Actualités
|
Publié le 11 Janvier 2017

#Crif - 4 questions à Yigal Palmor par Marc Knobel

Le directeur de la communication et des affaires publiques de l'Agence Juive répond aux questions du CRIF

Alyah : quatre questions à Yigal Palmor, directeur de la communication et des affaires publiques de l'Agence Juive

Marc Knobel a interrogé Yigal Palmor, ancien porte-parole du Ministère des Affaires étrangères israélien sur l’Alyah des Juifs de France

 

Question : Alors qu'en 2015, 7231 juifs français ont quitté la France pour Israël, ils ne sont plus que 5000 en 2016. Ces chiffres qui restent élevés, témoignent-ils selon vous d'un climat d'inquiétude ?

Les chiffres élevés témoignent d'abord du grand intérêt que portent les immigrants à Israël, pays auquel ils veulent attacher leur destin et celui de leurs enfants. La volonté de s'installer en Israël et de participer intégralement à la vie du pays, malgré les difficultés objectives et subjectives que ce choix peut présenter, démontre en outre qu’Israël offre à ces nouveaux venus quelque chose qu'ils ne trouvent pas ailleurs. Sans doute un fort sentiment d'appartenance, probablement une identité heureuse (si j'ose emprunter ce mot), souvent un projet d'avenir, personnel ou sociétal, qui séduit et qui motive. Le choix de l’Alyah est un choix éminemment individuel, et chacun y trouvera pour ses goûts. Qu'un sentiment d'inquiétude puisse influencer le choix de certains, c'est bien avéré. Mais c'est loin d’être un élément unique.

 

Question : La France, qui a été pendant trois ans le plus gros fournisseur de nouveaux immigrants à Israël est aujourd'hui dépassé par l'Ukraine, avec plus de 7000 départs. Depuis la révolution de Maïdan en 2014, le flux ne tarit pas. S’agit-il d’une « alyah de fuite », concernant les juifs se dérobant à une crise ou une montée violente de l'antisémitisme ?

L’Alyah en provenance de l'Ukraine est très certainement influencée par la guerre dans l'Est du Pays. Beaucoup de personnes, refugiées et déplacées, ont préféré de faire leur Alyah sans tarder. D'autres ont attendu une accalmie avant de s'organiser. Mais ces chiffres, légèrement à la baisse par rapport à l'année dernière, démontrent également que la situation du pays s'est relativement stabilisée. En tous cas, les Ukrainiens ne disposent pas d'un passeport européen qui permet l'immigration dans presque tous les pays du monde. C'est un privilège dont disposent les français. Pour les Ukrainiens juifs, Israël est une destination de choix non seulement grâce à leurs familles et leurs amis qui y sont déjà installés par centaines de milliers, mais aussi car Israël les accueille les bras ouverts, ce qui n'est pas forcément le cas partout ailleurs.

 

Question : Combien reviennent en France ?  Les estimations qui circulent vont de 15 % à 30 %, mais aucune statistique officielle n’existe. Pourquoi ? Comment expliquez-vous ce retour ?

Il n'y a pas de statistique officielle car évidemment ceux qui retournent dans leur pays ne s'inscrivent pas en tant que partants et ne sont enregistrés nulle part en arrivant... On ne peut donc pas suivre avec exactitude et rigueur ce mouvement, comme on le fait pour les arrivées. A cela il faut ajouter la mondialisation, qui tend à dissiper la dichotomie d'antan entre "ici" et "la bas". Les gens se délocalisent facilement pour habiter tantôt dans tel pays, tantôt dans un autre, sans jamais avoir vraiment quitté leur pays d'origine où ils retournement souvent. Ils peuvent travailler dans deux pays à la fois, voire plus, ils peuvent s'expatrier pour mieux faire le pont entre le pays d'origine et le pays de destination. Bref, il est extrêmement difficile de déterminer, de nos jours, le pays d'ancrage de certaines personnes (sauf pour les impôts, et encore!). Et, il en résulte une difficulté statistique inhérente à rendre compte de cette réalité complexe. Ceci dit, en examinant les entrées et les sorties d'Israël en se référant a une ventilation qui rendrait compte du pays d'origine, de la longueur du séjour à l’extérieur et la date de la naturalisation, on peut parvenir à une évaluation assez indicative des retours de Olim. Pour la France, il s'agirait de 10% à 15%, sur les 15 dernières années. Comme on ne peut pas les interroger de manière systématique sur les raisons du retour, ou si ce retour est bien définitif ou ne constituerait qu'une manière de vivre à cheval sur deux pays, si j'ose dire, on ne peut que supputer et spéculer sur ce qui les motive à se réinstaller en France. Des raisons familiales, des difficultés perçues comme insurmontables à s'insérer dans le monde du travail, une intégration houleuse dans une société dont ils ne connaissent ni les codes ni la langue, des réseaux sociaux insuffisants, un filet de protection sociale qui est loin de la norme française? Probablement un peu de tout cela, peut être aussi des sentiments très personnels, et en tous cas une possible quête continue de sérénité et d’épanouissement qui se trouverait enrichie d'une expérience d'immigration, expérience ouvrant de nouveaux horizons mais peut-être pas ceux escomptés, peut-être pas aussi satisfaisants qu'on ne le croyait au départ.

 

Question : Comment gère-t-on toutes ces problématiques à l'Agence juive?

L'agence Juive essaye de répondre aux intérêts et aux besoins spécifiques de chaque communauté. Les possibilités d’Alyah sont expliquées et explorées en détail avec les candidats, et les liens avec les autorités pertinentes sur place sont tissés à l'avance, pour permettre une meilleure intégration dans les domaines de l'emploi et du logement. Des programmes spéciaux attendent les immigres de chaque pays, en fonction de leur langue et leurs caractéristiques propres. Certaines villes accueillent des communautés de certains pays et cela peut faciliter l'intégration, avec l'assistance nécessaire. Toutes ces spécificités sont prises en compte par l'Agence Juive, pour permettre à chaque Oleh, à chaque immigrant, de mettre toutes les chances de son côté.

 

Pour aller plus loin :

http://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Partir-sinstaller-en-Israel-pas-si-simple-2017-01-06-1200815294

 

Auteur : Marc Knobel