejoignent et ceux qui n’ont pas voulu se joindre à vous ?

Réponse : Le 10 novembre à Strasbourg, l’UEJF a lancé un « appel des enfants de la République » contre l’extrémisme et le communautarisme qui a été parrainé par Luc Ferry, Ministre de l’Education Nationale, Philippe Douste-Blazy, François Hollande, Jack Lang, Eric Raoult et Rudy Salles…

L’appel a été signé par SOS Racisme, les Jeunes UMP et les Jeunes UDF. Nous avons en revanche dû essuyer un refus du Mouvement des Jeunes Socialistes, à cause de la présence de l’UMP Jeunes, attitude que nous déplorons publiquement.


Question : Vous avez été invité à participer au Forum social européen, qui a ouvert ses portes le mercredi 12 novembre 2003. Vous n’avez pas accepté cette invitation. Pour quelles raisons ?

Réponse : Effectivement, j’ai été invité à intervenir lors d’un débat organisé au Forum Social Européen par SOS Racisme. Mais, même si SOS Racisme se bat résolument et fermement contre l’antisémitisme, nous avons considéré que nous ne pouvions pas participer à une manifestation où nous trouverions un peu plus loin Tariq Ramadan et d’autre part je ne vous cache pas que nous craignions que des dérapages antisémites puissent avoir lieu.


Propos recueillis par Marc Knobel