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Publié le 2 Février 2021

Actualités des régions - Crif Marseille-Provence : Antisémitisme et menaces. Deux hommes successivement condamnés

Le Crif Marseille s’est constitué partie civile devant le tribunal correctionnel de Marseille et a dénoncé, avec le Parquet, un antisémitisme contemporain. Divers messages de menaces sur les réseaux sociaux avaient affligé et inquiété, notamment au moment du dîner du Crif Marseille en juin 2019.

Le 28 janvier 2021 se tenait le procès d'un prévenu poursuivi pour incitation à la haine et menaces de mort selon les qualifications pénales retenues, notamment à l'encontre du Crif. Son champ d’action : les réseaux sociaux et plus précisément le « VK », le Facebook russe.

Il y a quelques mois, un autre homme, issu d'un mouvement d'ultra-droite, ayant menacé le Crif à l'occasion du dîner du Crif Marseille en juin 2019, a également été jugé.

Le Crif s’est fait entendre, à travers la voix de son avocate Maître Bendayan, pour appeler à la lutte contre l’intolérance, la haine, l’antisémitisme, et pour promouvoir le dialogue et le respect mutuel afin de contribuer à la paix et à la stabilité.

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Publié le 1 février dans La Provence

Des antisémites avaient menacé le dîner du Crif

Deux hommes ont été successivement condamnés pour leurs écrits inquiétants publiés sur les réseaux sociaux.

En écoutant le tribunal correctionnel de Marseille faire lecture de sa logorrhée publiée sur les réseaux sociaux, Vincent T. se pince les lèvres et se dit "très choqué d’avoir écrit ça". "Je regrette amèrement ces paroles qui sont…", hésite-t-il à la barre, en fixant nerveusement le bout de ses baskets à trois bandes. Sans crainte d’exagérer, il aurait pu les qualifier d’obscènes, de paranoïaques ou encore de menaçantes. Et ayant toutes ou presque un même marqueur obsessionnel : son antisémitisme "maladif", grimace Me Fabienne Chetrit-Bendayan, l’avocate du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui s’est porté partie civile dans ce dossier. 

Viré de Facebook 

Pendant près d’un an, entre février 2019 et janvier 2020, ce père de famille de 47 ans a vomi toute sa haine contre "ceux qui ont fait tuer Jésus" sur VK, l’équivalent russe de Facebook. Un réseau sur lequel il a échoué après avoir été banni, à force de dérapages, de la plateforme américaine, pourtant peu connue pour être regardante sur les contenus publiés par ses utilisateurs. "Je parlais de tout et de rien", dit-il pour justifier pudiquement cette exclusion. Ce titulaire d’un BEP de comptabilité a été finalement repéré par les autorités pour de nouvelles saillies libres d’accès et ouvertes à tout public. Extrait : "Vous voulez rendre service à la France, prenez des armes et tuer (sic) tout (re sic) les sionistes qui nous dirigent et les médias sionistes qui propagent la haine." Un autre, encore plus ciblée : "Si tu fais péter le dîner du Crif, tu win la guerre ou pas ?""Pour ne pas se tromper d’ennemi. Les fous qui veulent faire des attentats, y a les studios des médias, le Crif, la Licra, les banques Rotschild, etc.", conseille-t-il entre deux délires sur le "nouvel ordre mondial sioniste satanique"… 

"Ça incite beaucoup à la haine, moi je vais pas passer à l’acte mais peut-être que d’autres personnes le feront", se repent, devant des magistrats accablés, cet ancien militaire passé par les casques bleus et "médaillé de la Défense nationale", se rengorge-t-il, en déroulant son corps sec et longiligne. 

"Nous avons aujourd’hui un rendez-vous judiciaire particulièrement inquiétant. Je crois qu’il n’y a nul besoin de défricher la mémoire pour trouver l’inspiration de celui qui comparaît", le renvoie dans les cordes Me Bendayan. "Il a quand même publié sur sa page l’adresse et les coordonnées du Crif en appelant les uns et les autres à prendre les armes !", s’émeut-elle. 

"C’était à une époque où j’étais chez moi, j’élevais seul mon fils de 5 ans, se justifie Vincent. Mais aujourd’hui, promet-il, j’ai changé de vie, je travaille, j’ai une compagne et je vais être de nouveau papa. Sur les réseaux sociaux, je n’y mets plus les pieds." Une abstinence dont fait état le dossier. "Et c’est bien heureux", cingle la présidente, Karine Sabourin. 

Il ne faut pourtant pas beaucoup pousser le prévenu dans ses retranchements pour qu’il se montre plus ambigu, et de nouveau en boucle. "J’ai horreur qu’on dise que je n’aime pas les juifs parce que j’ai des amis juifs et que je fréquente des juives", se lance-t-il, à la manière d’une célèbre personnalité politique, qui, pour amortir ses propos teintés de racisme, sortait systématiquement du chapeau son "amie noire"…"À l’époque où j’ai écrit ça, et je ne pense plus, j’étais hors de moi, pousuit le prévenu. Et Israël l’armée avait tiré sur le peuple, des femmes et des enfants. Je veux un monde juste comme tout le monde. Il faut comprendre que le sionisme, ce n’est pas une ethnie ou une religion, madame, c’est une idéologie politique", fait-il la leçon au tribunal. 

Le procureur explose : "Je suis sidéré par les propos tenus et assumés. Vous jugez aujourd’hui un scribouillard de la mort qui se cache lâchement derrière un clavier pour lancer ses imprécations et surtout des menaces de mort", cogne Ahmed Chafai, en réclamant un an de prison ferme. L’expertise psychiatrique du prévenu est produite à la barre. Elle conclut clairement à une "altération du discernement" du mis en cause au moment des écrits coupables. "Je ne peux pas aller prison. Il faut que je m’occupe de mon fils", supplie-t-il. Après s’être de nouveau excusé en aparté auprès de l’avocate du Crif, Vincent T. s’en tire, pour cette fois, avec une peine de douze mois avec sursis… 

Un "carnage" 

Il y a quelques mois de cela, la même Me Bendayan, toujours en partie civile, s’était confrontée à un profil jugé plus inquiétant. En juin 2019, le ministre de l’Intérieur d’alors, Christophe Castaner, avait jeté un froid en plein dîner du Crif, à Marseille, en racontant qu’un individu venait d’être arrêté après avoir menacé sur internet de faire un "carnage" pendant la soirée. Quelques jours plus tard, La Provence était en mesure de révéler que le suspect en question était un certain Yom Shoah, un "rappeur" très connu dans la mouvance nationaliste, vivant du côté d’Aix-en-Provence. Âgé de 31 ans, Guillaume C., de son vrai nom, serait affilié au groupe néonazi de la Division nationaliste révolutionnaire (DNR), une réminiscence de la Jeunesse nationaliste révolutionnaire (JNR), dissoute par le ministère de l’Intérieur en 2013 après les violences ayant entraîné la mort du militant antifasciste Clément Méric. 

Lors des perquisitions effectuées à son domicile, les policiers étaient tombés sur un véritable "équipement de commando". La liste fait froid dans le dos : des armes de poing factices mais trafiquées, des munitions, sept armes blanches, des faux documents, des drapeaux nazis… "Outre sa promesse de faire un carnage au Crif, il était prêt à partir à la guerre", s’est alarmée la partie civile. Dans ce dossier, les investigations n’ont toutefois pas mis au jour un "projet précis"… 

Lors de l’audience, le militant d’ultra-droite s’était défendu en évoquant une blague mal comprise. Il a finalement écopé de deux ans de prison, dont douze mois avec sursis, assortis d’une obligation de soins et de l’interdiction de posséder des armes.

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