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Publié le 23 Mai 2018

#Crif #Turquie - Les outrances de Recep Erdogan

D’ordinaire, il manie la langue de bois. Il joue/use et abuse du nationalisme pour flatter son électorat islamo-conservateur. Il ordonne l’arrestation et la répression féroce des opposants politiques. Il a pour nom Recep Tayyip Erdogan. Que faut-il penser des provocations d’Erdogan ?

Par Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif

Il faut dire que Recep Erdogan est animé par une incommensurable soif du pouvoir. Parallèlement, il rêve d’être celui qui rétablira l’ancien Empire Ottoman, quitte à commettre l’irréparable. D’ordinaire donc, il gouverne d’une main de fer la Turquie.

Par ailleurs, alors que les kurdes ont résisté à Daech, Erdogan se lance dans la conquête du Kurdistan syrien, dans un climat qui frôle l’hystérie nationaliste. «Étape par étape, nous débarrasserons notre pays jusqu'à la frontière irakienne de cette croûte de terreur qui essaie de nous assiéger», avait affirmé le Président turc en janvier 2018. Depuis, l’armée turc assiège et bombarde donc le nord de la Syrie.

Le voici qui, maintenant, vient de qualifier Israël d'«État terroriste» et les actions israéliennes dans la bande de Gaza de «génocide». «Ce qu'Israël a fait est un génocide. Je condamne ce drame humanitaire, ce génocide, d'où qu'il vienne, d'Israël ou d'Amérique», ajoute bruyamment le chef de l'Etat dont le pays a rappelé pour consultations ses ambassadeurs en Israël et aux Etats-Unis après le « bain de sang », selon le vice-Premier ministre Bekir Bozdag.

Que faut-il penser des provocations d’Erdogan ?

Premièrement. Prenant l'opposition par surprise, le chef de l'État turc, dont les pouvoirs ont été renforcés par une réforme constitutionnelle, avait annoncé en avril 2018 que les élections législatives et la présidentielle se tiendront le 24 juin prochain, un an et demi avant la date prévue.

Incontestablement, en politique étrangère, les déclarations tonitruantes d’Erdogan ont pour objectif de souder son électorat. Pourquoi ? Parce qu’Ankara a des relations de plus en plus tendues et distantes avec les Etats-Unis. Quant aux négociations d’adhésion à l’Union européenne, elles sont plus que jamais au point mort, même si les européens entretiennent à cet égard une sorte de fiction diplomatique pour ne pas froisser un pays qui héberge près de… 3 millions de réfugiés.

Dans ces conditions, les accusations qui ont été portées contre Israël et les Etats-Unis ont un objectif : consolider son électorat (islamo-conservateur). En définitive, cet activisme régional n'est pas dénué d'arrière-pensées sur la scène intérieure.

Deuxièmement. Depuis quelques années, les rodomontades du Président turc Recep Tayyip Erdogan, défraient la chronique.

Il ne se passe plus une semaine, sans que sa politique de répression et de vastes purges scandalisent la communauté internationale. Le putsch raté de 2016 durcit un peu plus les positions d'Erdogan, la presse et les opposants sont visés par des arrestations en masse et la répression menée par le Président turc n’épargne personne. En détournant une partie de l’opinion et en désignant d’office les «ennemis» de l’étranger, Erdogan conforte son électorat, nationalisme oblige et déplace les problématiques et les enjeux.

Autre élément géopolitique, le Turc Erdogan se rêve en leader des musulmans. Pour Erdogan, l'objectif est de regagner aussi « le cœur et les esprits » du monde arabe. (Sur le sujet : https://www.lejdd.fr/international/le-turc-erdogan-se-reve-en-leader-des-musulmans-3533696)

Troisièmement. En Turquie, le Parti de la justice et du développement au pouvoir est très proche des Frères musulmans égyptiens et son président qui en est issu, est un membre de la confrérie. (Sur le sujet : http://www.lphinfo.com/les-liens-sombres-derdogan-avec-les-freres-musulmans/)

Par conséquent, il était inévitable que le Président turc ait pris position au côté du Hamas contre Israël à l’occasion des conflits et des guerres qui opposent Israël au Hamas. La semaine dernière, Recep Tayyip Erdogan a déclaré que le Hamas est un « mouvement de la résistance palestinienne » et non « une organisation terroriste ».

Comment Israël (ré)agit-il ?

Le Président turc Recep Tayyip Erdogan a comparé les démarches d'Israël contre les Palestiniens dans la bande de Gaza aux persécutions contre les Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, relate The Times of Israel. (Sur le sujet : https://www.timesofisrael.com/erdogan-likens-israeli-brutality-in-gaza-to-nazi-murder-of-jews/)

Benjamin Netanyahou n’a pas tardé à riposter face au dirigeant turc.

« Erdogan n’a pas l’habitude qu’on lui réponde, il devrait commencer à s’y faire. Lui qui occupe le nord de Chypre et la région kurde tout en massacrant des civils à Afrine ne devrait pas nous sermonner sur la moralité et les valeurs ».

« Un homme qui envoie des milliers de soldats turcs occuper le nord de Chypre et envahir la Syrie ne nous sermonnera pas lorsque nous nous défendrons contre un attentat du Hamas. Un homme dont les mains sont tachées du sang d'innombrables citoyens kurdes en Turquie et en Syrie est le dernier à nous prêcher sur l'éthique de combat», a tweeté M. Netanyahou. (Sur le sujet : http://premium.lefigaro.fr/flash-actu/2018/05/15/97001-20180515FILWWW00170-gaza-netanyahou-rejette-les-lecons-de-morale-d-erdogan.php)

Netanyahu a ajouté qu’Erdogan « est parmi les grands supporters du Hamas et il ne fait aucun doute qu’il comprend parfaitement le terrorisme et les massacres. Je suggère qu’il ne nous donne pas de leçons de morale », a affirmé M. Netanyahu dans un communiqué de son bureau.

Dernier point, lors de la controverse liée au déplacement de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, le ministre du Logement Yoav Galant avait écrit sur Twitter : « Le règne des Turcs a pris fin il y a 100 ans ».

« Erdogan, vous avez assez des problèmes en Turquie, occupez-vous de vos affaires et ne nous menacez pas. »

A bon entendeur…