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Publié le 11 Mai 2020

Ça s’est passé aujourd’hui - 11 mai 1960 : le Mossad capture Adolf Eichmann

Il y a peut-être 1, 5, 10 ans ou encore un siècle tout juste, se produisait un événement marquant. Dans cette nouvelle rubrique intitulée « Ça s’est passé aujourd’hui », à l'image d'un éphéméride, le Crif revient sur quelques événements majeurs de l’Histoire date par date.

11 mai 1960 : le Mossad capture Adolf Eichmann, l'homme derrière "la solution finale"

Texte de Bruno Halioua, Président du la Commission du Souvenir du Crif

Le 11 mai 1960, Ricardo Klement - le contremaitre de 54 ans de l'usine Mercedes-Benz de Buenos Aires - descend du bus qui le ramène à son domicile après une dure journée de travail. Il doit parcourir à pied les centaines de mètres qui le séparent de sa maison de San Fernando, une commune miteuse de la banlieue de Buenos Aires.

Soudain plusieurs hommes d’un commando du Mossad se jettent sur lui l’enroulent dans une couverture et le projettent brutalement sur la banquette arrière de leur voiture qui démarre en trombe. Le commando du Mossad de treize agents vient de réussir la mission ultra-secrète ordonnée par David Ben Gourion, Premier Ministre de l’Etat d'Israël.

Aujourd’hui nous connaissons leur rôle et la façon dont ils ont opéré car beaucoup ont laissés des témoignages.

Qui sont ces agents très spéciaux ? Il y a le chef  Rafael Eitan, secondé par Avraham Shalom. Mais il  y a aussi Shalom Dani, le spécialiste des faux papiers, Moshe Tabor qui est capable de trafiquer n’importe quel moteur ou d’ouvrir toutes les serrures, Efraim Ilani, l’agent sociable parlant parfaitement l’espagnol capable de se faire copain avec n’importe qui en un temps record, Zeev Keren, l'homme à tout faire, Peter Malkin, le costaud expert en arts martiaux considéré également comme un pro du déguisement, Zvi Aharoni, l'interrogateur hors pair qui parle couramment allemand.

Un homme n’a jamais livré son témoignage, c’est le médecin de l’équipe dont nous savons aujourd’hui qu’il s’appelait Yonah Elian. Le rôle de cet anesthésiste serait encore inconnu si il n’y avait pas eu une exposition consacré à l’enlèvement d’Adolf Eichmann au musée Bet Hatfustsot de Tel Aviv en 2012. La curiosité conduit a examiner longuement sa fausse carte d’identité et surtout la seringue qui a permis de plonger Adolf Eichmann déguisé en stewart dans un état d’apathie lors du passage des contrôles de la douane argentine au moment où il a été emmené dans l’avion d’ELAL.

Ce jour là, le 20 mai 1960, Yonah Elian avait injecté une dose importante de sédatifs à Eichmann pour qu'il ait l'air fin saoul. Cela a fonctionné. Les policiers  argentins chargés du contrôle des passagers se sont même moqués de ce stewart Israélien incapable de tenir l'alcool. Une fois dans l’avion. Le médecin a continué à surveiller attentivement Eichmann. L’équipe n’a été soulagé que lorsqu’ils ont atterri à Tel-Aviv. Ils pouvaient livrer l'un des plus grands criminels de l'Allemagne nazie à la justice israélienne.  Grâce à un article écrit par Daniel Estrin publié récemment, il a été possible de mieux connaitre cet anesthésiste israélien (The Doctor Who Helped Israeli Spies Catch Eichmann But Refused Recognition For It. Wbur 16 juillet 2019).

Quel a été le rôle du médecin anesthésiste ?  

Nous savons que Yonah Elian a été un agent du Mossad pendant de nombreuses années. Cet homme secret qui est né en 1923 en Roumanie était considéré comme un expert réputé internationalement pour ses connaissances dans le domaine de la pharmacologie anesthésiologique. Personne ne s’est jamais douté parmi ses collègues qu’il avait participé à l’enlèvement d’un des plus grand criminel de l’humanité. Il a refusé de se rendre à une cérémonie de remise d’une décoration en 2007 à la Knesset pour son action au sein du Mossad. Son rôle a pourtant été fondamental.

C’est Yonah Elian qui est intervenu rapidement après l’enlèvement d’Eichmann pour vérifier qu’l n’avait pas une capsule de cyanure dissimulée dans la bouche. Mais surtout c’est grâce à lui qu’Eichmann a réussi à franchir les contrôles policiers à l’aéroport sans être capable d’alerter la police argentine tout en restant éveillé et en donnant l’impression qu’il était saoul. Il a impressionné les membres de l’équipe et en particulier Zvi Aharoni dont le fils a révélé au journaliste "Comment pouvait-il contrôler Eichmann de manière à ce qu’il reste conscient, tout en ressemblant à un zombie, tout en le gardant toujours réveillé en capacité de répondre à certains ordres ?".

Le fils de Yonah Elian Danny qui est aujourd’hui cardiologue n’a jamais été mis dans la confidence par son père de son rôle exact dans cette mission malgré ses demandes itératives. L’agent du Mossad a gardé le silence jusqu’à sa mort en 2011 par suicide. Il a expliqué à son fils qu’il considérait qu’il n’avait pas respecté le serment d'Hippocrate, la promesse que les médecins prennent de ne pas nuire à leurs patients. Cet argument n’a pas convaincu son fils qui lui a rétorqué que le serment d'Hippocrate n'était pas adapté à la situation puisque Eichmann était un « meurtrier de masse ». La soeur jumelle de Danny, Miri Halperin Wernli, a considéré que le silence de son père s’explique par le culte du secret des agents du Mossad unanimement accepté en Israël : "Il y a des choses que vous ne demandez pas".

L’autre explication serait le traumatisme vécu par Yonah Elian à la suite d’un enlèvement qui a mal tourné en 1954 soit 6 ans avant celui d’Eichmann. Au cours de l’opération Bren, Elian avait été chargé de calmer pendant le vol Alexander Israel, un officier de Tsahal qui s’apprêtait à vendre des secrets militaires à l'ambassade d'Egypte à Rome. Le captif avait été tué à la suite de l’administration d’une dose trop importante de sédatif. Malgré le traumatisme causé par la mort accidentelle d’Alexander Israel, le docteur Elian a accepté la mission qui lui a été confié par le Mossad en 1960.

Les dirigeants du Mossad ont compris qu’il était important de faire appel à Elian car il savait qu’il allait tout faire pour ramener Eichmann vivant. Il avait failli à sa mission la première fois , cette fois il allait réussir. Toutefois Yohah Elian est resté tourmenté toute sa vie par cette mort. En 2011, le vieux médecin  a cessé de faire ses longues promenades habituelles, puis n’a plus voulu quitter son domicile. A l’occasion de la visite de son fils, il lui a remis un petit sac en plastique portant l'inscription "Eichmann Needle". C’était la fameuse seringue qui avait permis de droguer Eichmann. Quelques mois plus tard, le docteur Yonah Elian a mis fin à ses jours en s’injectant un dose léthale de produit toxique. Son fils a conservé cette aiguille qu’il a prêté à la fameuse exposition consacrée à l’enlèvement d’Adolf Eichmann. Comme il l’a expliqué "L'aiguille n'est qu'une aiguille. Cela ne remplace pas les histoires, les récits et les confessions (de son père) qui n'ont jamais été divulgué…."

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