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Publié le 24 Juillet 2019

Crif - Iran : Antisémitisme et négationnisme, une constante (1/2)

Le Crif propose une série de 2 articles sur l’Iran. Pour commencer, nous verrons comment la propagande négationniste imprègne la société iranienne. Les saillies antisémites se sont multipliées ces dernières années, même si la communauté juive iranienne (estimée à 8500 membres) jouit d’une relative liberté de culte.

Par Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif

Pour beaucoup d’Iraniens (mais aussi d’arabes), les Juifs furent les vrais vainqueurs de la deuxième guerre mondiale. Selon eux, le sionisme utilisait cyniquement la Shoah comme un moyen d’extorsion financière et psychologique vis-à-vis de l’Occident. Or, de nombreux cercles notamment en Iran, appliquent des symboles, une terminologie et une idéologie nazies aux Israéliens, qui sont ainsi transformés de victimes en bourreaux. Et, c’est en Iran que les négationnistes acquièrent une place de plus en plus grande. 

En Iran, un antisémitisme délirant, un négationnisme encouragé

-En 1998, des journalistes et des membres du parlement iranien signent une pétition en faveur de Roger Garaudy, lorsque celui-ci avait été condamné à Paris pour « contestation de crimes contre l’humanité. » Durant l’une de ses visites à Téhéran, le négationniste Roger Garaudy avait été accueilli en héros par l’Ayatollah Khamenei, président de la République Islamique d’Iran. 

-En décembre 1999, l’édition anglaise du quotidien Kayhan publie un article intitulé « le mythe de l’Holocauste » qui prend la défense du négationniste australien Frederick Toben. 

-En mai 2000, l’ambassade d’Iran à Vienne apporte son soutien à un ingénieur autrichien, le négationniste Wolfgang Fröhlich. 

-En 2001, le Teheran Times publie une série de seize articles : « Une conspiration sioniste : le mensonge d'Auschwitz ». 

-Les journalistes de l’IRIB - la radio officielle iranienne dont les programmes sont retransmis tant en Asie, qu’en Europe ou au Moyen-Orient - s’entretiennent régulièrement avec le négationniste Mark Weber, directeur américain d’une officine négationniste d’extrême-droite, l’Institute for Historical Review. Par ailleurs, le négationniste germano-canadien Ernst Zundel était interviewé ainsi qu’Ahmed Rami, militant antisémite et négationniste marocain réfugié en Suède, animateur de Radio Islam.

Et les choses s’aggraveront par la suite. Le négationnisme devient politique d'Etat.

-À de multiples reprises depuis son élection en juin 2005, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad conteste la réalité de la Shoah. Dès octobre 2005, affirmant qu'Israël devait être « rayé de la carte », Ahmadinejad qualifie de « mythe » le génocide des juifs. Il affirme que la Shoah serait un « prétexte » au développement du sionisme, à « l'oppression » des Palestiniens, à l'accroissement de « l'influence des juifs dans l'économie, les médias, les centres de pouvoir ».

-En décembre 2005, à La Mecque où il participe à un sommet, Mahmoud Ahmadinejad continue de nier la réalité du génocide nazi et propose le transfert d’Israël en Europe. 

-Le 14 décembre 2005, dans un discours délirant prononcé lors d’un rassemblement dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-ouest de l’Iran), le président iranien dénonce une nouvelle fois le « mythe du massacre des Juifs (1) ». Ahmadinejad, qualifie la Shoah de « mythe inventé (par les Européens) qui l'ont placé au-dessus de Dieu, des religions et des prophètes. »

-Le 15 janvier 2006, l'Iran annonce qu’une prétendue conférence sera chargée de se pencher sur les preuves « scientifiques » du génocide des juifs par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est pompeusement intitulée « Etude sur l'holocauste : perspective mondiale. » Son organisation revient au Centre des études politiques et internationales du ministère des Affaires étrangères iranien. Le ministère iranien est donc chargé d'organiser cette propagande d'Etat.

Les thèmes retenus sont les suivants : 

- « les raisons de l'antisémitisme en Europe », 

- « l'holocauste du point de vue des documents historiques », 

- « l'holocauste, les lois et les médias », 

- et enfin « l'holocauste et le sionisme ». 

Le falsificateur de l’histoire, Robert Faurisson, y participe, (11 et 12 décembre 2006). 

Justement, en septembre 2016, le négationniste Robert Faurisson est  condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à 4.000 euros d'amende pour « diffamation raciale », pour des propos à Téhéran, niant l'existence des chambres à gaz nazies (2).

- Du 2 au samedi 5 février 2012, dans le cadre du 30ème Festival international du Cinéma à Téhéran, se tient la deuxième Conférence internationale sur l’Hollywoodisme et le cinéma mondial. La délégation française comprend le négationniste Robert Faurisson, l’écrivain Paul-Éric Blanrue (représenté), le négationniste Vincent Reynouard (représenté), Dieudonné M’bala M’bala et l’essayiste Maria Poumier (3). Le Président de la République Islamique d’Iran remet un « prix » aux négationnistes Robert Faurisson, Vincent Reynouard et à Maria Poumier.

- Enfin, en janvier 2015, en protestation contre les dessins de Charlie Hebdo, la Maison iranienne du dessin d'humour lance la seconde édition du « concours international de caricatures de l'Holocauste » avec pour thème la négation de la Shoah (4). Plusieurs participants au concours puisent dans la longue lignée haineuse d'illustrations antisémites, dont celles des propagandistes nazis. Tous les stéréotypes criminels sont représentés : les Juifs grippe-sous, le Juif vampire suceur de sang, le Juif tueur d'enfants, le Juif malveillant qui tire les ficelles, et celui qui exploite la population dans un pays qui n'est pas le sien (5).

- Shams Al-Din Rahmani, expert iranien des affaires palestiniennes, déclare dans une vidéo mise en ligne le 6 octobre 2018 : « Nous ne disons pas que nous devrions étrangler tous les juifs, comme Hitler, qui selon eux a perpétré leur Holocauste, lequel, soit dit en passant, est un mensonge absolu. » 

Rahmani compare Hitler à Churchill et à Staline, les mettant sur un pied d’égalité. Il ajoute que les juifs ont pris le contrôle du monde au milieu du 19e siècle et que l’industrie pétrolière, propriété de Rockefeller et de Rothschild, prospère grâce au recours à des prêts juifs. Par ailleurs, selon lui, l’immigration de 2,5 millions de juifs d’Europe de l’Est et de Russie en Amérique a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Cette vidéo a été mise en ligne sur le site web iranien Kheybar.net (6).

 

Un antisémitisme officiel détabouisé 

1) Les éléments de langage traduisent une obsession antisémite. Les israéliens ne sont jamais nommés en tant que tel, mais comme des « sionistes. » Israël est qualifiée de « tumeur », de « cancer », de « maladie ». Ces qualifications renforcent l’impression que le « mal » devrait être combattu durement, comme on combattrait une maladie dégénérative. 

2) Les articles, les émissions à la radio et à la télévision saupoudrent ces accusations en utilisant une phraséologie, des concepts, des images, des phrases et des mots qui puisent dans l’imaginaire complotiste et antisémite, depuis le moyen-âge, jusqu’aux nazis. 

3) Les qualifications utilisées auraient pu se retrouver facilement dans l’hebdomadaire nazi -publié par Julius Streicher de 1923 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945-, Der Stürmer. 

4) Enfin, le négationnisme est en Iran, une politique d’Etat. Il permet de remettre en cause l'existence de l'Etat d'Israël et de diaboliser les Juifs, dans leur ensemble.

Nous verrons dans un second article comment l’Iran promeut et énonce la disparition d’Israël.

 

À suivre...

 

Notes :

1)   Voir à ce sujet, Pierre-André Taguieff, L’imaginaire du complot mondial. Aspects d’un mythe moderne, Mille et une nuits, 2005, 216 pages.

2)   AFP, 28 septembre 2016.

3)   Cette universitaire est proche de Roger Garaudy. Plusieurs médias et associations lui reprochent d'être la « compagne de route des négationnistes » comme secrétaire de rédaction de la revue À Contre-Nuit fondée par Roger Garaudy.

4)   The independent, 1er février 2015. Le gagnant est le Français Zeon, avec une caricature antisémite, qui a pour objet la Shoah et le chiffre de 6 millions de victimes, traduites en autant de billets de banque.

5)   Steven Luckert, « Colporter la haine à Téhéran », Huffington post, 5 octobre 2016.

6)   http://memri.fr/2018/11/08/le-chercheur-iranien-shams-al-din-rahmani-nie-lholocauste-et-affirme-que-les-juifs-controlent-lindustrie-petroliere/

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