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Publié le 17 Juillet 2014

Cérémonie du Vél' d'Hiv à Drancy

Mercredi 16 juillet 2014

Discours d’Ariel Amar, membre du Bureau exécutif et Président de la Commission Ile-de-France du CRIF, lors de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France, à Drancy

Il y a 72 ans jour pour jour, l’ombre du nazisme s’abattait sur la France comme les laves incandescentes d’un volcan. La rafle du Vel d’Hiv a eu lieu le 16 et le 17 juillet 1942. Ce fut terrible, la plus massive arrestation de Juifs effectuée en France pendant la Seconde Guerre mondiale, effectuée dans des conditions effarantes d’inhumanité.

Dans notre pays : cette rafle fut malheureusement suivie de bien d’autres rafles.

Arrêtés pour leurs idées, leurs opinions ou leurs crimes ? Non,  mais seulement parce qu’ils étaient nés juifs. Étaient-ils des criminels, des opposants politiques, des idéologues, de dangereux agitateurs ? Non c’était des Juifs !

13152 Juifs, en majorité des femmes et des enfants, arrêtés brutalement à leur domicile, envoyés en masse dans la fournaise estivale d’un Vélodrome d’Hiver totalement inadapté, devenant fous par le bruit, la chaleur, la soif, la fatigue, le manque d’hygiène et l’angoisse certains sont poussés au suicide.

La souffrance était-elle à son paroxysme ? Non, les portes de l’enfer venaient seulement de s’entrouvrir.

Il faut rappeler les camps de Pithiviers et de Beaune la Rollande et notamment l’épouvantable et définitive séparation entre les mères et leurs enfants, laissés à l’abandon avant d’être envoyés eux aussi vers les camps de la mort. Les bébés disparus alors auraient contribué dans leur vie à l’effort national et seraient aujourd’hui des citoyens honorables et pour quelques-uns peut-être prestigieux.

Il faut rappeler que c’est à partir d’ici, du camp de Drancy que sont partis la grande majorité des trains pour la mort et que sur les 78000 Juifs déportés de France, seuls 2000 environ sont revenus.

Il faut rappeler que ce ne sont pas les nazis, mais bien des policiers et gendarmes français, sous l’autorité du gouvernement français de l’époque, qui ont accompli ce crime inoubliable. Les interventions du Président Chirac en 1995 et du Président Hollande en 2012 ont imposé à la mémoire collective la triste vérité des faits.

Il faut rappeler aussi que, au milieu de la débandade morale des autorités, de la haine de quelques-uns, de la cupidité de beaucoup d’autres et de l’inaction du plus grand nombre, certains ont su défendre les valeurs qui permettent à l’aventure humaine de garder le nom d’humanité, si galvaudé par ailleurs : je parle ici des Justes ou de ceux qui n’ont pas obtenu ce titre, de ces admirables anonymes ou connus, de ces valeureux policiers venant la nuit conseiller aux familles de fuir ou de ces hommes et femmes prenant le risque de les héberger au moment du danger.

C’est en raison de ce qu’ont fait et les uns et les autres que la loi a institué cette journée commémorative nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France.

C’était il y a 72 ans.

Les générations se déplacent et la question se pose de la signification de ces commémorations  pour les jeunes d’aujourd’hui.

Question d’autant plus nécessaire que le lien à l’histoire est effiloché pour ceux qui vivent dans un monde soumis à la dictature du spectacle, à l’omniprésence du virtuel, à la facilité des amalgames et au soupçon du complot, où la recherche pour la vérité indiffère de plus en plus, où les mots sont galvaudés, instrumentalisés, celui de génocide en est un exemple quotidien. Et sans les mots adéquats, il n’y a pas de pensée possible.

Mal nommer les choses disait Albert Camus, c’est ajouter au malheur du monde.

L’enseignement de la Shoah plus indispensable que jamais ne doit pas être symbolique et désincarné : il doit être historique, être l’apprentissage des faits, c’est-à-dire aussi des méthodes pour mieux distinguer le vrai et le faux.

Or, malgré une volonté politique forte, l’enseignement de la Shoah est impossible dans certaines classes de la France d’aujourd’hui, pour des prétextes fallacieux qui ne sont que des incitations à la haine et ne concerneraient que les Juifs.....

NON la Shoah n’est pas seulement une histoire juive, elle est un faux pas de l’humanité et

NON le temps n’efface pas la douleur, au contraire, l’actualité la réactive.

Mais surtout, Mesdames et Messieurs, les anciens qui se sont tant battus contre les totalitarismes et l’intolérance ou qui en ont tant souffert, et qui se trouvent au soit de leur vie devant une constatation simple et terrible : non, la bête immonde n’a pas disparu. Elle a changé d’oripeaux pour reprendre les mêmes stéréotypes sous des colorations à peine différentes : l’islamisme radical est le plus actif et le plus dangereux des antisémitismes exterminateurs d’aujourd’hui, sauf que pour lui la destruction des Juifs n’est qu’un prélude à d’autres combats contre d’autres infidèles.

Mais les vieux racismes et antisémitismes reprennent aussi des poils de la bête, souvent eux aussi masqués par le prétexte de la haine contre Israël, comme si cette haine-là, focalisée au détriment de tous les autres combats de la planète, n’était pas à elle seule le témoignage de cette nouvelle forme d’antisémitisme qu’est la transformation de la haine unique contre les Juifs en haine unique contre l’État du peuple juif ?

Et s’il n’est pas question de présenter ce que les Juifs vivent aujourd’hui comme une reprise des années 30, la même tentation d’être aveugle aux réalités et aux menaces pour préserver encore un peu son confort, fait que le nom de Munich vient à nouveau dans nos bouches. C’est pourquoi aussi il faut saluer tous ceux notamment au gouvernement, qui préfèrent affronter la vérité.

Mais à l’heure où dans les rues de nos villes les cris de haines se multiplient, les cris de « morts aux Juifs » se banalisent, il y a urgence, la pérennité de la communauté juive de France qui aime tant la France est en risque aujourd’hui et l’humanité se perdra si elle laisse la haine triompher.

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