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Publié le 9 Avril 2018

Terrorisme - Le Hamas : origines, idéologie et fonctionnement

Quel est l'ADN du Hamas ? Quelles sont les lignes phares de ce mouvement ? Que veulent-ils vraiment ? Et quel modèle veulent-ils imposer à la société palestinienne ?

Le Hamas s'est formé fin 1987, le mouvement est alors proche des Frères musulmans d'Égypte.

Selon sa charte, le Mouvement de la Résistance Islamique est l'une des ailes des Frères musulmans en Palestine. L'idéologie et les objectifs de ce mouvement sont donc contenus dans sa charte, adoptée le 18 août 1988.

Parmi les aspects les plus controversés de cette charte, figure l'article 13 qui définit la Palestine historique, c'est-à-dire le territoire recouvrant celui du mandat britannique et incluant donc géographiquement l'Etat d'Israël, comme une exclusive propriété islamique (wafq).

«Abandonner une partie de la Palestine, c’est comme abandonner une partie de sa religion», déclare le Hamas. Pour le mouvement islamiste, seul le djihad, considéré par l'article quinze comme une obligation religieuse, pourrait restaurer une souveraineté, sous la forme d'un Etat islamique et par le biais d'une (ré) islamisation de la société.

Son article 8 est plus catégorique encore. Le Hamas y rappelle sa devise: «Dieu est son but, l'Apôtre son modèle, le Coran sa constitution, le djihad son chemin et la mort sur le chemin de Dieu la plus éminente de ses espérances. »

Cependant, notons que le Hamas est moins unifié qu’on ne le croit et, comme partout, il existe plusieurs courants.

Le Hamas pourrait-il évoluer ?

Que pense le Hamas du processus de paix ?

En 1990, le Hamas créé sa «branche armée», les brigades Ezzedine al-Qassam, du nom d’un militant nationaliste arabe qui a combattu en Palestine avant la création d’Israël en 1948.

Le Hamas rejette les accords d'Oslo de novembre 1993, signés entre Israël et l'Autorité palestinienne. Toutefois, dans le même temps, Ahmed Yassine propose une hudna (trêve, en référence à la loi islamique qui permet une trêve conditionnelle limitée à 10 ans maximum avec des non-musulmans) si Israël accepte de se retirer des territoires occupés. Cependant, le 16 avril 1993, le Hamas revendique son premier attentat-suicide, perpétré contre un bus à Mehola Junction, une aire d'autoroute dans la Vallée du Jourdain.

Depuis, les brigades Qassam vont mener des attaques sanglantes contre des militaires et des civils israéliens et assassiner de nombreux Palestiniens soupçonnés de collaboration avec Israël.

Voir à ce sujet le document suivant : « Suicide and Other Bombing Attacks in Israel Since the Declaration of Principles (Sept 1993) » : http://www.mfa.gov.il/mfa/foreignpolicy/terrorism/palestinian/pages/suicide%20and%20other%20bombing%20attacks%20in%20israel%20since.aspx

Ajoutons que le Hamas encourage les Palestiniens à en perpétrer, quelque puisse être par ailleurs le mode opératoire (voiture bélier, couteau, arme blanche…). L'organisation rétribue/paye financièrement les familles dont les membres ont été tués lors d’opérations militaires et/ou terroristes, manière d’encourager fermement le terrorisme. 

Fréquemment, des tirs de mortier ou de roquettes des groupes armés palestiniens ont lieu depuis Gaza. Ces tirs visent le plus souvent de manière générale des quartiers d'habitation israélien.

Précisons, le mouvement islamiste palestinien Hamas ne figurait plus sur la liste des organisations terroristes de l'UE depuis fin 2014, à cause d'un vice de forme. La Cour de justice européenne est revenue sur cette décision et l'a replacé sur sa liste noire.

Rappelons également que dans l’article treizième de sa Charte, le Hamas dit renoncer à toutes négociations.

Selon lui, les initiatives et les conférences internationales préconisées pour régler la question israélo-palestinienne vont à l'encontre de la profession de foi du mouvement. «Renoncer à quelque partie de la Palestine que ce soit, c'est renoncer à une partie de la religion. Ainsi, le patriotisme du Mouvement de la Résistance Islamique fait-il partie de sa religion», affirme le Hamas.

«C'est sur cette base que ses membres ont été éduqués et c'est pour déployer l'étendard de Dieu sur leur patrie qu'ils mènent le Djihad.»

Le mouvement islamiste réaffirme plus loin: « Il n'y aura de solution à la cause palestinienne que par le djihad. Quant aux initiatives, propositions et autres conférences internationales, ce ne sont que pertes de temps et activités futiles.»

Cependant, le Hamas palestinien a présenté en mai 2017 un «document politique» qui dit compléter, sans pour autant la remplacer, sa charte publiée en 1988. Ce texte a été élaboré dans le plus grand secret avant d'être soumis à l'approbation des divers échelons du parti islamiste, qui l'a diffusé à la fois en Arabe et en Anglais lors d'une conférence de presse organisée à Doha (Qatar). Il réaffirme l'ambition de «libérer» la Palestine historique face à l'«occupation» israélienne mais reconnaît, pour la première fois noir sur blanc, que «l'établissement d'un État palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale (…), est une formule de consensus national» (Le Figaro, 2 mai 2017).

Ce texte ne stipule pas clairement qu’il rend caduque la charte précédente du mouvement mais s’y superpose. Bref, cet aggiornamento, esquissé du bout des lèvres, vise manifestement à atténuer l'isolement du Hamas sur la scène internationale.

Voir à ce sujet : http://www.lejdd.fr/international/proche-orient/pourquoi-la-nouvelle-charte-du-hamas-ne-change-pas-grand-chose-3317894

Les autorités israéliennes, insensibles à cette timide inflexion idéologique, ont aussitôt dénoncé un «écran de fumée». «Nous voyons que le Hamas continue d'investir toutes ses ressources non seulement dans la préparation de la prochaine guerre avec Israël, mais aussi pour encourager les enfants de Gaza à détruire notre pays», a regretté le bureau du premier ministre Benyamin Nétanyahaou. David Keyes, son porte-parole, a pour sa part estimé que «le Hamas essaie de tromper le monde mais n'y parviendra pas» (Le Figaro, 2 mai 2017).

Réconciliation avec le Fatah ?

Le 9 mai 2005, le premier ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon, annonce que le retrait de la bande de Gaza débutera « immédiatement après le 9 Ab », date du calendrier juif correspondant au 14 août 2005. Trente-huit ans d’occupation de la bande de Gaza prennent fin avec le départ des derniers soldats israéliens, en septembre 2007.  

Rappelons avant toute chose que le Fatah de Mahmoud Abbas qui domine l'Autorité palestinienne a été évincé de force en 2007 par le Hamas islamiste, ennemi d'Israël et infréquentable pour une partie de la communauté internationale.

Après une quasi-guerre civile entre les services de sécurité loyaux au Fatah et les islamistes, le Hamas prend donc le contrôle total de la bande de Gaza.

Mais, le 12 octobre 2017, le Hamas et le Fatah signent un accord de réconciliation dont le but est, selon le numéro deux du Hamas Saleh al-Arouri de «travailler ensemble contre l’entreprise sioniste.»

L'accord prévoyait que l'Autorité palestinienne prendrait le contrôle total de la bande de Gaza, d’ici le 1er décembre 2017 et que 3.000 policiers (au moins) de l’Autorité palestinienne seraient déployés dans la bande de Gaza et aux frontières avec Israël et l’Egypte.

Selon Cyrille Louis du Figaro, «les pressions extérieures, ainsi que l'épuisement d'une population soumise aux rigueurs du blocus israélo-égyptien et meurtrie par trois guerres successives, l'ont convaincu de remettre les clés de l'enclave à l'Autorité palestinienne» (Le Figaro, 12 octobre 2017).

La passation de pouvoir dans la bande de Gaza devait avoir lieu vendredi 1er décembre 2017. Mais le Fatah et le Hamas, les deux partis rivaux palestiniens, ont annoncé le report de ce passage de témoin qui devait être le point d'orgue de l'accord de réconciliation conclu au Caire en octobre dernier sous le parrainage palestinien. Un rapprochement qui est au point mort.

Par ailleurs, en mars 2018, un attentat vise le Premier ministre de l'Autorité palestinienne Rami Hamdallah, au passage de leur convoi qui venait d'entrer dans la bande de Gaza. S'il en sort indemne, l'explosion démontre d’abord la perte d'influence de l'autorité palestinienne. Du reste, l'Autorité a soulevé la responsabilité du Hamas, mais davantage en tant que force gouvernante. Chacun, y compris l'ONU, s'accorde à dire qu'à travers M. Hamdallah, c'était la réconciliation qui était visée. M. Hamdallah a assuré que l'entreprise se poursuivait.

Mais un haut responsable a indiqué à l'AFP que M. Abbas, président de l'Autorité, avait suspendu les visites à Gaza jusqu'à nouvel ordre. Le Hamas et le Fatah se sont montrés incapables de s'entendre sur des questions essentielles comme le contrôle de la sécurité ou le paiement des fonctionnaires (Paris Match, 15 mars 2018).

Comment se définit lui-même le Hamas ?

La confrérie serait le «mouvement universel» et le Hamas, son «mouvement de résistance en Palestine».

Le Hamas est donc l'une des ailes des Frères musulmans en Palestine.

Que dit à ce sujet le Hamas ?

«Le Mouvement des Frères musulmans est un organisme mondial, le plus important des mouvements islamiques de l'époque moderne; il se distingue par (...) l'universalisme parfait des concepts islamiques qui s'appliquent à l'ensemble des domaines de la vie, aux représentations et aux croyances, à la politique et à l'économie, à l'éducation et à la vie sociale, au judiciaire et à l'exécutif, à la mission et à l'enseignement, à l'art et à l'information, à ce qui est caché comme à ce qui est manifeste et à tous les autres domaines de la vie» (Article deuxième de la Charte du Hamas.)

Selon le Hamas, la Palestine serait donc une terre islamique.

Dans son article premier, le Hamas définit en ces termes ses bases intellectuelles: «L'islam est sa règle de vie; il en tire ses idées, ses concepts de même que ses points de vue sur l'univers, sur la vie et sur l'homme; c'est à lui qu'il se remet pour juger de l'ensemble de ses pratiques et c'est de lui qu'il tire les indications de la Voie droite sur laquelle mettre ses pas.»

De fait, l'islamisation de la société est le pilier de l'idéologie du Hamas, qui appartient à la mouvance des Frères musulmans.

Que deviendraient les Chrétiens et les Juifs avec le Hamas ?

Le Hamas soutient-il la dhimmitude des autres religions ? Nous rappelons ici que le mot dhimmitude définit l'ensemble des relations entre d'une part l'Oumma, la communauté islamique, et d'autre part le Peuple du Livre (la Bible), c'est-à-dire les juifs et chrétiens (ahl al-kittab).

C'est ainsi que tant que les Juifs et les Chrétiens se soumettront à la loi islamique -c'est-à-dire accepteront l'état de dhimmitude- l'Etat musulman théoriquement protégerait leur vie et leurs biens. Justement, dans son article Trente et unième, le Hamas affirme: «A l'ombre de l'islam, les disciples des trois religions, islamique, chrétienne et juive, peuvent coexister dans la sécurité et la confiance. Ce n'est qu'à l'ombre de l'islam que la sécurité et la confiance peuvent se trouver, l'histoire récente et ancienne en constituant un bon témoin. »

Examinons ce qu'il en est dans la bande de Gaza.

Hazem Abu Shanab, un membre du Conseil révolutionnaire, organe de contrôle du Comité central du Fatah, ancien ambassadeur de l'Autorité nationale palestinienne au Pakistan, avait confirmé à MidEast Christian News (25 novembre 2013) ce qu'il en est du sort dramatique des Chrétiens dans la bande de Gaza. Selon lui, le Hamas impose un islam rigoureux, réprime les chrétiens, limite leur liberté de culte et s'efforce de les convertir à la religion musulmane. Dans cet entretien, Hazem Abu Shanab rappelle les attaques contre les églises et lieux de culte chrétiens et l'imposition aux chrétiens depuis 2013 de manuels scolaires qui ont été rédigés pour promouvoir l'idéologie du Hamas et des Frères Musulmans.

Le sort des chrétiens à Gaza continue de se dégrader. Un nouveau rapport en langue arabe dénonce la recrudescence d’actes anti-chrétiens dans la bande de Gaza, qui ne compte que 2500 chrétiens pour 1,5 million de musulmans.

Selon infochretienne.com (9 novembre 2016), les autorités locales de Gaza ont définitivement abandonné la petite minorité chrétienne, laissant les chrétiens en proie à une «pression importante et continue» des islamistes. Raymond Ibrahim, observateur des médias en langue arabe témoigne ainsi : «Parfois, nous entendons qu’une librairie a été bombardée ou qu’il y a eu des agressions sur les chrétiens ou les églises.D’autres fois, nous entendons parler de l’enlèvement de chrétiens et des contraintes exercées sur eux pour embrasser la religion de Mahomet.»

Lundi 17 octobre 2016, des chrétiens auraient manifesté pour demander le retour de leurs enfants ou de leurs proches enlevés. Ils portaient des banderoles proclamant leur foi : «Je suis un chrétien et je suis fier de la croix.»

Monseigneur Alexios a confirmé que les chrétiens se convertissent à l’Islam sous la menace, la contrainte et la force. Son église a présenté une pétition au gouverneur de la région, Ismail Haniyeh, lui demandant d’enquêter sur ces questions. À ce jour, elle est toujours sans réponse.

Et l'antisémitisme ?

Au-delà de l'hostilité à Israël, la charte exprime une forte hostilité aux Juifs, le mouvement palestinien Hamas est fondamentalement antisémite. Selon le Hamas, les sionistes sont partout: derrière l'ONU, la Franc-Maçonnerie, la révolution de 1789 et celle de 1917, et même derrière le Lion's Club et le Rotary.

La Charte se réfère sans l'ombre d'une hésitation au protocole des sages de Sion, le célèbre opuscule antisémite russe datant de 1903.

Que devient Gaza ? Qu'impose le Hamas à Gaza?

La situation à Gaza est terrible. 

Onze ans après la prise de pouvoir du mouvement islamiste Hamas, l’enclave palestinienne subit de plein fouet les restrictions appliquées par Israël, l’Egypte et, depuis le mois d’avril 2017, par l’Autorité palestinienne.

Les taux de chômage sont dramatiques : 40 % de la population globale, et jusqu’à 80 % chez les moins de 30 ans, qui représentent une très grande partie des habitants. L'administration est à terre et les fonctionnaires ne sont plus payés par l’Autorité palestinienne. Les coupures d’électricité font partie du quotidien. Sans électricité, la désalinisation de l’eau de mer devient très compliquée.

La situation sanitaire s’est aggravée depuis les bombardements israéliens de 2008-2009 (opération Plomb durci), de 2012 (opération Pilier de défense) et de 2014 (opération Bordure protectrice), avec la destruction des canalisations et systèmes d’évacuation des eaux (La Croix, 13 juillet 2017), à la suite des différents conflits et du bombardement d’Israël.

Cependant, le Hamas porte également une lourde responsabilité en cette situation.

Prenons quelques exemples caractéristiques.

• Le mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir à Gaza, est accusé de violations systématiques des droits de l'Homme à grande échelle, y compris de torture et de procès inéquitables. Son système pénal se caractérise par l'injustice, il viole systématiquement les droits des détenus et accorde l'impunité à des services de sécurité abusifs.

• Des jeunes ont été régulièrement arrêtés par la police, parfois battus et ils ont eu par exemple le crâne rasé de force car ils arboraient des coupes de cheveux jugées "indécentes". Des garçons portant des jeans taille basse ont également été visés (RFI, 26 avril 2013).

Voir à ce sujet : https://www.huffingtonpost.fr/marc-knobel/le-hamas-cest-quoi-_b_5581824.html

• En ce qui concerne les femmes, si aucune loi n'est émise, le mouvement islamiste encourage le port du voile. Les Palestiniennes se voient interdire de fumer la chicha en public, de monter à l'arrière de motos ou encore de se faire coiffer par des hommes... 

Voir : http://pointdebasculecanada.ca/hamas-islamise-gaza-et-les-droits-des-femmes-reculent/

• L'organisation islamiste a expurgé les manuels scolaires des valeurs «contraires à la religion musulmane »: le Hamas s'oppose à l'enseignement des droits de l'homme et au fait que ces manuels reproduisent la Déclaration universelle des droits de l'homme. Car, selon l'organisation islamiste, ces manuels sont «totalement étrangers à la réalité de l'élève arabo-islamique palestinien », (Shaffaf, 18 février 2014).

Voir aussi : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2009-4-page-59.htm

• C'est ainsi que règne une «famine culturelle» à Gaza, déplore dans un entretien, le professeur de littérature anglaise Sahar El-Mougy: «Il n'y a même pas de cinémas, de bibliothèques, de librairies proposant des livres sur les arts, la philosophie ou la littérature. Les seuls livres disponibles sont ceux traitant de la charia islamique (jurisprudence islamique) et du Fiqh (pensée islamique). »

Enfin, il faut espérer qu'Israéliens et Palestiniens vivront côte à côte, en paix et en sécurité et dans deux Etats distincts.

Les guerres israélo-palestiniennes sont une tragédie et personne ne peut ou ne doit se réjouir d'un conflit aussi dur, avec son cortège de morts et de blessés. Pour mettre fin à ce conflit, il faut relancer le processus de paix et l'encourager.

Cependant, ce n'est pas avec le Hamas que la paix adviendrait, parce que dans son ADN en l'état, il y a le refus de reconnaître Israël, l'opposition aux traités de paix, le recours systématique au terrorisme et le Hamas ne reconnaît que l'Islam, sa seule et unique matrice. Mahmoud al-Zahhar (28 octobre 2011), un des fondateurs du Hamas l'avait d'ailleurs déclaré : «La nation arabe a commencé à récolter les fruits d'un chaud printemps arabe. Hier, les islamistes l'ont emporté en Tunisie. Demain, ils triompheront en Égypte, puis en Libye et ce, jusqu'à ce que l'islam, qui règne en conformité avec les règles du Coran, prévale sur la planète entière. »

 Par Marc Knobel, Historien et Directeur des Etudes au Crif