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Publié le 20 Décembre 2017

#Actu - La réponse de "Libération" à Aliza Bin-Noun

Laurent Joffrin répond à la lettre ouverte de l'Ambassadrice d'Israël en France, Aliza Bin-Noun.

Publié dans Libération le 20 décembre 2017

La réponse de «Libération» à Aliza Bin-Noun

"Chère madame,

Permettez-moi de répondre en quelques lignes à votre lettre ouverte par une réaction tout aussi ouverte. Je n’ai en aucun cas cherché à réfuter le lien historique et affectif qui unit le peuple juif à Jérusalem. C’eût été bien sot de ma part et, comme je l’écrivais, cette tradition est éminemment respectable. En dépit de mon ignorance, je sais ce que représente pour les Juifs, si souvent persécutés dans le monde, l’expression «l’an prochain à Jérusalem», qu’on pouvait entendre dans les ghettos d’Europe de l’Est, parmi les Juifs opprimés aux périodes sombres de l’histoire française, dans les camps de la Shoah, ou bien parmi les combattants héroïques du ghetto de Varsovie. Je me suis seulement inquiété d’entendre que vous déduisiez la légitimité de Jérusalem comme capitale, non seulement de l’histoire, mais surtout de la Bible, qui est un texte avant tout religieux, même s’il contient aussi la relation de faits historiques.

Cette inclusion de la foi dans la diplomatie me semble néfaste, qu’il s’agisse de la politique de l’Etat d’Israël ou des revendications des autres protagonistes des conflits du Moyen-Orient. «Peut-on négocier avec Dieu ?» écrivais-je. Je ne crois pas, en effet, que la présence divine à la table des discussions, chacun se réclamant de sa foi, puisse faciliter l’émergence d’un de ces compromis qui ramènent laborieusement la paix entre les pauvres humains.

Vous vous référez à des faits remontant à quelque trois mille ans. Je maintiens que les archéologues d’aujourd’hui, dont plusieurs chercheurs éminents de l’université de Tel-Aviv, nous conduisent à douter de la véracité historique des faits situés à cette période par le texte sacré. Je ne dis pas que ceux-ci sont faux, aussi bien, mais que leur réalité est controversée. Ils ne sauraient donc servir de base solide pour un raisonnement géopolitique contemporain, qui n’en a par ailleurs nul besoin. Vous citez la ville de Lutèce, en remarquant que la situation et le rôle de cette ville gauloise, qu’on pourrait discuter, ne change rien au fait que Paris soit la capitale de la France. C’est tout à fait exact, à cette nuance près : à l’époque, la capitale des Gaules se situait non à Lutèce, mais à Lyon, appelé alors par les Romains Lugdunum. En suivant votre raisonnement, les Lyonnais pourraient demander que cette antique tradition soit rétablie.

En tout état de cause, j’ai toujours défendu, et Libération tout autant, le droit de l’Etat d’Israël à vivre à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, sans parler de notre combat constant contre l’antisémitisme. Mais j’ai toujours plaidé aussi pour que le même droit soit accordé aux Palestiniens des territoires de Cisjordanie et de Gaza. Dans cette solution, seule issue raisonnable au conflit, rien ne s’oppose à ce que la capitale des deux peuples soit située à Jérusalem. Plus tard, ou même l’an prochain…"

Laurent Joffrin Directeur de la rédaction

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